C'est en 1995 qu'avait démarré l'expérimentation de ce système de gestion informatisée de l'aide sociale départementale dans les services sociaux du conseil général. Une période d'observation prolongée à deux reprises, par la CNIL, en raison des problèmes soulevés par l'existence d'informations nominatives sensibles, recueillies sous la forme de « typologies sociales préétablies ». C'est d'ailleurs à cause de ces données que la commission, saisie par un collectif d'organisations professionnelles, avait mené, les 26 juin et 21 juillet, une nouvelle mission de vérification sur le terrain.
Principal constat : les « typologies sociales » utilisées dans l'Ain sont « assez largement contestées par les travailleurs sociaux », qui ne les utilisent pas « comme un outil d'aide à la gestion de leur activité ». Elles apparaissent en effet « dépourvues de pertinence [...] et, par leur caractère le plus souvent subjectif, excessives au regard des droits et libertés des personnes ». Ainsi, ces typologies ne seraient exploitées « qu'à des fins statistiques », note la CNIL qui « invite » donc le conseil général de l'Ain à les « supprimer ». En outre, si elle reconnaît que le recueil et le traitement statistiques des caractéristiques des populations prises en charge au titre de l'aide sociale sont « légitimes », la nature même de ces informations impose d'apporter des « garanties spécifiques » afin de « préserver les droits des personnes à l'intimité de leur vie privée ». Concrètement, toute opération de ce type doit être conçue de telle manière que les données soient rendues anonymes dès leur recueil. En outre, il est nécessaire qu'elles soient définies, en concertation avec les travailleurs sociaux et le comité de veille local ANIS, avant d'être proposées à l'avis d'experts reconnus, puis au contrôle de la CNIL. Laquelle, enfin, « invite » le conseil général de l'Ain à lui soumettre, dans un délai de quatre mois, les mesures prises pour limiter et détecter les accès incontrôlés, voire frauduleux, à la base de données et à n'autoriser la recherche d'un dossier « qu'après la saisie préalable d'au moins les trois premières lettres du nom ».
A l'origine de la mission de vérification de la CNIL, le Collectif pour les droits des citoyens face à l'informatisation de l'action sociale (3), soutenu par la Ligue des droits de l'Homme et le Collectif informatique, fichiers et citoyenneté, se « félicite » des « principes fondamentaux » affirmé dans cette délibération. Pour lui, la commission prend ainsi acte de la « reconnaissance du caractère sensible des données sociales », du « refus d'appréciations subjectives sur les personnes » et de « la nécessité d'une stricte anonymisation à la source de données personnelles destinées à une utilisation statistique ». Fort de cette décision, il appelle les professionnels « à maintenir leur vigilance ».
« L'opiniâtreté a payé », se réjouit, pour sa part, la Coordination nationale des collectifs des assistants sociaux (4), membre du collectif. En effet, pour elle, la délibération de la CNIL confirme les craintes des travailleurs sociaux en montrant que « les projets des responsables de l'action départementale font fi de la loi Informatique et libertés et donc des libertés individuelles ». Aussi, poursuit-elle, « dès lors qu'ils suspectent un écart entre la chose déclarée et ce qui fonctionne », les professionnels « ont tout intérêt à demander une vérification à la CNIL ».
(1) ANIS est actuellement installé dans près de 17 départements et une quinzaine d'autres pourraient être équipés - Voir ASH n° 2079 du 10-07-98.
(2) CNIL : 21, rue Saint-Guillaume - 75340 Paris cedex 07 - Tél. 01 53 73 22 22.
(3) Collectif pour les droits des citoyens face à l'informatisation de l'action sociale : c/o SNMPMI - 23, rue de Saint-Petersbourg - 75008 Paris - Tél. 01 45 22 01 40. Celui-ci organise d'ailleurs une journée nationale de mobilisation le 28 novembre, à Paris.
(4) Concass : 21, impasse Jean-Mercy - 69200 Venissieux - E-mail :