La France s'est dotée d'un dispositif destiné à résoudre les situations de surendettement des particuliers et des familles par la loi du 31 décembre 1989, dite loi « Neiertz ». Ce texte était destiné, en premier lieu, à résoudre les problèmes liés à l'endettement « actif » auquel doivent faire face les personnes ayant contracté des crédits et voyant leurs ressources diminuer du fait, notamment, du chômage.
Le nombre élevé et croissant de dossiers déposés a conduit le législateur à adopter une première réforme, le 8 février 1995 (1), visant à renforcer les pouvoirs de la commission de surendettement et à « décharger » les juridictions. Mais, pour répondre à la multiplication des cas d'endettement dit « passif », concernant les personnes qui ne peuvent faire face aux dépenses les plus élémentaires de la vie quotidienne, faute de ressources, et dont la situation n'est pas appelée à évoluer, une deuxième réforme était devenue nécessaire. C'est l'objet du volet « surendettement » de la loi du 29 juillet dernier qui, s'inspirant largement du projet d'avis du Conseil national de la consommation du 4 décembre 1997 (2), comporte deux dispositions phares :
• la définition d'un « reste à vivre » ;
• la possibilité, pour la commission de surendettement ou le juge de l'exécution, de mettre en place un moratoire des dettes de 3 ans maximum ou de décider d'un effacement total ou partiel de certaines d'entre elles.
De plus, sont apportées quelques modifications sur la composition de la commission, la procédure, le rôle du juge de l'exécution ou encore la protection des cautions.
Ces dispositions de la loi du 29 juillet n'entreront en vigueur qu'après la publication d'un décret en Conseil d'Etat qui en fixera les conditions d'application. Les procédures en cours à la date d'entrée en vigueur de ce décret seront poursuivies conformément aux nouvelles dispositions. A l'exception toutefois de deux mesures qui ne seront pas applicables à ces procédures lorsque la commission aura déjà dressé l'état d'endettement du débiteur. Il s'agit du délai de 30 jours ouvert aux créanciers pour justifier de leurs créances et de celui de 20 jours dont dispose le débiteur pour contester l'état du passif . Au secrétariat d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, on annonce la parution de ce décret « courant novembre » .
S'agissant enfin de la procédure de saisie immobilière, notons que le Conseil constitutionnel a invalidé trois articles visant à empêcher la vente à bas pris des logements saisis.
La procédure applicable devant la commission de surendettement, dont la composition est légèrement modifiée, est améliorée lors de la phase amiable. En cas d'échec de celle-ci, la loi étend les pouvoirs de la commission, déjà renforcés par la loi du 9 février 1995, en lui permettant de prononcer un moratoire des dettes et un effacement total ou partiel de celles-ci lors de la phase de recommandation. Autre modification importante : l'obligation pour la commission de définir un « reste à vivre » au bénéfice de la personne surendettée, qui soit au moins égal au revenu minimum d'insertion (voir encadré).
Rappelons que, selon les termes mêmes de la loi de 1989, est en situation de surendettement, le débiteur de bonne foi se trouvant dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.
Au cours des débats, la composition de la commission de surendettement a été critiquée. Les différents intervenants ont ainsi regretté, tour à tour, l'absence d'élus, de représentants de locataires ou des services sociaux ou encore d'un représentant de l'administration fiscale. Au final, seule la présence de ce dernier a fait l'unanimité. Les dettes fiscales constituant, parfois, une part importante de l'endettement, il est en effet apparu utile d'associer le Trésor public.
Ainsi, 6 membres, au lieu de 5, siègeront dorénavant à la commission :
• le représentant de l'Etat dans le département, président (inchangé)
• le trésorier-payeur général, vice-président (inchangé)
• le directeur des services fiscaux.
Afin d'assurer une plus grande stabilité des membres, il est désormais prévu que chacune de ces personnes pourra se faire représenter par un seul et même délégué dans des conditions qui seront fixées par décret
• le représentant local de la Banque de France, qui assure le secrétariat (inchangé)
• 2 personnalités choisies par le représentant de l'Etat dans le département, la première sur proposition de l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, la seconde sur proposition des associations familiales ou de consommateurs (inchangé).
Un suppléant de chacune de ces personnalités sera désigné dans les mêmes conditions.
Pendant la phase amiable, la commission de surendettement a pour mission de concilier les parties en vue de l'élaboration d'un plan conventionnel de redressement approuvé par le débiteur et ses principaux créanciers. La procédure applicable devant la commission fait l'objet d'aménagements. En outre, des modifications sont apportées à la procédure de vérification des créances par le juge de l'exécution.
Afin de lui permettre de mieux faire valoir ses droits, il est désormais prévu que le débiteur sera entendu, à sa demande, par la commission. Jusqu'ici, il s'agissait d'une simple possibilité d'audition, sur demande de la commission.
Comme précédemment, la commission pourra également entendre toute personne dont l'audition lui semble utile, mais à condition que celle-ci intervienne à titre gratuit. Et ce, afin d'éviter que la situation du débiteur ne soit aggravée par la nécessité de payer la personne qui l'assiste. Une précision, introduite par la loi du 29 juillet, qui a été vivement critiquée par les sénateurs et par le gouvernement dans la mesure où elle privera le débiteur de l'aide d'un avocat. La majorité des députés, insistant sur le caractère « extra-judiciaire » de la phase amiable depuis la loi du 8 février 1995 et des délais trop longs pour obtenir l'aide juridictionnelle, ont toutefois maintenu leur position.
La loi du 29 juillet introduit un dispositif nouveau en faveur des créanciers. Après avoir été informés par la commission de l'état du passif déclaré par le débiteur, ceux-ci disposeront d'un délai de 30 jours pour fournir, en cas de désaccord sur cet état, les justifications de leurs créances en principal, intérêts et accessoires. A défaut, la créance sera prise en compte par la commission au vu des seuls éléments fournis par le débiteur.
Les créanciers qui contesteront la validité d'une créance après l'envoi, par la commission, de l'état du passif déclaré par le débiteur, devront alors indiquer si les créances en cause ont donné lieu à une caution et si celle-ci a été actionnée. Cette disposition vise à mettre un terme à la pratique illégale de certains créanciers consistant à se faire rembourser deux fois les sommes dues, à la fois en actionnant la caution et en incluant les dettes dans le plan amiable (Avis Sén. nº 478, Oudin et Loridant).
A noter : ce délai de 30 jours ne sera pas applicable aux procédures en cours à la date d'entrée en vigueur du décret d'application du volet surendettement si la commission a déjà dressé l'état d'endettement du débiteur.
La loi du 8 février 1995 a ouvert à la commission la faculté de saisir, en cas de difficulté au cours de la phase amiable, le juge de l'exécution aux fins de vérification de la validité des titres de créance et du montant des sommes réclamées.
Cette possibilité est maintenue mais elle intervient désormais de droit à la demande du débiteur. Aussi, est-il prévu que la commission informe le débiteur de l'état du passif qu'elle aura dressé et du délai de contestation de cet état. Le débiteur qui conteste cet état disposera, en effet, d'un délai de 20 jours pour demander à la commission la saisine du juge de l'exécution aux fins de vérification, en indiquant précisément les créances contestées et les motifs qui justifient sa demande. La commission sera tenue de saisir le juge de l'exécution. Passé ce délai de 20 jours, le débiteur ne pourra plus obtenir la saisine du juge.
Même en l'absence de demande du débiteur, la commission pourra toujours, en cas de difficulté, saisir le juge de l'exécution à des fins identiques.
A noter : là aussi, ce délai de 20 jours ne sera pas applicable aux procédures en cours à la date d'entrée en vigueur du décret d'application si l'état d'endettement du débiteur a déjà été dressé.
Actuellement, aucune disposition légale ou réglementaire ne précise la manière dont les commissions de surendettement fixent, à partir des ressources du débiteur, la part que celui-ci peut consacrer au remboursement de ses dettes par le biais du plan amiable et la part nécessaire pour faire face à ses dépenses courantes minimales. D'où l'apparition de disparités dans les méthodes utilisées par ces dernières pour calculer le montant des ressources laissées à la disposition des personnes surendettées qui, parfois, se révélait très faible (Avis Sén. n° 478, Oudin et Loridant).
Pour remédier à cette situation, le législateur a déterminé le montantminimum du « reste à vivre », c'est-à-dire la part des ressources du ménage échappant aux créanciers. Ainsi, le montant des remboursements résultant du plan conventionnel ou des recommandations de la commission de surendettement, sera fixé par décret, par référence à la quotité saisissable du salaire telle qu'elle résulte des dispositions du code du travail sur la saisie des salaires (3), de manière à ce qu'une partie des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité. Cette part de ressources, qui ne pourra être inférieure à un montant égal au revenu minimum d'insertion dont disposerait le ménage, sera mentionnée dans le plan conventionnel ou dans les recommandations de la commission.
Par cohérence, la loi modifie l'article L. 145-2 du code du travail afin de faire bénéficier les salariés saisis du « reste à vivre ».
L'article L. 331-5 du code de la consommation prévoit que la commission de surendettement peut saisir le juge de l'exécution en vue de la suspension des procédures d'exécution diligentées contre le débiteur et portant sur les dettes autres qu'alimentaires. Cette mesure a pour objectif d'éviter que, « pendant la phase d'élaboration d'un plan amiable, la situation du débiteur ne soit irrémédiablement compromise par les éventuelles procédures de recouvrement forcé des dettes engagées par certains créanciers » (Avis Sén. nº 478, Oudin et Loridant). Toutefois, la pratique a révélé que, dans certains cas, les délais de saisine étaient encore trop longs, les commissions de surendettement ne se réunissant que tous les 15 jours.
Afin de mieux répondre à ces situations difficiles, « qui requièrent immédiatement un “gel” de mesures dont les effets seraient irréversibles pour le débiteur » (Rap. A. N. nº 856, Neiertz), il est désormais prévu que le président de la commission, son délégué, le représentant local de la Banque de France ou du débiteur, pourrontsaisir seuls le juge de l'exécution. Et en informer ensuite la commission.
A noter : cette procédure d'urgence s'appliquera également au juge de la saisie immobilière, seul compétent pour prononcer la suspension lorsque le commandement aux fins de saisie immobilière a déjà été publié.
Comme précédemment, le juge prononce la suspension provisoire des procédures d'exécution, si la situation du débiteur l'exige. Mais désormais, la suspension des procédures d'exécution sera acquise, sans pouvoir excéder un an, jusqu'à l'approbation du plan conventionnel de redressement ou, en cas d'échec de la conciliation, jusqu'à l'expiration du délai dont disposera le débiteur pour demander à la commission de formuler des recommandations (15 jours). Si la demande est formulée dans ce délai, elle est acquise jusqu'à ce que le juge ait conféré force exécutoire aux mesures recommandées par la commission ou, s'il a été saisi, jusqu'à ce qu'il ait statué.
Lorsqu'en cas de saisie immobilière la date d'adjudication a été fixée, la commission peut, pour causes graves et dûment justifiées, saisir le juge aux fins de remise de l'adjudication .
En cas d'échec de sa mission de conciliation, la commission de surendettement peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, recommander des mesures de redressement. Lesquelles ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments.
Aux recommandations déjà existantes énumérées à l'article L. 331-7 du code de la consommation, et qui font l'objet de quelques modifications, la loi du 29 juillet ajoute la possibilité de prononcer un moratoire des dettes, qui peut être suivi d'un effacement total ou partiel des créances.
La commission de surendettement peut recommander tout ou partie des quatre mesures suivantes qui ne deviennent toutefoisexécutoires que lorsqu'elles ont été entérinées par le juge :
• rééchelonner, y compris le cas échéant en différant le paiement d'une partie des dettes, le paiement des dettes autres que fiscales, parafiscales ou envers les organismes de sécurité sociale, sans que le délai de report puisse excéder une période qui sera portée à 8 ans (contre 5 actuellement) ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours en cas de déchéance du terme, le délai de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance
• imputer les paiements d'abord sur le capital
• sur proposition spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige, prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux d'intérêt légal. La loi du 29 juillet ajoute que, quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal. Fixé chaque année par décret, ce taux est actuellement de 3, 36 % (décret nº 98-62 du 2 février 1998, J. O. du 4-02-98)
• en cas de vente forcée ou amiable du logement principal du débiteur, hypothéqué par l'établissement de crédit ayant fourni les sommes nécessaires à son acquisition, réduire, par proposition spéciale et motivée, le montant de la fraction des prêts immobiliers restant dû aux établissements de crédit après la vente. Il est désormais précisé que le produit de la vente forcée du logement principal devra être imputé d'abord sur le capital restant dû. Rappelons qu'en toute hypothèse, le bénéfice de ces dispositions ne peut être invoqué plus de 2 mois après sommation faite d'avoir à payer le montant de la fraction des prêts immobiliers restant dû, à moins que, dans ce délai, la commission n'ait été saisie.
Principale innovation de la loi en matière de surendettement, l'institution d'un moratoire des dettes puis, à l'issue de celui-ci, d'une possibilité d'effacement ou de réduction des créances. Une mesure préconisée notamment par le Conseil national de la consommation de décembre 1997, et qui vise à apporter une solution aux débiteurs insolvables. Dans leur rapport de 1997 sur le surendettement, Jean-Jacques Hyest et Paul Loridant (4) soulignaient en effet à la fois le « risque d'engorgement » des commissions de surendettement - celles-ci étant contraintes, face à l'augmentation des situations dramatiques, de multiplier les reports de dettes - et « le très réel risque d'asphyxie » pour la frange la plus fragilisée des ménages surendettés, les recommandations de la commission ne pouvant même pas, faute d'un minimum de ressources disponibles, être mises en œuvre. Ce constat a incité le gouvernement à compléter le dispositif en vigueur en prévoyant une procédure spécifique applicable aux cas les plus désespérés.
Ainsi, et uniquement lorsqu'elle constatera l'insolvabilité du débiteur caractérisée par l'absence de ressources ou de biens saisissables de nature à permettre d'apurer tout ou partie de ses dettes et rendant inapplicables le prononcé des recommandations précitées de l'article L. 331-7 du code de la consommation, la commission pourra recommander la suspension de l'exigibilité descréances autres qu'alimentaires ou fiscales pour une durée qui ne pourra excéder 3 ans. Sauf proposition contraire de la commission, la suspension de la créance entraînera la suspension du paiement des intérêts dus à ce titre.
Le moratoire n'effacera pas la dette, il en reportera seulement l'exécution. Durant cette période, seules les sommes dues au titre du capital seront de plein droit productives d'intérêts au taux légal. Une mesure destinée à enrayer la spirale du surendettement en ne laissant pas s'accumuler les intérêts et surtout en n'engendrant pas des intérêts sur des intérêts, comme l'a souligné Véronique Neiertz lors des débats parlementaires (J. O. A. N. (C. R) nº 49 du 19-05-98).
Les dettes fiscales (impôt sur le revenu, taxe d'habitation par exemple) peuvent faire l'objet de remises totales ou partielles dans les conditions fixées par l'article 247 du livre des procédures fiscales. Ces remises totales ou partielles seront prises par l'administration fiscale, seule compétente, au vu des recommandations de la commission ou des mesures prises par le juge. En première lecture, les députés avaient inclu les dettes fiscales dans le moratoire. Adoptée contre l'avis du gouvernement, cette disposition a finalement été supprimée.
Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, a indiqué au cours des débats parlementaires qu'une instruction sur les remises gracieuses dans le cadre de la procédure de traitement du surendettement des particuliers sera bientôt diffusée aux directions départementales des impôts. Ce texte devrait préciser que les demandes gracieuses seraient prises au vu des recommandations des commissions de surendettement et que deux situations seraient distinguées, selon que la décision de l'administration intervient avant ou après les recommandations de la commission. « Il apparaît donc, [au vu de l'avant-projet d'instruction] que, grâce à ce dispositif, une obligation de résultat pourrait être imposée aux directeurs des services fiscaux, tout en leur laissant seule compétence pour accorder des moratoires ou des remises gracieuses » (J. O. Sén. (C. R.) n° 53 du 13-06-98). Cette circulaire, qui sera publiée au Bulletin officiel des impôts, précisera également l'information qui devra être donnée à la commission, quelle que soit la décision prise par les services fiscaux.
A l'issue de la période de moratoire, la commission réexaminera la situation du débiteur. Deux solutions seront alors envisageables :
• si la situation du débiteur le permet, c'est-à-dire si elle s'est améliorée, la commission recommandera tout ou partie des mesures de redressement prévues à l'article L. 331-7 du code de la consommation
• en revanche, si le débiteur demeure insolvable, elle recommandera, par une proposition spéciale et motivée, l'effacement total ou partiel des créances autres qu'alimentaires ou fiscales.
Aucun nouvel effacement ne pourra intervenir, dans une période de 8 ans, pour des dettes similaires à celles qui auront donné lieu à un effacement.
La loi du 29 juillet tire les conséquences de la nouvelle possibilité de prononcer l'effacement des créances à l'issue de la période du moratoire. Elle prévoit en effet que l'effacement des dettes vaudrarégularisation de l'incident de paiement au sens de l'article 65-3 du décret-loi du 30 octobre 1935 modifié unifiant le droit en matière de chèques et relatif aux cartes de paiement. Ainsi, le débiteur qui aura bénéficié d'une mesure d'effacement sera relevé de l'interdiction d'émettre des chèques si une telle interdiction pesait sur lui sans avoir à remplir les conditions prescrites par ce décret. Aux termes de ce texte, rappelons-le, après un refus de la banque de payer un chèque pour insuffisance de provision, la personne, frappée d'une interdiction d'émettre des chèques, retrouve cette possibilité lorsqu'elle justifie soit d'avoir réglé le montant du chèque litigieux soit d'avoir payé une pénalité libératoire, qui est fixée à 120 F par tranche de 1 000 F ou fraction de tranche.
Depuis la loi du 8 février 1995, les mesures de redressement recommandées par la commission de surendettement ne deviennent exécutoires qu'après qu'elles ont été entérinées par le juge de l'exécution. Ce contrôle du juge est plus ou moins étendu selon qu'il a été saisi ou pas d'une contestation par l'une des parties. En outre, les recommandations devenues exécutoires ont des conséquences pour les créanciers.
S'il n'y a pas de contestation, le juge de l'exécution confère force exécutoire aux mesures recommandées par la commission de surendettement,après en avoir vérifié la régularité. La loi du 29 juillet applique désormais cette même procédure aux recommandations tendant à l'instauration d'un moratoire, ainsi qu'aux mesures prescrivant l'effacement des créances.
Dans ce dernier cas, le juge devra, non seulement, vérifier la régularité de la procédure,mais également son bien-fondé, c'est-à-dire l'existence d'une situation d'insolvabilité caractérisée.
Une partie peut contester devant le juge de l'exécution les mesures recommandées par la commission dans les 15 jours de la notification qui lui est faite. Dans ce cas, il prend tout ou partie des recommandations énumérées à l'article L. 331-7 (rééchelonnement des dettes, imputation des paiements par priorité sur le capital...) ou, désormais, à l'article L. 331-7-1 (moratoire et effacement total ou partiel des dettes).
La loi précise que dans tous les cas, la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage devra rester à la disposition du débiteur surendetté. Elle sera mentionnée dans la décision du juge.
Jusqu'ici, le fichier national des incidents de paiement, mis en place en 1989 et géré par la Banque de France, recensait d'une part les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels et, d'autre part, les mesures conventionnelles ou judiciaires de traitement du surendettement. La loi du 29 juillet modifie, d'une part, la date d'inscription au fichier des incidents de paiement et, d'autre part, complète la liste des informations y figurant et précise la durée maximum de leur conservation. Le règlement du comité de la réglementation bancaire sera prochainement aménagé en conséquence.
Désormais, le débiteur sera inscrit au fichier national des incidents de paiement dès que la commission de surendettement aura vérifié que le débiteur qui l'a saisie se trouve en situation de surendettement. La même obligation pèsera sur le greffe du juge de l'exécution, lorsque, sur recours de l'intéressé contre la décision de la commission, le juge reconnaîtra la situation de surendettement.
Le fichier recense les mesures du plan conventionnel de redressement élaboré par la commission de surendettement et approuvé par le débiteur et ses principaux créanciers. Ces mesures sont communiquées à la Banque de France par la commission. Il est désormais prévu que l'inscription sera conservée pendant la durée de l'exécution du plan conventionnel, sans pouvoir excéder 8 ans. Le fichier recensera également les mesures nouvelles introduites par la loi de lutte contre les exclusions (moratoire et effacement total ou partiel des dettes) qui seront communiquées à la Banque de France par le greffe du juge de l'exécution. Là encore, l'inscription sera conservée pendant toute la durée de l'exécution des mesures sans pouvoir excéder 8 ans. Toutefois, les mesures d'effacement des dettes seront inscrites pendant 8 ans.
Les mesures recommandées par la commission et rendues exécutoires par le juge ne sont pas opposables aux créanciers dont l'existence n'aurait pas été signalée par le débiteur et qui n'en auraient pas été avisés par la commission. La loi du 29 juillet prévoit une disposition identique pour lesnouvelles recommandations (moratoire et effacement ou réduction des dettes).
Les créanciers auxquels les mesures recommandées par la commission et rendues exécutoires par le juge sont opposables ne peuvent exercer des procédures d'exécution à l`encontre des biens du débiteur pendant la durée d'exécution de ces mesures. Cette mesure sera également étendue au moratoire et à l'effacement total ou partiel des dettes.
Députés et sénateurs se sont inquiétés du développement « du surendettement par ricochet », c'est-à-dire un surendettement qui affecte les particuliers de manière indirecte, à travers les engagements qu'ils ont contractés. En effet, « le cautionnement peut avoir des conséquences imprévisibles et désastreuses en faisant endosser à un particulier des dettes dont le montant dépasse largement ses capacités de remboursement. En outre, le facteur temps contribue pour une part non négligeable au surendettement des cautions » (Avis Sén. nº 478, Oudin et Loridant). Aussi, plusieurs dispositions améliorant le sort des cautions ont-elles été introduites dans la loi du 29 juillet. Elles visent à garantir leur information ainsi qu'à limiter leur engagement.
Désormais, lorsque la commission constatera, en dressant l'état d'endettement du débiteur, que le remboursement d'une ou plusieurs dettes du débiteur principal est garanti par un cautionnement, elle informera la caution de l'ouverture de la procédure de surendettement. En outre, la caution pourra faire connaître ses observations par écrit à la commission.
Afin de prévenir la survenance de situations de surendettement « par ricochet », la loi du 29 juillet instaure un dispositif obligeant le créancier à informer la caution, personne physique, dès la première défaillance caractérisée du débiteur principal.
Lorsque le cautionnement sera contracté par une personne physique, celle-ci sera informée par le créancier del'évolution du montant de la créance garantieet de ses accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.
Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution sera informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.
La même disposition est prévue lorsque le cautionnement est consenti par une personne physique pour garantir une dette professionnelle d'un entrepreneur individuel ou d'une entreprise constituée sous forme de société. Le créancier doit alors informer la caution de la défaillance du débiteur principal selon les mêmes modalités.
La France a fait le choix, à la fin de l'année 1989, d'un dispositif spécifique de prévention et de règlement amiable des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles. Lequel se distingue de la législation sur le redressement et la liquidation judiciaire d'entreprises, notamment par l'impossibilité de déclarer un individu en faillite pour des dettes non professionnelles. Cependant, en Alsace-Moselle, un dispositif de faillite civile, provenant d'une loi allemande de 1877, coexiste avec la loi Neiertz du 31 décembre 1989. Au cours des débats sur la loi contre les exclusions, certains parlementaires ont envisagé l'extension du régime local au reste du territoire.
Ce système permet l'arrêt des poursuites individuelles dès l'ouverture de la procédure, l'examen du passif par un mandataire de justice et l'effacement des dettes à l'issue de la liquidation judiciaire. Il permet de régler la situation d'insolvabilité de certaines catégories de débiteurs exclues à la fois du champ d'application des procédures commerciales et des procédures classiques (particuliers tenus de dettes d'origine professionnelle qu'ils soient salariés, fonctionnaires ou chômeurs), les membres des professions libérales et les anciens commerçants et artisans. Pourtant ce dispositif n'a pas été retenu, certains parlementaires ayant notamment craint une déresponsabilisation des emprunteurs.
Un revenu minimal garanti est prévu par la loi en faveur de la personne qui s'est portée caution.
En toute hypothèse, le montant des dettes résultant du cautionnement ne pourra avoir pour effet de priver la personne physique qui se sera portée caution d'un minimum de ressources fixé comme en matière de surendettement, c'est-à-dire équivalent au revenu minimum d'insertion.
Le législateur et le gouvernement ont souhaité mieux protéger les droits des personnes dont le logement est mis en vente aux enchères. Trois articles de la loi modifiaient les conditions de remise en vente du bien immobilier en l'absence d'enchères, telles qu'elles avaient été fixées par la loi du 23 janvier 1998 renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière (5). L'objectif étant d'éviter la vente à bas prix des logements saisis. Ils ont cependant été invalidés par le Conseil constitutionnel. Restent donc, les dispositions concernant la remise de la date d'adjudication et la publicité de cette dernière ainsi que l'instauration d'un droit de préemption en faveur des communes.
A la demande du créancier, de la commission de surendettement ou du débiteur, l'adjudication (attribution de l'immeuble par la vente aux enchères) peut être remise à une date ultérieure, mais uniquement pour des causes graves et dûment justifiées. Cette demande doit être introduite au moins 5 jours avant le jour fixé pour l'adjudication. En cas de remise, le jugement fixe de nouveau le jour de l'adjudication qui, désormais, ne peut être éloigné de plus de 4 mois (contre 60 jours précédemment).
Le gouvernement a souhaité modifier les modalités de la publicité de l'adjudication, en partie devenues obsolètes. Il est ainsi créé un article 697 du code de procédure civile (ancien), qui se substitue aux dispositions existantes (articles 696 et 698 à 700).
L'article 697 précise ainsi que l'adjudication est poursuivie après « une large publicité visant à permettre l'information du plus grand nombre d'enrichisseurs possible ». Elle peut dépasser la seule information faite dans un journal d'annonces légales et au tribunal. Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de cette publicité et abrogera les dispositions légales actuelles à la date de son entrée en vigueur.
Le juge peut restreindre cette publicité ou autoriser une publicité supplémentaire suivant la nature et la valeur des biens saisis ainsi qu'en raison d'autres circonstances de l'espèce.
En cas de vente sur saisie immobilière d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble constituant la résidence principale d'une personne qui remplit les conditions de ressources pour l'attribution d'un logement à loyer modéré, il est institué, au bénéfice de la commune, un droit de préemption (6) destiné à assurer le maintien dans les lieux du saisi. Ce droit est exercé suivant les modalités prévues par le code de l'urbanisme en matière de droit de préemption urbain, en cas de vente par adjudication lorsque cette procédure est rendue obligatoire de par la loi ou le règlement.
La commune peut déléguer ce droit à un office public d'habitations à loyer modéré ou à un office public d'aménagement et de construction.
Toute publicité faite, reçue ou perçue en France, qui, quel que soit son support, porte sur une opération de crédit, son cautionnement éventuel, à titre onéreux ou gratuit, sur une location-vente, une location avec option d'achat, ainsi que sur les ventes ou prestations de services dont le paiement est échelonné, différé ou fractionné, doit présenter certaines mentions minimales.
Elle doit préciser l'identité du prêteur, la nature, l'objet, la durée de l'opération proposée ainsi que le coût total, et s'il y a lieu le taux effectif global (TEG) du crédit et les perceptions forfaitaires. La loi précise qu'il devra s'agir du TEGmensuel et annuel. Cette mesure vise à compléter l'information du consommateur dans un but de prévention du surendettement.
« La montée du surendettement a entraîné le développement des officines de dettes qui, en échange d'une rémunération très élevée pour le service rendu et disproportionnée par rapport à la situation financière déjà très compromise du débiteur, lui propose de l'aider à sortir de sa situation de surendettement » (Avis Sén. nº 478, Oudin et Loridant). Face à cette situation, le législateur a déjà adopté des dispositions visant à réglementer l'activité d'intermédiaire pour le règlement des dettes.
Ainsi, est nulle de plein droit toute convention par laquelle un intermédiaire se charge ou se propose moyennant rémunération :
• soit d'examiner la situation d'un débiteur en vue de l'établissement d'un plan de redressement
• soit de rechercher pour le compte d'un débiteur l'obtention de délais de paiement ou d'une remise de dette.
La loi du 29 juillet complète le dispositif. Sera également nulle toute convention par laquelle un intermédiaire rémunéré se proposed'intervenir pour le compte du débiteur, sous quelque forme que ce soit, pour les besoins de la procédure de surendettement. Il s'agit « de faire en sorte que personne ne puisse profiter de la situation de détresse d'un surendetté pour recevoir à ses dépens des honoraires ou réaliser des transactions de caractère commercial qui ne feraient qu'aggraver sa situation et ce, bien souvent sans aucune espèce d'apport positif », a expliqué Paul Girod, rapporteur pour avis au Sénat (J. O. Sén. (C. R.) nº 53 du 13-06-98).
Pour « que les surendettés ne voient leurs dettes artificiellement gonfler par l'ajout de frais souvent importants » (Rap. A. N. nº 856, Neiertz), la personne dont la commission de surendettement aura vérifié qu'elle se trouve en situation de surendettement bénéficiera d'une réduction de la tarification des rémunérations dues aux huissiers de justice, dans des conditions qui seront fixées par décret. La personne informera l'huissier de cette situation.
L'établissement financier qui offre ou consent un prêt ou un crédit personnalisé à un mineur sans autorisation du juge des tutelles ou, s'agissant des actes de la vie courante, du représentant légal sera désormais redevable d'une amende fiscale d'un montant égal au quintuple du montant de la créance figurant au contrat. Cette amende est recouvrée conformément aux dispositions prévues aux articles 1724 (règles d'arrondis) et 1724 A (mise en recouvrement) du code général des impôts. En cas de défaut ou d'insuffisance de paiement, les dispositions de l'article 1727 du même code (intérêts de retards) seront applicables.
Notons, comme l'a rappelé le gouvernement, que la législation encadre déjà strictement l'octroi de prêt aux mineurs. Toutefois, les députés ont souhaité l'adoption d'une disposition spécifique dans le cadre de la prévention du surendettement. •
Valérie Balland avec Christophe Divernet
(1) Voir ASH n° 1955 du 29-12-95.
(2) Voir ASH n° 2049 du 12-12-97.
(3) Voir ASH n° 2056 du 30-01-98 sur le barème de saisie des rémunérations au 1er janvier 1998.
(4) Voir ASH n° 2045 du 14-11-97.
(5) Voir ASH n° 2056 du 30-01-98.
(6) Le droit de préemption est la faculté, donnée à une collectivité publique ou à un organisme, d'acquérir, par priorité, dans certaines zones préalablement définies, les biens mis en vente, dans le but de réaliser des opérations d'intérêt général.