...Gérard Lebugle, sur l'informatique et la psychopédagogie

ASH  : En quoi consiste votre travail et quelle place y occupe l'informatique ? G.L. : J'interviens auprès d'enfants qui présentent des difficultés scolaires, en calcul, en mathématiques et, plus généralement, dans l'investissement de la pensée. Dans ce domaine, mon approche est plutôt analytique. C'est-à-dire que je crois que ces enfants sont perturbés par des choses douloureuses et des fantasmes qu'ils n'arrivent pas à gérer. Ce qui ne m'empêche pas, dans la pratique rééducative, de m'intéresser à la théorie piagetienne et aux modèles cognitifs. C'est d'ailleurs à ce niveau que j'utilise l'informatique. Ainsi, je travaille toujours avec le programme logo qui a été importé, en France, au début des années 80. Il reste intéressant car il permet aux enfants de comprendre que la pensée ne fonctionne pas simplement sur un mode action/résultat mais aussi à partir de structures opératoires. J'utilise également certains logiciels de jeux logiques qui ont l'avantage d'offrir un feed-back par rapport aux stratégies mises en œuvre par l'enfant. Malheureusement, en tant que psychopédagogue, je ne parviens pas à trouver, actuellement, de programmes répondant réellement aux besoins des jeunes en difficulté. ASH  : Quel est l'apport spécifique de l'ordinateur en matière de rééducation ? G.L. : Pour moi, l'ordinateur est surtout un moyen d'échange d'informations et de transmission des savoirs, au même titre que le livre. Par exemple, nous avons en projet un atelier de création de journal sur ordinateur. Mais ça n'est pas vraiment un outil de connaissance. En effet, pour accéder à la connaissance, il faut savoir traiter l'information. Ce qui suppose des prérequis, une culture et un état d'esprit critique par rapport à ce que l'on est en train de découvrir. Or, l'un des risques, avec l'informatique, c'est de croire qu'il suffit de faire pour penser. Mais il ne faut pas se leurrer, l'informatique peut être très limitative. On a l'impression de dominer le monde mais c'est dans un programme complètement prédéterminé. En outre, où est le temps de la découverte et de la réflexion si l'enfant ne s'arrête pas pour réfléchir à ce qui s'est passé ? ASH  : Au fond, vous êtes assez méfiant à l'égard de l'ordinateur. G.L. : C'est une machine formidable dont il est difficile de se passer, mais c'est aussi un outil qui doit rester à sa place par rapport à la capacité d'élaboration du sujet. C'est d'autant plus important que les enfants en difficulté prennent, au niveau de la pensée, des chemins de traverse très difficiles à identifier et qu'ils ont tous des modes d'accès différents à la connaissance. Et c'est justement le rôle du psychopédagogue de percevoir ces mécanismes pour les aider à recentrer leur position en fonction de règles communes. Cela signifie qu'il faut faire, avec eux, pas à pas, tout un travail de verbalisation, de négociation, d'élaboration. Or, il n'existe pas de programme magique qui puisse remplir cette fonction même si l'ordinateur permet, pour certaines tâches, un gain de temps extraordinaire. Propos recueillis par J.V.