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Loi contre les exclusions

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La mise en place de programmes régionaux d'accès aux soins et, dans les hôpitaux, de permanences pour les plus démunis, sont les mesures les plus importantes du volet « santé » de la loi contre les exclusions. Celui-ci devant être complété par la future loi sur la couverture maladie universelle.

Plusieurs rapports récents ont mis en évidence les difficultés d'accès aux soins des plus défavorisés. Ainsi, une enquête du Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (Credes)   (1) a révélé qu'un Français sur 4 avait renoncé au moins une fois à des soins pour des raisons financières. Un phénomène touchant particulièrement les chômeurs et les titulaires du revenu minimum d'insertion. Cette situation s'explique par l'importance du ticket modérateur, l'absence d'une couverture maladie complémentaire et la nécessité de faire l'avance des frais médicaux. De son côté, le Haut Comité de la santé publique (2) a souligné les liens entre précarité et dégradation de l'état de santé et prôné un certain nombre de « mesures spécifiques de réinsertion à caractère curatif » visant à faciliter l'accès aux soins des personnes en grande difficulté sociale (notamment le développement de cellules d'alerte « pauvreté/précarité » décentralisées, celui du tiers payant et d'une couverture complémentaire, et la prise en charge du ticket modérateur).

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions prévoit la mise en place de programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins, inspirés des plans départementaux d'accès aux soins qui n'avaient rencontré que peu de succès. Autre disposition : la généralisation des cellules précarité dans les hôpitaux qui voient leur mission de lutte contre l'exclusion sociale réaffirmée. Et, parmi les diverses mesures de santé publique, notons le renforcement du statut juridique des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie.

Rappelons que la prise en charge sociale des soins fera l'objet d'une autre loi. Après la remise du rapport Boulard (3), le gouvernement a annoncé qu'un projet instituant une couverture maladie universelle serait présenté au Parlement, « au plus tard à l'automne ».

Le caractère prioritaire de la politique d'accès aux soins des plus démunis (art. 67)

Le volet « accès aux soins » de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions commence par une déclaration de principe, dépourvue de toute force normative.
L'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies est ainsi déclaré « objectif prioritaire de la politique de santé ». Et les programmes de santé publique, mis en œuvre par l'Etat, les collectivités territoriales et les organismes d'assurance maladie, doivent prendre en compte les difficultés spécifiques des publics les plus défavorisés.

La mise en place des PRAPS (art. 71)

L'installation de programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins des plus démunis  (PRAPS) est la disposition la plus importante du volet « accès aux soins » de la loi du 29 juillet. Pour entrer en vigueur, elle nécessite un décret d'application et une circulaire de la direction générale de la santé, en préparation. Ces programmes « auront pour objectif de soutenir la mobilisation des différents intervenants et de faciliter la coordination des actions [de prévention et des soins en faveur des plus démunis] », a expliqué Martine Aubry(J. O. A. N. (C. R.) nº 42 du 6-05-98).

Les PRAPS s'inspirent de l'expérience des plans départementaux d'accès aux soins, prévue par une circulaire du 21 mars 1995 (4), qui n'avaient rencontré qu'un succès mitigé. En effet, seule une douzaine de départements a mis en place un plan de ce type (Rap. A. N. nº 856, tome II, Le Garrec).

Aussi, la loi fait-elle des programmes d'accès aux soins,une obligation légale. Et, la région, correspondant à l'échelon aujourd'hui privilégié en matière de santé publique, est le niveau auquel doit être défini le programme, sous la coordination du représentant de l'Etat dans la région ou du représentant de l'Etat en Corse. Cependant, les départements continuent à jouer un rôle lors de l'élaboration des programmes.

Les PRAPS seront dotés en 1999 de 250 millions de francs (dont 194 millions de mesures nouvelles), selon le projet de loi de finances (5).

L'élaboration des PRAPS

Le PRAPS sera établi à partir d'une analyse préalable, dans chaque département, de la situation en matière d'accès aux soins et à la prévention des personnes démunies.

Un comité, présidé par le préfet de région ou le préfet de Corse devra être consulté. Il réunira des représentants des services de l'Etat et de l'agence régionale de l'hospitalisation, des collectivités territoriales, des organismes d'assurance maladie. Des associations œuvrant dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion pourront être invitées à participer à ce comité.

Il sera rendu compte, chaque année, de la réalisation de ce programme à la conférence régionale de santé.

Le contenu des programmes

Le PRAPS comportera des actions coordonnées de prévention et d'éducation à la santé, de soins, de réinsertion et de suivi qui sont mises en œuvre chaque année, dans chaque département, pour améliorer la santé des personnes démunies, en se fondant sur les situations locales particulières et les expériences existantes. Il précisera les conditions dans lesquelles devront concourir à la mise en place de ces actions les structures suivantes :

• services de l'Etat, en particulier les services de santé scolaire et universitaire 

• collectivités territoriales, grâce notamment aux services de protection maternelle et infantile 

• organismes de sécurité sociale 

• agences régionales de l'hospitalisation 

• groupements régis par le code de la mutualité ;

• associations 

• professions de santé ;

• établissements et institutions sanitaires et sociales.

Le programme devra s'attacher à définir des actions pour lutter contre les pathologies liées à la précarité ou à l'exclusion sous toutes leurs formes, notamment les maladies chroniques, les dépendances à l'alcool, à la drogue ou au tabac, les souffrances psychiques, les troubles du comportement et les déséquilibres nutritionnels.

Le rôle des hôpitaux

Les missions du service public hospitalier sont élargies et incluent désormais explicitement la lutte contre les exclusions. De plus, des permanences d'accès aux soins de santé devront être généralisées. Les modalités pratiques de mise en place feront l'objet d'une circulaire de la direction des hôpitaux.

L'élargissement des missions des établissements de santé (art.73)

Les missions du service public hospitalier sont étendues à la lutte contre l'exclusion. Il est désormais précisé que cette dernière s'exerce en relation avec les autres professions et institutions compétentes dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion, dans une dynamique de réseaux.

Le service public hospitalier doit veiller à la continuité des soins en « s'assurantqu'à l'issue de leur admission ou de leur hébergement, tous les patients disposent de conditions d'existence nécessaires à la poursuite de leur traitement. A cette fin, [les établissements]orientent les patients sortants ne disposant pas de telles conditions d'existence vers des structures prenant en compte la précarité de leur situation. »

Cette mission de lutte contre l'exclusion n'estpas vraiment nouvelle, comme l'ont souligné les parlementaires, puisque les établissements de santé participant au service public hospitalier doivent déjà garantir l'égal accès aux soins qu'ils dispensent et être ouverts à toutes les personnes dont l'état requiert leurs services. De même, ils ne peuvent établir aucune discrimination entre les malades en ce qui concerne les soins (art. L. 711-4 du code de la santé publique). Cependant, les parlementaires ont estimé qu'il était important de «  réaffirmer solennellement cette mission en faveur des personnes en situation d'exclusion et de précarité » et d'y introduire «  une approche globale » de la prise en charge à travers la notion de « réseaux » (Rap. A. N. nº 856, tome II, Le Garrec).

La mise en place des PASS (art.76)

Dans le cadre des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, les établissements publics de santé et les établissements de santé privé, participant auservice public hospitalier doivent mettre en place des permanences d'accès aux soins de santé  (PASS) « qui comprennent notamment des permanences d'orthogénie [régulation des naissances]adaptées aux personnes en situation de précarité, visant à faciliter leur accès au système de santé et à les accompagner dans leurs démarchesnécessaires à la reconnaissance de leurs droits ». Ils concluent avec l'Etat « des conventions prévoyant, en cas de nécessité, la prise en charge des consultations externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques, ainsi que des traitements qui sontdélivrés gratuitement à ces personnes ».

Concrètement, il s'agit d'offrir des consultations de médecine générale à horaires élargis, d'organiser des consultations sociales permettant d'accompagner la personne démunie dans ces démarches, de lui proposer des actions de dépistage et de prévention et lui délivrer, gratuitement en cas de nécessité, des examens ou des médicaments(Rap. A. N. nº 856, tome II, Le Garrec).

L'idée n'est pas nouvelle. En effet, une circulaire du 17 septembre 1993 (6) avait prévu la mise en place, dans les hôpitaux, de cellules administratives d'accueil social. Les établissements hospitaliers étaient aussi invités à ouvrir une antenne du service des admissions dans les services d'urgence ou « de porte ». Mais seulement « une centaine d'hôpitaux » ont créé de telles permanences (J. O. A. N. (C. R.) nº 47 du 15-05-98). D'où la volonté d'en faire une obligation légale.

Certains parlementaires se sont inquiétés de la mise en place de ce qu'ils ont qualifié d'une « médecine à deux vitesses » avec des filières spécifiques pour les plus démunis(J. O. A. N.  (C. R.) nº 47 du 15-05-98). En fait, a expliqué Martine Aubry, il s'agit «  au contraire de permettre [aux plus démunis] de s'insérer dans les circuits communs d'accès à la santé » (J. O. A. N.  (C. R.) nº 42 du 6-05-98).

Le gouvernement a annoncé un financement spécifique de 61 millions de francs par an de 1998 à 2000 (Rap. A. N. nº 856, tome II, Le Garrec).

Le rôle de la sécurité sociale

Le rôle de la sécurité sociale dans la lutte contre les exclusions est réaffirmé dans le cadre des conventions d'objectifs signées avec l'Etat et de son action sanitaire et sociale.

Les conventions d'objectifs et de gestion des organismes nationaux de sécurité sociale (art. 68)

Les conventions d'objectifs et de gestion, conclues entre l'Etat et les caisses nationales d'assurance maladie, doivent désormais préciser obligatoirement les objectifs de l'action sociale, de prévention et de lutte contre les exclusions que se fixent les organismes de sécurité sociale. Jusqu'à présent, il ne s'agissait que d'une possibilité.

Rappelons que ces conventions déterminent également, pour la branche maladie, maternité, invalidité et décès, la branche vieillesse et veuvage, la branche famille et pour les organismes de recouvrement, les objectifs pluriannuels de gestion  les moyens de fonctionnement dont les branches et les organismes disposent pour les atteindre  les actions mises en œuvre à ces fins par chacun des signataires. Elles indiquent, notamment, les objectifs liés à l'amélioration de la qualité du service aux usagers et ceux liés à la mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires qui régissent la gestion du risque, le service des prestations ou le recouvrement des cotisations et des impôts affectés.

Les conventions d'objectifs de la branche maladie (art. 69)

Pour la branche maladie, la loi prévoit que la convention d'objectifs et de gestion mentionne notamment les orientations pluriannuelles de l'action du gouvernement dans les domaines de la santé publique, de la démographie médicale et du médicament (7). A ces domaines, est désormais ajoutée la lutte contre l'exclusionen matière d'accès aux soins.

Les missions de prévention des caisses d'assurance maladie (art.75)

Les caisses primaires et les caisses régionales exercent une action de prévention, d'éducation et d'information sanitaires ainsi qu'une action sanitaire et sociale (8), dans le cadre de programmes définis par arrêté interministériel. La loi précise que ces actions sont destinées en priorité aux populations exposées au risque de précarité.

Les autres mesures de santé publique

Parmi les autres mesures de santé publique, dont bon nombre ont été adoptées sur l'insistance des parlementaires, notons le renforcement du statut juridique des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie (CHAA) et le rapport sur le transfert de compétences des départements en matière de lutte contre la tuberculose au bénéfice de l'Etat.

Le statut juridique des CHAA (art. 72)

Les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie  (CHAA) voient leur statut juridique renforcé, la loi leur donnant une base légale. Les parlementaires à l'origine de l'amendement se sont défendus de vouloir créer un amalgame entre exclusion et alcoolisme, mais ont souhaité « mettre à profit » la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusion pour « garantir [...] un financement stable » aux CHAA. Et améliorer ainsi la lutte contre l'alcoolisme qui « est, à la fois, cause et conséquence de la précarité » (J. O. A. N. (C. R.) nº 47 du 15-05-98, pages 3885 et 3886).

Concrètement, sont considérés comme des institutions sociales et médico-sociales, au sens de la loi du 30 juin 1975, tous les organismes publics ou privés qui, à titre principal et d'une manière permanente assurent des soins ambulatoires et des actions d'accompagnement social et de réinsertion en faveur des personnes présentant une consommation d'alcool à risque ou nocive ou atteintes de dépendance alcoolique. Le rôle de ces centres est inscrit dans la partie du code de la santé publique concernant la lutte contre l'alcoolisme.

Ainsi, la création, les tranformations et toute extension importante de ces centres ne sont possibles qu'après un avis motivé du comité régional de l'organisation sanitaire et sociale. Les missions, les conditions de fonctionnement ainsi que les modalités definancement des centres seront définies pardécret.

Notons enfin que le financement des CHAA, en tant que structures médico-sociales, sera désormais assuré par l'assurance maladie, à hauteur de 120 millions de francs (selon la présentation du projet de loi de finances par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité) et non plus par l'Etat.

Le rapport sur le transfert des compétences en matière de lutte contre la tuberculose (art. 77)

Les débats parlementaires ont été l'occasion de critiques concernant la décentralisation en matière sanitaire.

Ainsi, les députés se sont interrogés sur l'efficacité du dispositif décentralisé de lutte contre la tuberculose. Les sénateurs, de leur côté, ont décidé, en première lecture, d'aller plus loin en votant un amendement redonnant à l'Etat les compétences des départements en matière de lutte contre les fléaux sociaux (prévention de la tuberculose et des maladies vénériennes), de dépistage des affections cancéreuses, de lutte contre la lèpre et d'organisation des centres de vaccination.

Le gouvernement, s'il envisage le retour à l'Etat des compétences exercées à ce jour par les départements, n'a pas souhaité modifier, dès à présent, la législation, préférant attendre qu'un rapport sur la question lui permette « d'être éclairé sur l'ensemble des transferts susceptibles d'être réalisés » (J. O. Sén. (C. R.) nº 53 S du 13-06-98).

Précisons que, selon les déclarations de Bernard Kouchner au Sénat, l'Assemblée des présidents de conseils généraux  (APCG), sollicitée sur la question du transfert de compétence, ne « semble pas hostile » au principe(J. O. Sén.  (C. R.) nº 53 S du 13-06-98). Une position confirmée lors d'une conférence de presse de l'APCG, le 15 septembre.

Pourtant, au final, le texte adopté est moins ambitieux puisqu'il prévoit que le rapport que doit remettre le gouvernement, dans un délai de un an à compter de la promulgation de la loi (soit avant le 31 juillet 1999), ne concerne que la lutte contre la tuberculose.

La protection maternelle et infantile (art. 74)

L'Etat, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale participent à la protection et à la promotion de la santé maternelle et infantile, qui comprend notamment des mesures de prévention médicales, psychologiques, sociales et d'éducation pour la santé en faveur des futurs parents et des enfants.

La définition de la protection maternelle et infantile est élargie. Elle inclut également des actions« d'accompagnement psychologique et social des femmes enceintes et des jeunes mères de famille et particulièrement les plus démunies ».

Les rapports sur la santé scolaire (art. 70 et 146)

La situation sanitaire des enfants, surtout issus de familles défavorisées, a fait l'objet de l'attention des parlementaires. Le gouvernement, invoquant les mesures prises dans le domaine de la médecine scolaire dans le cadre de la loi de finances pour 1998 (9) et le plan de relance de la santé scolaire présenté en conseil des ministres en mars dernier (10), s'est opposé à la mise en place de nouvelles dispositions comme une visite annuelle obligatoire proposée par le Sénat.

Toutefois, le gouvernement a accepté un amendement lui demandant, dans un délai de un an, de présenter au Parlement un rapport sur le rôle de la médecine scolaire dans la politique de prévention et les conditions de son renforcement pour améliorer le suivi médical des enfants scolarisés, notamment dans les zones où le recours aux soins est insuffisant.

Egalement au nom de la santé des enfants scolarisés, le Parlement a voté une disposition selon laquelle le gouvernement présentera, avant le 1er septembre 1999, un rapport sur la fréquentation des cantines scolaires depuis 1993 et son évolution, ainsi que sur le fonctionnement des fonds sociaux. Le remplacement des bourses de collège par l'aide à la scolarité en 1994 s'était accompagné d'une baisse de la fréquentation des cantines scolaires, notamment du fait que l'allocation était versée en une seule fois en début d'année par les caisses d'allocations familiales et parfois dépensée immédiatement. Certaines familles n'étaient ainsi plus en mesure de payer la cantine. Un problème ayant des conséquences sur la nutrition des enfants et qui a abouti au rétablissement des bourses de collège à la rentrée 1998 (11).

Christophe Divernet

Notes

(1)  Voir ASH n° 2054 du 16-01-98.

(2)  Voir ASH n° 2060 du 27-02-98.

(3)  Voir ASH n° 2085 du 18-09-98.

(4)  B. O. M. A. S. S. V. n° 95/16 du 15-06-95 - Voir ASH n° 1919 du 24-03-95.

(5)  Voir ASH n° 2085 du 18-09-98.

(6)  Complétée notamment par une circulaire du 25 octobre 1996, voir ASH n° 1995 du 1-11-96.

(7)  Voir ASH n° 2021 du 2-05-97.

(8)  Voir ASH n° 2078 du 3-07-98.

(9)  Voir ASH n° 2039 du 3-10-97.

(10)  Voir ASH n° 2062 du 13-03-98.

(11)  Voir ASH n° 2083 du 4-09-98.

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