« Comment justifier la sous-consommation des crédits et la complexité excessive du pilotage et de la gestion des dispositifs quand la finalité du Fonds social européen [FSE] est l'amélioration de l'emploi ? », s'indigne l'Uniopss dans une note qu'elle vient d'adresser aux différentes instances européennes (1). Celle-ci, face aux « dysfonctionnements actuels nombreux et inquiétants », estime « urgent », au moment où ces programmes arrivent bientôt à leur terme, de « mieux maîtriser » leur mise en œuvre. L'organisation rappelle ainsi les objectifs du FSE pour la période 1994-1999 : à titre curatif « combattre le chômage de longue durée, faciliter l'insertion dans la vie active des jeunes, des femmes, des chômeurs de longue durée et des personnes exposées à l'exclusion » (objectif 3) à titre préventif, « améliorer la qualification des travailleurs menacés de chômage en raison des exigences des mutations industrielles » (objectif 4). Or, la sous-consommation des crédits pour le premier objectif avoisinerait actuellement les 2 milliards de francs et si « l'on conservait la même pente », en 1998, 26, 5 % des 17 milliards de francs alloués ne seraient pas consommés, estiment les auteurs de l'étude. Quant au second objectif (4,6 milliards), 15,6 % des 720 MF, prévus en 1997, n'ont pas été dépensés.
Si cette sous-consommation est due en partie à des lenteurs de trésorerie, « cet argument n'explique pas tout », ajoute l'étude. En effet, plusieurs des actions financées par le Fonds social européen sont connues pour être structurellement difficilement applicables. C'est le cas par exemple de l'accompagnement des budgets RMI des conseils généraux : le budget alloué à une action ne peut ainsi être redéployé que si le bénéficiaire le demande et l'argent prévu peut rester, de fait, longtemps gelé. En outre, dans quelle mesure le FSE n'est-il pas parfois devenu « un outil de trésorerie » permettant aux services du ministère de l'Emploi de faire face aux gels budgétaires imposés par le ministère des Finances ? L'étude pointe également la complexité de la gestion du dispositif en contradiction avec les exigences de partenariat et de transparence affirmées par les règlements européens. Sur ce point, rappelle l'Uniopss, le Parlement européen a, en juillet dernier, dressé un constat sévère des retards de la France dans l'utilisation des crédits communautaires, les attribuant à l'excès de centralisation, au manque de clarté dans la répartition des compétences, à l'excessive rigidité du processus de programmation, la lenteur des circuits financiers, aux carences de l'information... En outre, les comités de suivi et d'évaluation nationaux, chargés de faire le point en région, ne sont pas toujours réunis dans les délais requis et ne sont de fait « que des instances de consultation dont le poids est très faible ». A cela s'ajoutent des circuits financiers « longs, lourds et lents » qui peuvent entraîner des contraintes de trésorerie « meurtrières » pour de petits organismes. Et même devenir dissuasifs pour certains conseils régionaux, souligne l'Uniopss. Son diagnostic est clair : dispositif insuffisamment animé et à l' « opacité constante », le FSE est devenu « un lourd appareillage, fermé sur lui-même ».
L'organisation formule donc un certain nombre de propositions sur les réformes à engager. Tout d'abord, sur le contenu même des fonds, elle réclame une définition « plus fine » des critères relatifs aux zones géographiques et une « approche plus prospective » afin qu'ils puissent avoir une action préventive. De même, elle demande une plus grande souplesse dans la gestion des programmes avec une définition plus large des objectifs en matière d'intégration sociale et une reconnaissance du rôle des associations. Jugeant en outre nécessaire une réforme des modes de financement et de gestion, l'Uniopss estime « indispensable » la participation des associations comme partenaires économiques et sociaux aux comités de suivi avec droit de vote. Enfin, elle insiste pour que l'offre d'assistance technique soit « accessible » à tous par le biais de l'information, la formation et des réseaux de partenaires.
(1) « Le Fonds social européen. Commentaires et propositions des associations sanitaires et sociales » - Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.