La commission des comptes de la sécurité sociale, qui s'est réunie le 22 septembre, a annoncé que le déficit du régime général de la sécurité sociale s'établirait à 13, 3 milliards de francs en 1998. Un résultat proche de l'objectif que s'était fixé le gouvernement (12 milliards) et qui s'explique, selon Martine Aubry, certes, par le retour de la croissance, mais aussi par les mesures de redressement prises en 1997 (1). Et surtout, le régime général devrait, pour la première fois depuis 10 ans, recouvrer l'équilibre en 1999. La croissance à elle seule ne suffisant pas, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a présenté, ce même jour, les mesures qu'elle entend mettre en œuvre pour atteindre cet objectif. Lesquelles figureront pour la plupart dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui sera adopté en conseil des ministres le 7 octobre. Au menu, la poursuite des réformes structurelles engagées depuis un an pour maîtriser les dépenses de santé, le principe d'une réforme des cotisations patronales et la création d'un fonds de réserve pour sauvegarder les régimes de retraites par répartition.
Selon le bilan définitif de la commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit du régime général de la sécurité sociale s'est élevé, en 1997, à 33, 28 milliards de francs, soit une amélioration de 1, 8 milliard par rapport aux prévisions présentées en mai dernier (2).
Le déficit devrait être ramené à 13, 3 milliards en 1998 et retrouver l'équilibre en 1999 avec un solde légèrement positif (+ 0, 3 milliard) et ce, « sans prélèvement nouveau », a insisté Martine Aubry. Une prévision qui repose sur l'hypothèse d'une progression de la masse salariale de 4, 3 % et une évolution des prix hors tabac de 1, 2 %.
La situation de la branche maladie se détériore à nouveau cette année, son déficit devant finalement s'établir à 8, 5 milliards, alors qu'il était estimé à 4, 9 milliards en mai dernier. « Cette détérioration sensible du solde prévisionnel correspond à une amélioration des recettes (584, 4 milliards), plus que compensée par un sensible alourdissement des dépenses (592, 9 milliards) », note la commission des comptes.
Principales accusées, les dépenses de médecine de ville supérieures de 6 milliards aux prévisions initiales. Même si d'autres facteurs sont également avancés pour expliquer, « mais seulement en partie », cette dérive (épidémie de grippe, développement des trithérapies, reprise de la croissance se traduisant par une demande accrue de soins).
Les experts se montrent toutefois optimistes pour 1999 où la branche maladie devrait enregistrer un léger excédent (+ 0, 3 milliard) grâce à une évolution des recettes (+ 3 %) qui resterait plus soutenue que celle des dépenses (+ 1, 5 %).
Toujours déficitaire, la branche vieillesse du régime général s'est conclue par undéficit de 5, 17 milliards de francs alors que la commission de mai prévoyait près de 9 milliards. Un écart qui s'explique essentiellement par le versement exceptionnel par la CNAF de 3, 4 milliards au titre des cotisations des parents au foyer correspondant à la régularisation non faite en 1996 et, dans une moindre mesure, par la réévaluation du montant versé par l'Etat au titre des cotisations prises en charge (+ 350 millions). En 1998, le déficit du régime devrait atteindre 5, 6 milliards, selon les prévisions de la commission. Cependant, le rythme d'évolution en volume des prestations financées par le régime général poursuit son fléchissement, passant de + 3, 2 % en 1996 à + 3 % en 1997 et à + 2, 9 % en 1998. Ce fléchissement tient, d'abord, à l'évolution naturelle de la démographie des bénéficiaires, ensuite aux effets de la réforme du 22 juillet 1993 ayant modifié le calcul de la retraite, dont l'impact financier devrait être d'environ 2 milliards en 1998 et 2, 5 milliards en 1999. « Ces économies sont cependant modestes dans les premières années puisque la mesure d'allongement de la durée d'assurance requise pour obtenir le taux plein n'atteindra son régime de croisière qu'en 2003, et celle portant sur la période de référence du salaire moyen qu'en 2008 », souligne la commission des comptes.
La branche vieillesse est la seule qui resterait lourdement déficitaire en 1999 à hauteur d'environ 6 milliards de francs sous l'effet d'une évolution des cotisations de 4 % et de celle des prestations de 3, 3 %.
Encore déficitaire de 14 milliards en 1997, la branche famille devrait afficher un solde négatif limité à 1 milliard de francs en 1998. Les recettes, provenant principalement des cotisations, devraient s'élever à 254, 1 milliards en 1998 et les dépenses à 255 milliards, en diminution de 0, 9 % par rapport à 1997. Les prestations familiales versées en métropole devraient évoluer négativement au cours de cet exercice, du fait des mesures d'économies fixées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (mise sous condition de ressources des allocations familiales, restrictions des conditions d'octroi de l'AGED) et de la fin de la montée en charge des prestations visées par la loi famille, même si le total de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) continue de progresser assez rapidement.
En 1999, la branche famille devrait redevenir excédentaire à hauteur de 4, 1 milliards, d'après les experts.
En 1998, la branche accidents du travail connaîtra, selon les estimations, un excédent de 1, 75 milliard. Cette nouvelle prévision intègre le taux net maintenu à 2, 262 % pour les cotisations employeurs et le versement à la CNAMTS de 810 millions de francs, au titre des affections non prises en charge par l'assurance maladie.
Une progression qui devrait se confirmer l'an prochain avec un solde excédentaire de 1, 9 milliard.
Pour 1999, « le retour à l'équilibre est conditionné par le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie [ONDAM] soumis au vote du Parlement », souligne Martine Aubry. Mais aussi par l'approfondissement des politiques structurelles menées depuis 1997. Lesquelles concernent le secteur médico-social, la médecine de ville et le médicament.
Le taux d'évolution des dépenses d'assurance maladie est fixé, pour 1999, à 2, 6 %(contre 2, 27 % en 1998), soit une enveloppe de près de 630 milliards de francs. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité n'a toutefois pas détaillé la décomposition de ce taux entre les divers secteurs, s'étant engagée à consulter la CNAMTS avant toute répartition sectorielle de l'objectif de dépenses.
Les établissements et services du secteur médico-social sont aujourd'hui soumis à une régulation financière reposant sur des mécanismes de taux directeurs d'évolution des dépenses, indicatifs et non opposables en droit. Aussi, ce secteur (40 milliards de dépenses globales) connaît-il des évolutions budgétaires supérieures aux objectifs fixés (évaluées cette année à 2 points au moins), note le ministère.
C'est pourquoi, le projet de loi entend renforcer le mécanisme de suivi et d'encadrement de la dépense dans le secteur médico-social en rendant lesenveloppes de dépense opposables, comme c'est le cas à l'hôpital. Il s'agit concrètement de donner une base légale à l'encadrement des dépenses de ce secteur et de mettre en cohérence les conditions de financement des établissements médico-sociaux avec les règles relatives aux autres dépenses de l'assurance maladie. Ce dispositif sera également applicable aux dépenses de l'Etat et des départements dans ce secteur. Ainsi, il sera possible d'établir un objectif prévisionnel de dépenses annuelles fixant des enveloppes budgétaires limitatives et opposables aux établissements, dans le respect des orientations décidées par le Parlement ou les assemblées départementales. Etant précisé que ce mécanisme d'opposabilité « n'exclut pas des ajustements des budgets prévisionnels dès lors qu'ils apparaissent dûment justifiés, ni la possibilité pour les gestionnaires de saisir le juge de la tarification ».
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale instaure une clause de sauvegarde économique qui se substitue au dispositif de reversement d'honoraires prévu par le plan Juppé. Un mécanisme« d'ultime recours », qui se veut « temporaire », a expliqué la ministre.
Les médecins libéraux devront acquitter une contribution proportionnelle à leur revenu si les dépenses de santé liées à leur activité dépassent de plus de 10 % leurs objectifs de croissance. Au contraire, en cas de respect des objectifs, ils pourront bénéficier d'une revalorisation de leurs honoraires. Etant précisé qu'une part de ces économies sera capitalisée dans un fonds de régulation en prévision d'éventuels dérapages.
En outre, un fonds d'aide à la qualité des soins de ville est instauré au sein de la CNAMTS pour une durée de 5 ans. Ce fonds, doté de 500 millions de francs en 1999, aura vocation à allouer des aides aux professionnels exerçant en ville permettant« le financement d'actions concourant à la qualité des soins ». Il sera géré par des représentants des caisses et des professionnels de santé.
Enfin, les conventions pourront, notamment, prévoir des modes d'exercice visant à organiser la coordination des soins autour d'un médecin référent et une prise en charge globale du patient dans le cadre d'un réseau.
Le gouvernement entend développer « significativement » lemédicament générique. Après avoir publié en juillet un répertoire couvrant 82 groupes génériques et 459 spécialités (3), le projet de loi met en place le droit de substitutionpour les pharmaciens qui pourront vendre des médicaments aux vertus thérapeutiques identiques, mais moins chers que ceux prescrits par les médecins. Lesquels pourront toujours s'y opposer, a expliqué Martine Aubry, « lorsque le patient risque de mal comprendre cette modification de ses habitudes et que l'efficacité du traitement risque ainsi d'être diminuée ».
Parallèlement, la ministre entend également« médicaliser » le remboursement, la sécurité sociale devant« concentrer ses efforts en matière de remboursements sur les médicaments dont l'efficacité médicale est avérée ». Aussi, a-t-elle annoncé la révision prochaine des critères de prise en charge des médicaments, pour tenir compte tant de la gravité de la maladie que du service médical rendu, et la réévaluation de l'ensemble des médicaments remboursables au cours des trois prochaines années.
Le gouvernement a décidé de maintenir, en 1999, l'indexation des retraites de base de la sécurité sociale sur les prix, prévue jusqu'à fin 1998 par la loi de 1993, et non sur les salaires comme annoncé en 1997. Elles seront revalorisées de 1, 2 % au 1er janvier prochain, soit une augmentation du pouvoir d'achat de 0, 5 %, puisqu'en 1998 l'évolution réelle des prix (0, 8 %) devrait être inférieure aux prévisions et donc à la revalorisation accordée en janvier (1, 3 %).
Sans attendre les conclusions de la mission du Commissariat général du Plan sur le financement des retraites au printemps prochain (4), le gouvernement a décidé de créer dès 1999 un fonds de réserve, constitué au sein du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), afin de faire face à partir de 2005 au choc démographique lié au départ en retraite des enfants du « baby boom ». Autre but : éviter les hausses de cotisations.
Le fonds serait alimenté dans l'immédiat par les excédents du FSV (2 milliards en 1999) et « pourra recevoir d'autres dotations en cours d'année », qui seront déterminées par voie législative ou réglementaire. Parmi les sources évoquées : le produit de la réforme des Caisses d'épargne (de 4 à 6 milliards), les éventuels excédents des comptes sociaux, voire les recettes de privatisation. Au total, selon le ministre de l'Economie et des Finances, ce fonds pourrait atteindre « plusieurs dizaines de milliards entre 2005 et 2010 ».
Certaines des mesures annoncées lors de la conférence de la famille du 12 juin dernier (5) trouvent leur traduction législative dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il en est ainsi du rétablissement des allocations familiales pour tous, en contrepartie, rappelons-le, de l'abaissement de 16 380 F à 11 000 F de l'avantage fiscal lié au quotient familial prévu dans le projet de loi de finances (6). Afin de permettre à la branche famille de financer le versement des allocations familiales sans condition de ressources, l'Etat va prendre à sa charge le coût de l'allocation de parent isolé, pour un montant total de 4, 2 milliards de francs par an.
Autre disposition, l'extension du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles de un enfant qui remplissent les conditions de ressources. La plupart des autres dispositions annoncées le 12 juin feront l'objet de textes réglementaires (relèvement de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales de 19 à 20 ans pour les jeunes inactifs ou les chômeurs, augmentation de l'allocation de logement familiale, versement des majorations des allocations familiales à 11 et 16 ans).
Autre mesure inscrite dans le texte, la revalorisation des allocations familiales de 0, 7 % au 1er janvier prochain.
Finalement, la réforme des cotisations patronales, qui devait marquer une nouvelle étape dans la modernisation du financement de la sécurité sociale, après celle de la CSG l'an dernier, est repoussée, le Premier ministre souhaitant, en effet, que la concertation avec les partenaires sociaux se poursuive « afin de déterminer les orientations et les modalités précises de la réforme ». Le principe de la réforme est toutefois inscrit dans le texte du projet. Lequel stipule que « l'objectif[de la réforme] est d'assurer un financement de la protection sociale plus juste et plus favorable à l'emploi. Elle n'accroîtra pas globalement les prélèvements sur les entreprises » et« elle n'aura aucun coût pour les ménages ».
Cette exonération, qui devait prendre fin le 31 décembre prochain, sera reconduite, mais un plafond est instauré. Pour les embauches réalisées à partir du 1er janvier 1999, elle ne s'appliquera, en effet, qu'à la fraction du salaire égale au SMIC. Pour un salaire égal au SMIC, l'exonération est donc totale, et elle portera sur les deux tiers du salaire si celui-ci est égal à 1, 5 SMIC, par exemple.
Est inscrit dans le projet de loi une baisse prévisionnelle du taux net moyen de cotisation de 0, 052 point (soit un taux de 2, 21 %) conformément à la proposition de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles présentée le 1er juillet dernier. Cette baisse, confirmée par Martine Aubry, devrait diminuer les charges des entreprises de 1 milliard de francs. Une mesure jugée « incohérente » par la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH) (7) « car elle aboutit à rembourser aux entreprises la ponction de près d'un milliard décidée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ». La fédération souligne également son « indécence » au moment où les dernières statistiques de la CNAMTS montrent une augmentation des accidents du travail pour 1997.
Afin de mieux garantir les droits des victimes d'accidents du travail, il est prévu que le délai de prescription qui éteint les droits d'une victime ne débutera plus à partir de la date de la première constatation médicale de la maladie, mais à compter de la constatation de son origine professionnelle.
Le projet prévoit la gratuité des examensde dépistage des cancers féminins (sein et col de l'utérus) et du côlon. Les actes de dépistage organisés seront pris en charge à 100 % (exonération du ticket modérateur).
Valérie Balland
(1) Voir ASH n° 2051 du 26-12-97.
(2) Voir ASH n° 2071 du 15-05-98.
(3) Voir ASH n° 2079 du 10-07-98.
(4) Voir ASH n° 2074 du 5-06-98.
(5) Voir ASH n° 2076 du 19-06-98.
(6) Voir ASH n° 2085 du 18-09-98.
(7) FNATH : 20, rue Tarentaize - BP 520 - 42007 Saint-Etienne cedex - Tél. 04 77 49 42 42.