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Stériliser le handicap mental ?

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Le débat sur la stérilisation des handicapés mentaux pourrait, à la limite, « se clore très vite », lance, provocatrice, Nicole Diederich en avant-propos de l'ouvrage collectif qu'elle vient de diriger. Car, il suffirait de mal poser le problème et de s'en tenir à un certain consensus «  basé sur le bon sens et les bonnes intentions », poursuit-elle. Et, par exemple, de se laisser convaincre, comme certains, que les trisomiques et les handicapés sévères (les plus visibles socialement) représentent la majorité des handicapés et que, dans leur cas, «  la stérilisation est envisagée pour leur bien ». Pourtant, en soulevant la question en 1996, l'Unapei et le Comité consultatif national d'éthique avaient rappelé que «  les choses [n'étaient] pas si simples ». A savoir, par exemple, explique la sociologue que les déficients sévères ont rarement une sexualité autonome (le problème ne se pose donc pas vraiment pour eux) et que deux tiers des sujets accueillis en institution ont des déficiences légères ou moyennes. Or, si «  la stérilisation est la méthode la plus sûre pour éviter des grossesses, elle est celle également qui permet de faire le plus sûrement l'économie d'un accompagnement et d'une éducation sexuelle », alerte la sociologue. Sans compter que cette solution radicale fait également l'économie de la question du sida. Pourtant, rappellent les auteurs, on évalue à 35 % le nombre de stérilisations tubaires chez les femmes handicapées mentales en France aujourd'hui et la sous-estimation de cette pratique «  frise le déni ». Et ceux-ci de militer clairement contre «  la stérilisation implicite et discrète », selon les termes mêmes du philosophe Bernard Andrieu.

On ne saurait pourtant ignorer l'extrême complexité des questions que soulève la stérilisation des handicapés mentaux, insiste l'ouvrage. Comment accompagner le désir d'enfant ? Qu'est-ce que le consentement d'une personne vulnérable ? Comment ne pas comprendre l'angoisse des grands-parents à l'idée de devoir éventuellement prendre en charge l'enfant à naître ? L'argument de protection de l'intégralité sexuelle des personnes ne masque-t-il pas l'idée d' « intouchabilité »   ?Difficile de répondre quand le tabou persiste et que la sexualité des personnes handicapées « évoque toujours une idée d'accouplement contre nature  », souligne la psychologue Jacqueline Delville. D'autant que l'on assiste à un véritable paradoxe : tout se passe comme si l'encouragement fervent de ces dernières années à l'autonomie matérielle des handicapés (à travers le logement et le travail en milieu ordinaire) trouvait subitement sa limite dans une vie sexuelle impensable ou interdite. Or, les témoignages des personnes handicapées rassemblés ici attestent, s'il le fallait, de leur capacité à aborder la question. Et, de fait, les auteurs plaident pour un accompagnement au cas par cas des personnes et des couples, sans moralisation, mais sans crainte non plus d'apprendre aux personnes à faire le deuil de certaines illusions. D'ailleurs, pour Jacqueline Delville, «  il faut pouvoir envisager l'inenvisageable », car «  renoncer au projet d'enfant après l'avoir envisagé et sans qu'il ait été interdit de l'envisager, est un facteur de maturation  ».

Stériliser le handicap mental ? -Nicole Diederich - Ed. érès -150 F.

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