Lancés en 1996, les travaux du contrat d'études prospectives (CEP) de l'aide à domicile et des employés de maison se sont achevés cet été. Ils devraient être présentés officiellement en octobre par les différents partenaires. Réalisés dans le cadre d'un comité de pilotage composé de représentants des pouvoirs publics (ministères de l'Emploi et de la Solidarité, de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie) et des partenaires sociaux, ceux-ci visaient, face aux bouleversements enregistrés ces dernières années, à analyser la situation actuelle des emplois, des compétences et des systèmes de formation et à impulser une réflexion stratégique pour les deux branches d'activité. Sachant que si ces dernières n'ont au départ accepté que « timidement de travailler dans un cadre commun », les travaux d'analyse ont montré que « les professionnels concernés ont nettement plus de points communs que de points de différenciation (excepté en ce qui concerne les travailleuses familiales, seule catégorie professionnelle des deux branches qui détient le statut de travailleur social) », note le rapport final (1). Lequel se propose de réunir l'ensemble des métiers dans ce qu'il appelle « le secteur des interventions à domicile ».
A partir d'enquêtes de terrain et de divers travaux statistiques, l'étude dresse un état des lieux très précis des deux branches d'activité. Premier constat : les récentes évolutions des financements des activités du secteur ont rendu celui-ci encore plus complexe et difficilement lisible (2). L'intervention des pouvoirs publics, soucieux à la fois de concilier création d'emplois et solvabilisation, contribue à déréguler le fonctionnement du marché. Autant d'évolutions qui tendent à estomper les frontières des deux branches d'activité, même si ces dernières continuent d'être fortement marquées par des logiques, une histoire et une culture différentes. « L'intrusion de mandataires dans la branche aide à domicile vient d'ailleurs confirmer la réalité d'une proximité forte des pratiques », souligne l'étude. Tout l'enjeu consistant , selon elle, à passer à un rapprochement « maîtrisé et non plus subi ». Mais au-delà de la reconnaissance d'un marché, certes particulier en raison même de l'importance des interventions de la puissance publique, le document met à plat les pratiques, métiers et formations des deux branches. A ce propos, il souligne notamment « l'apparente confusion du panorama des formations », les qualifications reconnues ne renvoyant qu'à une faible partie de l'offre de formation, « sans cohérence apparente avec une multiplicité de titres, du moins d'appellations'non contrôlées " ».
Mais surtout, l'élément central du rapport consiste à proposer une nouvelle lecture du secteur et transversale aux deux branches d'activité en croisant les logiques d'intervention, les tâches à effectuer et les publics. Pour caractériser la spécificité de l'intervention à domicile, l'étude identifie cinq relations types - relation de service, d'aide professionnalisée, éducative, de soutien vers l'intégration sociale, de soin médicalisé - et les niveaux de compétences nécessaires. Sachant qu'à une situation donnée, à un moment donné, correspond une relation type dominante qui peut d'ailleurs évoluer avec le temps, est-il précisé. Et c'est à partir de cette approche que les rapporteurs formulent deux hypothèses d'évolution pour le secteur : soit reconnaître l'existence d'un tronc commun pour l'ensemble des professions d'intervention à domicile en retenant l'idée que ce qui est fondateur c'est « la relation à un tiers à son domicile » soit considérer que l'intervention à domicile est la base commune des différentes professions qui n'ont pas nécessairement vocation à évoluer de manière homogène. A partir des positions des partenaires sociaux sur ces deux hypothèses, le document préconise alors une série de recommandations pour l'avenir.
Il propose tout d'abord « d'organiser une filière professionnelle commune entre les branches du secteur » : outre la construction d'un processus de qualification comprenant des cursus de formation initiale, continue et d'accès à l'emploi, il s'agirait de prévoir un système de passerelles permettant des évolutions de carrières. L'étude recommande également de « professionnaliser les emplois » grâce à une « définition de titres harmonisés » par les différents ministères et partenaires sociaux et grâce à la mise en place d'un système homogène de validation des acquis. Pour la branche aide à domicile, elle insiste sur « la professionnalisation des organisations », notamment en matière de gestion des ressources humaines et formule une série d'orientations : mettre en cohérence les dispositifs d'aide aux personnes avec les besoins et affirmer la nécessaire qualification des salariés remettre à plat les systèmes d'aide aux personnes réformer les aides aux personnes âgées dépendantes modifier les modalités de prise en charge des interventions des organismes sociaux développer la concertation sur les systèmes de financement de l'accompagnement social réalisé par les services de travailleuses familiales.
Résultat d'un compromis entre les partenaires du CEP, ces recommandations devraient donner lieu à un groupe de travail commun aux commissions paritaires nationales de l'emploi des deux branches afin de préparer « la définition de filières professionnelles et de formation communes ». Néanmoins, certaines organisations ont tenu à faire part de leurs observations et de leurs critiques en annexe du document. C'est ainsi que les syndicats de salariés (CFDT, CFTC, CGT, FO) de la branche aide à domicile se disent réservés sur l'organisation d'une filière professionnelle, évoquant « le risque de banalisation des actes sanitaires ». Les autres critiques tiennent surtout à la crainte d'une « banalisation de l'action sociale à domicile ». La Fédération nationale des associations pour l'aide aux mères et aux familles à domicile ( FNAAMFD ) rappelle ainsi « la dimension essentielle et première de la relation d'aide comme mode d'accompagnement des personnes ». Et elle regrette qu'en « la rendant commune à l'ensemble des intervenants à domicile, le CEP ait par trop relativisé la relation d'aide constitutive du travail social du domicile ». Enfin, l'organisation déplore que le CEP « ne restitue qu'imparfaitement les caractéristiques » propres aux travailleuses familiales et aux aides à domicile, et qu'il « n'ait pas intégré le référentiel d'intervention des travailleuses familiales hors de la branche de l'aide à domicile » (3). Des réserves partagées par la Fédération nationale aide familiale à domicile ( Fnafad ). Laquelle regrette « la segmentation effectuée sur la relation d'aide » qui « ne reconnaît pas la place prépondérante de la travailleuse familiale au sein des familles ».
(1) Etude réalisée par la société TEN Conseil, l'Institut du développement social et le Crédoc - Disp. prochainement à la Documentation française.
(2) Un constat à l'origine d'ailleurs du rapport Hespel-Thierry sur les emplois à domicile et des rapports du Conseil d'analyse économique sur les services de proximité - Voir ASH n° 2084 du 11-09-98.
(3) Voir ASH n° 2072 du 22-05-98.