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115 propositions pour le droit des sourds

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« L'action des pouvoirs publics à l'égard des sourds mérite d'être reconsidérée », affirmait Lionel Jospin dans la lettre adressée à Dominique Gillot lui confiant, en décembre 1997, une mission de réflexion sur le sujet. Remis au gouvernement en juillet, le rapport de la députée  (PS) du Val-d'Oise présente 115 propositions pour « le droit des sourds »   (1). Il a été rendu public le 16 septembre à quelques jours de l'ouverture, le 21 septembre, de la semaine internationale de la surdité. Et ses suggestions ont été accueillies favorablement par Martine Aubry qui a annoncé la mise en place « d'un groupe de pilotage chargé de coordonner et de suivre leur mise en œuvre ». Certaines mesures pourraient « entrer en vigueur très prochainement », a encore indiqué la ministre qui a demandé à Dominique Gillot d'établir, chaque année, un bilan d'application de ses propositions.

Premier constat : l'absence de données officielles rend difficile l'évaluation de la population concernée. Néanmoins, 4 millions de Français seraient touchés par une déficience auditive et pour 3 % d'entre eux (soit 120 000 personnes), cette déficience serait profonde et provoquerait une surdité totale, estime la députée. Laquelle, au vu de la diversité des situations (malentendants, sourds de naissance, sourds-aveugles...), préfère parler de « surdités ». Ce qui, précise-t-elle, n'empêche pas pour autant de réfléchir à une politique globale.

Se penchant sur les difficultés rencontrées par les parents en matière de dépistage, d'accompagnement, et d'orientation, Dominique Gillot préconise la création d'un centre d'information sur la surdité (CIS) et la présence d'équipes spécialisées dans les centres d'action médico-sociale précoce. En outre, son constat sur le système de scolarisation des jeunes sourds est extrêmement sévère :80 % des sourds profonds sont illettrés et 5 %seulement accèdent à l'enseignement supérieur. Les causes ? Tout d'abord, Dominique Gillot relève l'absence d'harmonisation du système de formation des enseignants qui laisse coexister deux diplômes : celui de l'Education nationale (d'ailleurs non accessible aux sourds) et celui des Affaires sociales. Une scission qui correspond à celle de la scolarisation partagée entre milieux ordinaire et spécialisé. Le premier, qui scolarise 2 650 enfants sourds, peine à les intégrer, les classes d'intégration scolaire « ne remplissant pas leurs objectifs ». Quant à l'effort d'intégration à l'université, il semblerait se relâcher. De leur côté, les établissements spécialisés (instituts nationaux, locaux et établissements du secteur associatif), qui accueillent 11 000 sourds, souffrent « d'un encadrement pédagogique réduit à sa plus simple expression »  : deux personnes seulement sont chargées à la DAS de l'inspection pédagogique de 120 établissements et de 2 000 professionnels. Ces institutions naviguent également hors de toute doctrine et de toute politique globale concernant des domaines aussi importants que le projet individuel de formation, l'intégration ou le bilinguisme. En outre, le réseau d'établissements est incohérent, précise le document, et « laisse exister de véritables déserts » sur le territoire. Dominique Gillot suggère donc la création d'une mission auprès de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité chargée de préparer une réforme de ces établissements. Elle invite également à décloisonner les relations entre les ministères de l'Education nationale et de l'Emploi et de la Solidarité et à élaborer une charte nationale pour l'intégration des sourds en milieu scolaire ordinaire.

Par ailleurs, la députée estime que le système d'insertion professionnelle des personnes sourdes est trop éclaté et « manque de transparence ». Et elle réclame, en particulier, que les Cotorep et les équipes de préparation et de suite au reclassement disposent de personnels compétents en matière de surdité. Reste alors, selon elle, à rendre l'obligation d'emploi moins « relative » et à ouvrir la fonction publique aux sourds.

La parlementaire s'est également penchée sur les modalités de compensation du handicap. Elle insiste, entre autres, sur la nécessité d'améliorer la prise en charge des prothèses auditives (à ce jour limitée à un appareil tous les cinq ans à hauteur de 1 350 F)  : elle propose de l'étendre à deux appareils et de porter la limite d'âge du remboursement intégral à 20 ans (au lieu de 16 ans actuellement). En outre, le coût élevé de l'appareillage nécessiterait, pour les familles et personnes âgées modestes, « une intervention financière spécifique ». Quant aux aides issues de la technologie, elles doivent être développées. Notamment, une réglementation devrait imposer des dispositifs d'amélioration de l'écoute pour les malentendants dans les lieux publics. Le rapport préconise également pour ces derniers l'établissement de tarifs préférentiels de communication par fax et Minitel. Autre mesure : l'extension du champ d'application du chèque emploi-service pour l'emploi à usage privé des preneurs de notes et transcripteurs, mais aussi des accompagnateurs des personnes sourdes-aveugles. Surtout, la députée plaide résolument «  pour la reconnaissance du droit d'usage de la langue des signes française  » (LSF) qui doit s'accompagner, entre autres, de mesures concernant la qualification et le statut des interprètes LSF.

Mais, au-delà, les droits des personnes sourdes demandent à être mieux respectés dans d'autres domaines : justice, sécurité civile, santé, transport, habitat et culture. Parmi ses nombreuses suggestions, la députée souhaite en particulier que les codes civil et pénal soient modifiés pour rendre obligatoire la présence d'une interface (traducteur en LSF, transcripteur) si l'accusé ou l'une des parties est sourde. Elle réclame également le développement de réseaux régionaux et/ou interrégionaux de professionnels sourds et bilingues en matière d'accès à la santé et d'accès aux thérapies mentales. Et elle préconise que chaque département mette en place un numéro d'urgence par Minitel (SAMU, pompiers). Enfin, Dominique Gillot pense qu'il y aurait lieu d'encourager plus nettement l'accès à la culture, domaine où « la grave carence [de l'offre] renforce l'isolement social, intellectuel et affectif » des personnes sourdes.

Notes

(1)  Le droit des sourds - 115 propositions - Dominique Gillot - Non disponible actuellement.

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