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RTT : la BASS ouvre le bal

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C'est lundi que doit démarrer la négociation sur la réduction du temps de travail dans la branche sanitaire, sociale et médico-sociale, à but non lucratif, dite aussi BASS. Un chantier capital pour les 400 000 salariés concernés comme pour les partenaires sociaux.

C'est dire l'importance de la négociation de branche sur la mise en œuvre de la loi du 13 juin 1998, relative à la réduction du temps de travail (1), qui va s'ouvrir le 14 septembre et doit se poursuivre le 16 octobre. Si la plupart des organisations semblent d'accord sur les objectifs à atteindre - créations d'emplois, amélioration du service rendu aux usagers et des conditions de travail - le principe même de la négociation de branche, entre l'Unifed et les syndicats de salariés, ne fait pas l'unanimité. D'où des oppositions entre organisations sur le niveau de négociation pertinent. Pour la CFDT Santé-sociaux, les choses sont claires : « Il faut donner priorité à la branche. » C'est le moyen d'aller vers « une harmonisation et une reconnaissance plus forte » d'un secteur « aujourd'hui trop éclaté » et de « réguler un certain nombre de dérives qui existent », estime André Loubière, secrétaire national à la fédération. En outre, souligne-t-il, cela doit « permettre aux quelque 100 000 salariés qui ne bénéficient pas de convention collective d'être couverts par cet accord » (à condition que celui-ci soit étendu). Sachant que l'enjeu est également stratégique, poursuit le responsable syndical, la branche permettant de peser plus fortement sur les pouvoirs publics pour obtenir des financements supplémentaires et pérennes.

Encore faut-il que la branche existe, rétorquent les responsables de la FNAS-FO et de l'UFAS-CGT qui contestent sa légitimité, expliquant qu'elle n'a jamais été officiellement reconnue (2). « Si le ministère décide de réunir les partenaires sociaux pour en délimiter réellement une, nous serons les premiers à y aller. Mais aujourd'hui, elle n'existe pas », affirme Jean-Yves Baillon, secrétaire général de l'UFAS-CGT. Un avis partagé par la FNAS-FO dont le secrétaire général, Michel Paulini, rappelle que l'Unifed ne recouvre pas la totalité des conventions collectives du secteur (voir encadré). Aussi, s'interroge celui-ci, au nom de quoi un accord conclu au sein de l'Unifed s'imposerait-il aux établissements relevant, par exemple, de la convention collective de 1965 ? « D'ailleurs, précise-t-il, nous sommes extrêmement réservés sur la possibilité, pour le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, d'étendre un tel accord à l'ensemble du secteur. » Conséquence, si les deux organisations n'entendent pas pratiquer la politique de la chaise vide, elles comptent bien limiter au strict minimum le champ des discussions avec l'Unifed. Contrairement à la CFDT Santé-sociaux qui souhaite négocier le maximum de points au niveau de la branche, pas question, pour elles, d'aborder dans ce cadre des questions aussi importantes que, par exemple, l'organisation du temps de travail. De l'avis des deux fédérations, cela relève des conventions collectives (3).

« Pour l'Unifed, la branche est bel et bien constituée. D'ailleurs, plusieurs syndicats l'ont reconnue officiellement », rétorque Didier Tronche, directeur du SNASEA et secrétaire de la commission paritaire nationale de l'emploi de la branche. Concrètement, explique-t-il, l'union patronale n'entend négocier au niveau de la branche que ce qui relève « de sa compétence spécifique ». A savoir : l'organisation et le décompte du temps de travail, la constitution du compte épargne temps, le contingentement d'heures supplémentaires et, à condition que les syndicats le demandent, le mandatement. La durée quotidienne et hebdomadaire du travail pourrait également être évoquée. En revanche, tout ce qui touche aux modalités de la réduction du temps de travail proprement dite ne sera discuté qu'au niveau des conventions collectives. « Sous réserve qu'un accord-cadre soit signé au préalable au niveau de la branche », avertit Didier Tronche.

Date butoir : juin 1999

En ce qui concerne le calendrier des négociations, les partenaires sociaux sont tenus par la date butoir du 30 juin 1999 pour pouvoir bénéficier de la première tranche des aides de l'Etat. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Unifed espère aboutir à un accord-cadre d'ici à la fin de 1998. Un souhait que formule également la CFDT Santé-sociaux. « Le problème, explique Maryvonne Nicolle, secrétaire nationale au sein de la fédération, c'est que nous négocions un accord-cadre qui suppose la signature d'accords conventionnels et dans les établissements. C'est une fusée à trois étages et pour chacun, il faut avoir le feu vert des pouvoirs publics. » Néanmoins, rappelle-t-elle, un important travail de réflexion sur la réduction du temps de travail a été mené auparavant, avec l'Unifed, dans le cadre de la loi de Robien. « En réalité, un texte est déjà quasiment ficelé. Si les patrons sont d'accord, on peut aller rapidement à la signature, car il ne reste à discuter que les éléments particuliers de la loi Aubry, par exemple sur la non-obligation de remplacement. »

En revanche, à l'UFAS-CGT, même si l'on se cale également sur la date butoir de juin 1999, on affirme ne pas être pressé. « Nous ne sommes pas employeurs », souligne Jean-Yves Baillon, qui dit ne pas vouloir brader les intérêts des salariés en discutant à marche forcée. « S'il y a perte de salaire, dégradation des conditions de travail ou perte de qualification, l'UFAS-CGT ne signera pas. Nous n'entendons pas nous laisser obnubiler par la réduction du temps de travail », martèle-t-il. Même vigilance à la FNAS-FO où Michel Paulini réclame la réduction du temps de travail hebdomadaire « sans aucune contrepartie », notamment sans mise en cause des garanties conventionnelles. Quant aux dirigeants de la CFDT Santé-sociaux, ils refusent que l'on touche à certains acquis, en particulier « les congés supplémentaires accordés en raison de sujétions particulières, y compris les congés trimestriels ».

Pas question non plus de s'attaquer aux salaires, même si à la CFDT Santé-sociaux, André Loubière concède que, dans les établissements qui souhaitent aller en deçà des 35 heures, on pourra envisager des contreparties en matière salariale. De toute façon, la simple réduction du temps de travail à 35 heures n'aura aucun effet sur l'emploi, affirme pour sa part la FNAS-FO, qui veut parvenir immédiatement aux 32 heures, en quatre jours, sans réduction de salaire. Un objectif que vise également l'UFAS-CGT, à ceci près qu'elle entend y parvenir progressivement, avec la mise en place d'un calendrier. Quant à l'Unifed, elle ne se montre pas opposée, a priori, à « une baisse supérieure à 10 % du temps de travail » mais, pour toute décision, renvoie aux accords conventionnels. Même prudence sur la question des salaires, l'organisation patronale se refusant, là aussi, à trancher. Néanmoins, estime Didier Tronche, au titre du SNASEA, « il sera difficile de diminuer le temps de travail sans toucher à rien. Il faudra bien envisager une contrepartie ». Quitte, comme le prévoit le document préparatoire envoyé par l'Unifed aux syndicats, à étudier une « compensation » pour les personnels présents lors de la signature de l'accord.

La BASS

Les partenaires sociaux de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale, à but non lucratif, (dite branche associative sanitaire et sociale ) sont : l'Unifed qui regroupe les organisations d'employeurs (SOP, SNASEA, SNAPEI, FEHAP, FNCLCC et Croix-Rouge française) et les cinq syndicats représentatifs au niveau national  (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC). Les négociations concernent toutes les structures (associations et établissements hospitaliers privés, à but non lucratif)  relevant des conventions collectives nationales de travail du 15 mars 1966, du 31 octobre 1951, des centres de lutte contre le cancer et de la Croix-Rouge française. Pour mémoire, c'est aujourd'hui 11 septembre que débutent les négociations dans la branche aide à domicile. Pour les secteurs de l'animation et des CHRS, aucune date n'est en revanche fixée.

Débat sur l'annualisation

Les discussions risquent également d'être très vives sur les modalités mêmes de l'abaissement du temps de travail, en particulier autour de la notion d'annualisation. C'est-à-dire de la répartition du temps de travail sur l'année et non plus selon un rythme hebdomadaire. Une évolution qu'envisage favorablement l'Unifed, souhaitant que l'on sorte du cadre hebdomadaire. C'est aussi l'avis de la CFDT Santé-sociaux qui se prononce pour une organisation annuelle du temps de travail dont la répartition devra être adaptée au niveau des établissements. «  L'annualisation nous semble aller dans l'intérêt des usagers et des salariés à condition qu'elle soit cadrée. Ce qui n'est pas le cas actuellement, même si elle existe de fait », souligne André Loubière. A l'inverse à l'UFAS-CGT et à la FNAS-FO, pas question de parler d'annualisation, synonyme, estime-t-on, de flexibilité. «  Dans notre secteur, la modulation du temps de travail est en place déjà depuis 20 ans dans la mesure où les plannings peuvent être faits sur quatre semaines avec des semaines faibles et des semaines fortes. Dans ce domaine, on a déjà donné », s'emporte Michel Paulini.

Au-delà des oppositions de principe, les responsables syndicaux et les représentants des employeurs se retrouvent cependant sur l'idée que la réduction du temps de travail devra inévitablement toucher à l'organisation des institutions afin de maintenir la qualité du service rendu aux usagers. « D'une façon générale, observe André Loubière , il n'est pas possible de mettre en place les 35 heures dans un établissement sans que celui-ci s'interroge sur son projet et son organisation. Est-ce que ça n'est pas l'occasion de réajuster le tir, d'élargir les missions ou de modifier les modes d'intervention ? » Une question que pose également Jean-Yves Baillon. «  Il est évident qu'au-delà même des embauches qui seront nécessaires, il faudra rationaliser les fonctionnements de certains établissements qui ont parfois pris de mauvaises habitudes », reconnaît-il. Par exemple, «  lorsque dans certains internats, les gens ont bloqué cinq ou six jours de travail d'affilée pour récupérer des jours de repos supplémentaires, pensons-nous rendre une réelle qualité de service dans de telles conditions ? » Quant aux services de milieu ouvert, qui n'ont pas toujours des horaires très réguliers, des solutions adaptées seront nécessaires. « A condition que la diminution du temps de travail se traduise aussi par une baisse du nombre de prises en charge confiées aux professionnels », souligne-t-on à la CFDT Santé-sociaux.

D'autres dossiers brûlants devraient être évoqués lors des discussions, en particulier celui du temps partiel. Dans ce domaine, les principales organisations syndicales insistent sur la nécessité de mettre à profit le passage aux 35 heures pour « assainir » la situation, notamment dans le secteur sanitaire. Autre sujet sensible, relancé par la loi Aubry : la question du temps de travail effectif et de la rémunération des nuits en chambre de veille effectuées par les personnels éducatifs (4). La loi du 13 juin introduit, en effet, une nouvelle définition du travail effectif qui s'entend désormais comme « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». Une disposition d'ores et déjà entrée en vigueur. Or, les employeurs redoutent d'être obligés de payer ces heures à taux plein - ce que réclame d'ailleurs la FNAS-FO - avec, pour conséquence, une augmentation brutale de la masse salariale. A la direction de l'action sociale, on rappelle qu'une solution d'ordre conventionnelle pourrait être trouvée et les partenaires sociaux invités à négocier dans le cadre d'un régime d'équivalence. Ce qui reste toutefois insuffisant pour les employeurs qui attendent une réponse concrète de la part des pouvoirs publics. Enfin, les partenaires sociaux auront à se pencher sur les dossiers de la formation, de la qualification et de l'encadrement. Sur ce dernier point, il faudra cependant attendre la deuxième loi Aubry pour connaître les modalités applicables aux cadres.

Qui va payer ?

Néanmoins, même si les partenaires sociaux parviennent à se mettre d'accord, reste à savoir comment sera financé le surcoût en personnel engendré par la réduction du temps de travail. Sachant que la part des salaires représente entre 60 et 80 % du budget des établissements et services du secteur. Une augmentation qu'il est évidemment impossible de répercuter sur les usagers. D'autant que les services et établissements du secteur sont chargés d'assurer une mission de service public. Dans l'entourage de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, on ne cache pas un certain embarras, précisant que celle-ci n'a pas encore arrêté sa position sur les modalités d'application de la loi dans le secteur sanitaire et social. On assure cependant que Martine Aubry devrait avoir pris une décision fin septembre, au vu des éléments budgétaires. En tout état de cause, affirme Pierre Gauthier, directeur de l'action sociale, « il y a certainement une partie du coût de la réduction du temps de travail qui pourrait être compensée par une organisation plus rationnelle du travail ». Et il juge nécessaire d'avoir, sur cette question, une démarche « empirique » en s'appuyant sur les résultats des négociations locales. Une réponse qui ne devrait guère satisfaire l'Unifed et les syndicats qui comptent bien obtenir un engagement clair de l'Etat pour des aides supplémentaires et pérennes. Faute de quoi, la réduction du temps de travail pourrait déboucher, à la fois, sur une déqualification des emplois et sur une dégradation du service rendu aux usagers.

Isabelle Sarazin et Jérôme Vachon

Notes

(1)  Voir ASH n° 2077 du 26-06-98  n° 2079 du 10-07-98 et n° 2080 du 17-07-98.

(2)  Sur la position du ministère, voir ASH n° 2054 du 16-01-98.

(3)  Les négociations sur la réduction du temps de travail ont d'ailleurs déjà débuté au sein de la CC 66 et de la CC 51. Voir ASH n° 2083 du 4-09-98.

(4)  Voir ASH n° 2080 du 17-07-98.

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