Recevoir la newsletter

Loi contre les exclusions

Article réservé aux abonnés

Dans son titre III consacré aux institutions sociales, la loi d'orientation du 29 juillet relative à la lutte contre les exclusions consolide les structures d'urgence sociale. Et renforce la coordination institutionnelle.

Le titre III relatif aux institutions sociales comporte plusieurs dispositions visant à améliorer le travail des acteurs engagés dans la lutte contre l'exclusion. C'est ainsi qu'il étend le champ d'application de la loi du 30 juin 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales à l'ensemble du secteur de l'urgence sociale et de l'insertion. Par ailleurs, la loi du 29 juillet cherche également à renforcer la coordination des actions et met en place, notamment, un Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Rappelons, enfin, que l'article 152 de la loi qui avait pour objet de créer un Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, en remplacement du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts, a été invalidé, le 29 juillet 1998, par le Conseil constitutionnel. Outre que cette mesure a été adoptée après échec de la commission mixte paritaire, le Conseil a considéré qu'elle était sans relation directe avec les autres dispositions de la loi.

Consolidation des structures d'urgence et d'insertion sociale  (art. 157)

Depuis quelques années, face à l'aggravation des problèmes sociaux, s'est développé tout un dispositif d'aide aux personnes très en difficulté offrant accueil, hébergement, aide alimentaire ou accompagnement sanitaire et visant le rétablissement du lien social et l'aide à la réinsertion. C'est ainsi que pour faire face à l'urgence sociale ont été créés les boutiques de solidarité et, dans les grandes agglomérations, les SAMU sociaux. Mais ces nouveaux établissements, généralement gérés par le secteur associatif, et financés entièrement par celui-ci lorsqu'ils ne relèvent pas de crédits d'intervention sociale de l'Etat et des collectivités locales, n'ont pas de base légale ou réglementaire.

Aussi, le champ d'application de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est-il étendu à l'ensemble du secteur de l'urgence sociale et de l'insertion, tandis que les centres d'hébergement et de réadaptation sociale  (CHRS)  - qui changent d'appellation - voient leurs missions modernisées. Parallèlement, la loi institutionnalise le dispositif de veille sociale chargé d'informer et d'orienter les personnes en difficulté sur les structures d'accueil d'urgence.

La reconnaissance du secteur de l'urgence et de l'insertion

Le 5° de l'article 1 de la loi du 30 juin 1975, qui définit de façon générale le rôle des institutions sociales et médico-sociales, est modifié pour :

• élargir les missions de ces établissements à la réinsertion sociale et professionnelle (qui se substitue à la notion de réadaptation professionnelle) et à l'insertion par l'économique. Relèvent ainsi désormais de la loi de 1975, tous les organismes publics ou privés qui, à titre principal et d'une manière permanente, « assurent, avec ou sans hébergement, dans leur cadre ordinaire de vie, l'éducation spéciale, l'adaptation ou la réinsertion sociale et professionnelle, l'aide par le travail ou l'insertion par l'activité économique »  ;

• prendre en compte les situations de détresse. Les activités menées par les établissements s'adressent non plus seulement « au bénéfice des personnes handicapées ou inadaptées » mais aussi aux « personnes ou familles en détresse ».

Cette nouvelle définition permet de prendre en compte diverses structures d'interventions sociales innovantes comme le CHAPSA de Nanterre, les centres d'adaptation à la vie active (créés par une circulaire de 1979 et rattachés aux CHRS), les SAMU sociaux et les boutiques de solidarité. S'ils sont donc assujettis aux procédures de la loi du 30 juin 1975, ces établissements vont aussi bénéficier « des garanties de financement » correspondantes, alors « qu'ils relèvent aujourd'hui d'un régime de subvention annuelle dans le cadre de l'action sociale de l'Etat » (Rap. Sén. n° 450, Seillier).

L'adaptation des textes relatifs aux CHRS

ÉLARGISSEMENT DES MISSIONS

La loi assouplit la définition des CHRS, pour la rendre plus adaptée aux évolutions. Ainsi dans le cadre de l'article 3 de la loi de 1975 qui porte sur les modalités de création ou d'extension de certains établissements sociaux et médico-sociaux, elle réécrit le 8° visant les « structures d'hébergement en vue de la réadaptation sociale » et qui concerne ces établissements. Très largement complété, le nouveau texte :

• élargit cette catégorie aux « structures et services comportant ou non un hébergement ». Ce qui permet de prendre en compte les SAMU sociaux et les équipes de rue 

• exige que les organismes visés s'assurent le « concours de travailleurs sociaux et d'équipes pluridisciplinaires »  ;

• précise les quatre missionsqu'ils doivent assumer vis-à-vis des personnes ou des familles en détresse : l'accueil, notamment en situation d'urgence  le soutien ou l'accompagnement social  l'adaptation à la vie active  et l'insertion sociale et professionnelle.

Ce qui donne « une définition plus extensive » par rapport aux actuels CHRS, selon Bernard Seillier. Car elle introduit « les notions d'accueil, notamment en situation d'urgence ainsi que le soutien ou l'accompagnement social ». En outre, ces structures seront dorénavant financées au titre de l'aide sociale obligatoire (chapitre 46-23) et non plus par des subventions au titre du programme d'action sociale de l'Etat(chapitre 47-23) (Rap. Sén. n° 450, Seillier).

Toutefois, les CHRS n'exercent aucun monopole des missions définies à cet article. En effet, il est bien précisé qu'ils « assurent tout ou partie » de celles-ci, dans la nouvelle version de l'article 185 du code de la famille et de l'aide sociale  (CFAS).

BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE SOCIALE POUVANT ÊTRE ACCUEILLIS

Difficultés des publics accueillis et objectif de l'aide

L'élargissement des missions des CHRS a, en effet, amené le législateur à modifier l'article 185 du CFAS qui précise les conditions dans lesquelles les personnes peuvent bénéficier de l'aide sociale pour être accueillies dans ces centres qu'ils soient publics ou privés.

C'est ainsi que les centres d'hébergement et de réadaptation sociale changent de nom et deviennent des « centres d'hébergement et de réinsertion sociale ».

Le texte apporte également une nouvelle description des difficultés des publics concernés en retenant à côté des problèmes financiers, psychologiques ou de logement, ceux relatifs à la santé, l'insertion ou la famille. Peuvent être ainsi accueillies « les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion ».

Enfin, il précise l'objectif final de l'intervention : « aider [les personnes et familles] à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale ».

Participation et rémunération des personnes

Par ailleurs, l'article 185 du CFAS stipule désormais que les conditions de fonctionnement et de financement des CHRS sont prévues par décret en Conseil d'Etat et non plus par décret simple.

Contrairement au précédent, le nouveau décret ne déterminera plus la durée limite de l'aide sociale accordée. Par contre, il fixera les conditions de la participation des personnes accueillies et de leur rémunération, dont le principe est reconnu par la loi.

Le décret, dont la parution est prévue par la direction de l'action sociale courant 1999, devra en effet préciser :

• les modalités selon lesquelles les personnes accueillies participent en fonction de leurs ressources à leurs frais d'hébergement et d'entretien.

S'inspirant de la réglementation existante pour les foyers d'hébergement d'adultes handicapés, cette disposition nouvelle « part du principe que toute contribution, même modeste, de la personne en fonction de ses revenus disponibles, participe à son processus actif d'autonomisation » (Rap. A. N. n° 856, Le Garrec) 

• les conditions dans lesquelles elles perçoivent la rémunérationprévue à l'article L. 241-12 du code de la sécurité sociale lorsqu'elles prennent part auxactivités d'insertion professionnelle. Cet article prévoit, en effet, pour ces publics une exonération des cotisations d'assurances sociales et d'allocations familiales au titre des activités qu'ils exercent dans un but de rémunération professionnelle.

Rapports au Parlement

• Situation des Français de l'étranger confrontés à l'exclusion(art. 158)

La loi prévoit la présentation au Parlement, avant le 31 décembre 1998, d'un rapport du gouvernement sur la situation matérielle des Français de l'étranger confrontés à l'exclusion. Lequel sera rendu public.

• Evaluation de la loi(art. 159)

Par ailleurs, le gouvernement présentera au Parlement, tous les deux ans, à partir de la promulgation de la loi, un rapport d'évaluation de son application. Il devra s'appuyer notamment sur les travaux de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale et associer particulièrement les personnes en situation de précarité et les acteurs de terrain.

Extension dans les DOM

Dans un souci et une volonté de traitement d'égalité entre la métropole et les départements d'outre-mer, la loi étend à ces derniers les dispositions de l'article 185 du code de la famille et de l'aide sociale.

Abrogation de deux dispositions

Deux dispositions, jugées inutiles par le législateur, sont abrogées :l'article 185-2 du code de la famille et de l'aide sociale qui permettait aux personnes bénéficiant de l'aide sociale dans un CHRS de pouvoir également recevoir une aide au réentraînement au travail lorsqu'elles sont admises dans un centre d'aide par le travail  l'article L. 323-35 bis du code du travail qui rendait applicables aux personnes hébergées par un CHRS, les dispositions sur le travail protégé.

Cette abrogation met fin à « la confusion qui pouvait exister entre les personnes en situation de précarité ou d'exclusion, accueillies dans des CHRS et les personnes handicapées, qui participent aux activités des CAT » et qui font l'objet de dispositifs spécifiques et distincts (Rap. A. N. n° 856, Le Garrec). Car le lien établi entre les deux types de structures se justifiait jusqu'ici par l'impossibilité pour les CHRS de proposer aux personnes en difficulté une aide à la vie active ou à l'insertion professionnelle. Or l'article 185 du CFAS donne désormais cette possibilité aux CHRS.

Le dispositif de veille sociale

Afin de pallier le manque de coordination des réponses apportées à l'urgence sociale, la loi généralise les expériences d'accueil et d'orientation des personnes errantes développées par certains départements.

Aussi, le principe est-il posé que, « dans chaque département », est mis en place, à l'initiative du préfet, « un dispositif de veille sociale ». Chargé d'informer et d'orienter les personnes en difficulté, fonctionnant « en permanence tous les jours de l'année », celui-ci pourra être saisi par toute personne, mais aussi tout organisme ou collectivité.

Ce dispositif se voit confier trois missions précises :

• évaluer l'urgence de la situation de la personne ou de la famille concernée 

• proposer « une réponse immédiate » en indiquant l'établissement ou le service où la personne ou la famille peut être accueillie et « organiser sans délai une mise en œuvre effective » en faisant appel notamment aux services publics (tels que la police, par exemple...)  

• tenir à jour l'état des disponibilités d'accueil dans le département.

A cette fin, les structures d'accueil sont tenues dedéclarer périodiquement leurs places vacantes au responsable du dispositif. En outre, lorsqu'elles ne disposent pas de place libre ou ne peuvent proposer de solution adaptée, elles ont l'obligation de renvoyer la personne ou la famille sur le dispositif de veille sociale.

Coordination institutionnelle

La loi renforce également la coordination institutionnelle. Outre la création au niveau national de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, elle prévoit diverses instances à l'échelon départemental.

L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale  (art.153)

Face à l'éclatement des données disponibles en la matière, la loi crée, auprès du ministre chargé des affaires sociales, un Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Lequel est chargé de « rassembler, analyser et diffuser les informations et données relatives aux situations de précarité, de pauvreté et d'exclusion sociale ainsi qu'aux politiques menées en ce domaine ».

Il fera réaliser des études, recherches et évaluations quantitatives et qualitatives en lien étroit avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, institué par l'article 43-1 de la loi du 1er décembre 1988 relative au RMI et qui est d'ailleurs modifié à cette fin. A cet effet, les administrations de l'Etat, les collectivités locales et établissements publics seront tenus, sous réserve de l'obligation de secret, de communiquer à l'observatoire tous les éléments d'information nécessaires.

En outre, l'observatoire « contribue au développement de la connaissance et des systèmes d'information » en liaison avec les banques de données, les organismes régionaux, nationaux et internationaux.

Enfin, chaque année, il devra remettre au Premier ministre et au Parlement un rapport de ses travaux menés aux niveaux national et régionaux, qui sera rendu public.

Sa composition, ses missions et son mode de fonctionnement seront précisés par un décret en Conseil d'Etat.

Cette structure légère - dotée d'un budget annuel de 5 millions de francs - aura, selon l'étude d'impact, le statut de service statistique ministériel  (SSM) avec un conseil d'orientation comportant des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et du monde associatif, ainsi que des personnalités qualifiées de la statistique, la sociologie et l'analyse économique. Les membres du Conseil, tout comme son président, doivent être désignés par le Premier ministre. En outre, afin de mettre en place un réseau de correspondants locaux, il est proposé d'identifier, dans chaque région, une équipe légère rattachée au secrétariat général pour les affaires régionales. Associant les partenaires locaux et s'appuyant notamment sur la direction générale de l'INSEE, la DRASS et la DRTEFP, celle-ci définirait un programme de travail régional sur le thème « pauvreté-précarité-exclusion ». Programme dont le conseil économique et social régional serait également partie prenante. Bénéficiant de personnels mis à disposition et de crédits d'études, ces structures légères pourraient être mises en place progressivement. Et à l'échéance du programme triennal, la moitié des régions pourraient en être dotées (Rap. Sén. n° 450, Seillier).

Représentation des associations de lutte contre l'exclusion aux CCAS

L'article 150 de la loi modifie l'article 138 du code de la famille et de l'aide sociale en ajoutant à la liste des membres nommés au conseil d'administration des CCAS « un représentant des associations qui œuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre les exclusions ».

La commission départementale de l'action sociale d'urgence (art.154)

Sur un amendement du gouvernement, l'Assemblée nationale a inscrit dans la loi, l'installation, dans le cadre d'une convention signée entre le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général, d'une commission de l'action sociale d'urgence. Composée, notamment, de représentants de l'Etat, du conseil général, des communes, des caisses d'allocations familiales ou de tout autre organisme concerné (par exemple les Assedic), celle-ci assure la coordination des dispositifs allouant des aides, en particulier financières, aux personnes en grande difficulté.

Le gouvernement entend ainsi tirer les conséquences de la mise en place cet hiver des fonds départementaux d'urgence sociale. La circulaire du 30 juillet du ministère de l'Emploi et de la Solidarité impose d'ailleurs de remplacer ces derniers par les commissions de l'action sociale d'urgence. Il s'agit « de coordonner les dispositifs d'aide et de secours existants et d'assurer au demandeur, quel que soit le point d'entrée qu'il choisit, soit une réponse immédiate si l'institution saisie est celle qui est concernée, soit une transmission de son dossier à la commission, qui devra trouver le bon interlocuteur pour apporter l'aide d'urgence ou une réponse plus structurelle »   (1).

Le comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions (art.155)

Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale sur un amendement du gouvernement, puis supprimé par le Sénat, le principe de ce comité a finalement été retenu. L'utilité d'un tel dispositif a donc été fortement débattue.

COMPOSITION

Présidé par le représentant de l'Etat dans le département, ce comité, dont la composition, les missions et les modalités de fonctionnement seront fixées par un décret qui ne devrait pas paraître avant l'an prochain, se réunit au moinsdeux fois par an. Il rassemble le président du conseil général, des représentants des collectivités territoriales, des administrations ainsi que des membres de nombreuses instances : conseil départemental d'insertion, commission de l'action sociale d'urgence, comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, conseil départemental de l'insertion par l'activité économique, comité responsable du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, conseil départemental de prévention de la délinquance, conseil départemental d'hygiène, commission de surendettement des particuliers.

RÔLE

Ce comité établit, sur la base d'un rapport réalisé par le représentant de l'Etat,un diagnostic des besoins. Et il examine leur adéquation aux différents programmes d'action concernant la prévention et la lutte contre les exclusions.

En outre, il formule des propositions visant à :

• favoriser le développement et l'efficacité des politiques départementales correspondantes dans le département 

• renforcer la cohérence des programmes, plans et schémas départementaux et leur coordination lors de leur mise en œuvre dans le ressort géographique le plus approprié à la lutte contre les exclusions.

La loi précise également que le comité peut proposer aux autorités responsables des organismes représentés, des réunions conjointes « pour l'exercice de tout ou partie de leurs compétences », selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

Les conventions locales de coordination (art.156)

De plus, la loi fait obligation aux collectivités territoriales et organismes dont ils relèvent de passer des conventions pour coordonner les interventions des acteursengagés dans la lutte contre les exclusions.

Outre le niveau de territoire pertinent, ces conventions, dont les modalités seront fixées par décret en Conseil d'Etat (qui devrait être publié courant 1999), précisent les objectifs poursuivis et les moyens mis en œuvre.

Ces conventions portent sur :

• la recherche d'une cohérence de l'accompagnement personnalisé. Il s'agit, par une mise en réseau des intervenants, de permettre l'orientation de la personne vers l'organisme le plus approprié ;

• la complémentarité des modes d'intervention collective et des initiatives de développement social local 

• la simplification de l'accès des personnes aux services concernés.

Isabelle Sarazin

Notes

(1)  Voir ASH n° 2081 du 21-08-98.

LES POLITIQUES SOCIALES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur