Le 8 juin dernier, Elisabeth Guigou et Jean-Pierre Chevènement présentaient le plan gouvernemental de lutte contre la délinquance des mineurs, arrêté lors du Conseil de sécurité intérieure du même jour (2). Des orientations qui s'appuyaient notamment sur les conclusions du rapport Lazerges-Balduyck, remis fin avril au Premier ministre (3), et qui prônaient « un juste équilibre » entre prévention et répression. Et ce, sans réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 mais en utilisant toutes les possibilités qu'elle offre « tant en ce qui concerne les mesures éducatives que les sanctions pénales », avaient affirmé les ministres. Traduction directe de ces axes, une circulaire du 15 juillet dernier adressée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République, dans laquelle la ministre de la Justice fixe « les orientations précises qu'elle leur demande de mettre en œuvre ». Lesquelles s'appuient sur les pratiques déjà amorcées dans de nombreuses juridictions, suite à la circulaire du 15 octobre 1991 relative à la politique de protection de la jeunesse et aux recommandations sur le traitement de la délinquance en temps réel (4).
« Les évolutions de notre société, la situation économique, les difficultés d'intégration requièrent des politiques de prévention qui associent [...] tous ceux qui sont à un titre ou à un autre, responsables de cette question » (parents, conseils généraux, Education nationale et évidemment Justice), explique Elisabeth Guigou dans cette circulaire que nous reproduisons. Celle-ci rappelant que la politique pénale des parquets en ce domaine doit être définie dans le cadre des principes juridiques inscrits dans l'ordonnance de 1945, à savoir responsabilité des mineurs, atténuée et graduée selon l'âge, et priorité donnée aux mesures éducatives dans toute sanction. Deux objectifs devant sous-tendre l'action judiciaire : traiter tous les faits de délinquance et ce, rapidement afin de limiter le sentiment d'impunité et prévenir la récidive et assurer une continuité de l'action éducative à l'égard des mineurs qui commettent les actes les plus graves. »
« Il importe de donner des réponses rapides aux premiers faits de délinquance commis par les mineurs afin de prévenir la répétition d'infractions, de leur faire comprendre la portée des actes commis, d'entendre les victimes. »
Les parents devront être convoqués à tous les stades de la procédure, être informés des faits commis et leur responsabilité leur sera rappelée.
Le traitement en temps réel de la délinquance des mineurs doit impérativement être utilisé par tous les parquets dans le respect du principe de spécialisation inscrit à l'article L. 522-6 du code de l'organisation judiciaire.
Il convient de veiller à ce que les services de police et de gendarmerie portent systématiquement à la connaissance des parquets, dans les plus brefs délais et alors que le mineur se trouve encore dans les locaux du service interpellateur, les infractions relevées à l'encontre de celui-ci.
Il y aura lieu, en outre, d'appeler leur attention sur la nécessité qu'ils établissent une notice de renseignements sur la situation familiale et sociale du mineur. Cette demande pourra notamment être adressée aux brigades des mineurs.
Le Conseil de sécurité intérieure a décidé qu'au sein de la police nationale, les compétences des brigades des mineurs seraient réaffirmées à l'égard de la délinquance juvénile s'agissant notamment des violences survenues en milieu scolaire, dans les 26 départements prioritaires (5) [...]. De nouvelles brigades de prévention de la délinquance juvénile de la gendarmerie seront également créées. [...]
J'insiste sur l'importance qui s'attache à une connaissance précise de l'évolution et des caractéristiques de la délinquance juvénile. A cette fin, vous pourrez demander communication des tableaux de bord sur la délinquance relative aux mineurs au correspondant justice désigné au sein des services de police et de gendarmerie. Les magistrats du siège spécialisés, le directeur départemental de la protection judiciaire de la jeunesse, le représentant de l'administration pénitentiaire et les services de police et de gendarmerie doivent être étroitement associés à l'évaluation ainsi réalisée.
Les éléments recueillis à cette occasion pourront être repris dans les travaux de diagnostic de la délinquance des mineurs devant figurer dans les contrats locaux de sécurité et être inscrits à l'ordre du jour des conseils communaux de prévention de la délinquance ainsi que des réunions de travail avec les responsables de l'éducation nationale, du conseil général et de la protection judiciaire de la jeunesse.
Les actes de délinquance commis par des mineurs doivent recevoir une réponse, mais tous ne nécessitent pas la saisine d'un juge des enfants. Entre le classement sans suite par courrier et la saisine du juge des enfants, il existe plusieurs modalités de réponses susceptibles d'être mises en œuvre par le parquet lui-même.
Ce traitement spécifique des procédures doit concerner, en priorité :
des mineurs qui commettent des infractions pour la première fois, qui ne contestent pas leur participation à l'infraction et ne présentent pas de difficultés personnelles justifiant l'intervention d'un service éducatif
des faits qualifiables pénalement mais d'une gravité relative.
Les parquets veilleront à ce que les parents soient systématiquement convoqués à l'occasion de ce traitement des procédures.
1.3.1. Les mesures suivantes pourront être ordonnées :
un simple avertissement délivré par un service de police ou de gendarmerie et notifié au mineur. La décision de recourir à un tel avertissement devra nécessairement relever du parquet et ne concerner que les faits les moins graves. Cette mission peut, pour des raisons de solennité, être confiée à un agent ou un officier de police différent de celui qui a réalisé l'enquête. Cet avertissement sera formalisé par un écrit qui vous sera transmis
un rappel à la loi effectué par le substitut spécialement chargé des affaires de mineurs ou par le délégué du procureur de la République
un classement sous condition (appelé aussi sursis à poursuites )subordonné au respect de certaines obligations. Il convient de rappeler qu'en aucun cas ces obligations, qui doivent avoir un lien avec l'infraction commise, ne sauraient être assimilées à celles d'un contrôle judiciaire et restreindre les libertés fondamentales dont seul le juge peut limiter l'exercice, dans le cadre d'une procédure contradictoire
une mesure de réparation en application de l'article 12-1 de l'ordonnance du 2 février 1945. La réparation est une mesure particulièrement adaptée aux infractions commises par les mineurs : elle leur permet d'appréhender leur propre responsabilité, de comprendre la portée de leurs actes à l'égard de la victime et de la société. En outre, les collectivités locales, les organismes publics (transporteurs, bailleurs...) ou privés peuvent être associés à sa mise en œuvre. Cette mesure devra être inscrite dans les contrats locaux de sécurité ainsi qu'à l'ordre du jour des conseils communaux de prévention de la délinquance afin de mobiliser les différents partenaires. Les directeurs départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse seront chargés de définir avec les juridictions les moyens nécessaires à la prise en charge de cette mesure qui doit être confiée soit au secteur public soit au secteur associatif habilité de la protection judiciaire de la jeunesse. Ils feront connaître à la chancellerie les dispositions à prendre dans chaque ressort.
1.3.2. Il est constant que la plupart des parquets ne peuvent, en l'état de leurs moyens, assurer seuls la mise en œuvre de réponses aussi diverses et nombreuses. Il est aussi apparu important d'associer plus largement les citoyens comme cela est déjà le cas pour les assesseurs des tribunaux pour enfants.
Aussi, pourra-t-il être fait appel à des délégués du procureur de la République qui seront chargés de mettre en œuvre, à la demande des magistrats du parquet et sous leur contrôle, les mesures de rappel à la loi, de classement sous condition et de proposer, aux mineurs et à leurs parents, les mesures de réparation dans l'intérêt de la victime ou de la collectivité.
Les délégués du procureur recevront l'auteur des faits, ses parents et, le cas échéant, la victime. Ils leur notifieront la décision judiciaire, s'assureront de l'exécution de l'obligation mise à la charge du mineur dans le cadre d'un classement sous condition et rendront compte de l'exécution de leur mission au magistrat du parquet qui les a mandatés et qui appréciera seul la suite à donner à la procédure.
Ils interviendront, chaque fois que possible, dans les maisons de justice et du droit. Ces dernières permettent en effet de mieux faire connaître et comprendre aux collectivités locales et à la population concernée, les politiques judiciaires conduites à l'égard de la délinquance juvénile. C'est pourquoi vous devez veiller dans vos ressorts, chaque fois que cela est possible, à une telle organisation territoriale qui rapproche la justice des citoyens.
Dans l'hypothèse où une mesure de réparation sera décidée, les délégués recueilleront, à la demande du magistrat du parquet, l'accord du mineur, des parents et, le cas échéant, de la victime préalablement à sa mise en œuvre. Le magistrat saisira le service compétent pour l'exercice de cette mesure.
Les délégués du procureur seront recrutés parmi des personnes ayant montré de l'intérêt pour les questions de l'enfance et, si possible, exerçant ou ayant exercé des fonctions en relation directe avec la jeunesse et ce, après avis des juges des enfants. Si la candidature d'anciens assesseurs des tribunaux pour enfants pourra être retenue, l'exercice simultané des fonctions d'assesseur et de délégué du procureur de la République, au sein d'une même juridiction, paraît incompatible. Ils seront habilités par l'assemblée générale du tribunal, sur le fondement des articles D. 15-1 et suivants du code de procédure pénale.
Une formation, dont les modalités seront prochainement définies, leur sera assurée.
Leur rémunération, fondée sur l'article R. 121 du code de procédure pénale, devra, compte tenu de la nature des missions exercées par ces collaborateurs de la justice, être encadrée dans des limites préalablement définies par les procureurs.
La délinquance juvénile se concrétise par une répétition d'infractions pendant l'adolescence. C'est pourquoi, il importe de s'assurer, d'une part, de réponses rapides, d'autre part, de la cohérence et de la continuité des interventions à l'égard des mineurs.
Les études récentes montrent également que nombre de mineurs participent à des réseaux de recel et à des trafics divers. Aussi, vous devez demander aux services de police et de gendarmerie de poursuivre leurs investigations, chaque fois que cela est possible, afin que soient également identifiés les auteurs de trafics qui sont, pour la plupart, de jeunes majeurs.
Les lois des 8 février 1995 et 1er juillet 1996 qui ont introduit notamment les articles 5, alinéa 3 à 6 et 8-1 dans l'ordonnance du 2 février 1945 ont permis de réduire considérablement les délais entre l'interpellation du mineur et sa comparution devant le juge des enfants. C'est le cas en particulier de la convocation par officier ou agent de police judiciaire, aux fins de jugement en chambre du conseil ou aux fins de mise en examen, qu'il convient désormais de privilégier chaque fois que la saisine du juge des enfants s'impose.
Pour les mineurs réitérants ou auteurs de faits isolés d'une certaine gravité, le défèrement au parquet de la juridiction siège du tribunal pour enfants devra être privilégié. Une telle pratique, qui permet le cas échéant la mise en œuvre rapide de mesures éducatives, ne doit pas, en effet, être réservée aux seuls cas où un mandat de dépôt ou une autre mesure de sûreté est envisagé.
En outre, il m'apparaît que la saisine du juge d'instruction devra être réservée aux affaires les plus graves ou nécessitant des investigations complexes sur les faits, notamment lorsque l'enquête initiale fait apparaître l'existence de trafics, en particulier de stupéfiants dans lesquels les mineurs sont de plus en plus impliqués et instrumentalisés. La spécialisation effective du juge d'instruction, prévue par l'article L. 522-6 du code de l'organisation judiciaire, constitue une garantie essentielle pour les mineurs, reconnue par le Conseil constitutionnel et devra être réalisée, quand cela n'est pas le cas.
Enfin, je vous rappelle qu'aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 2/2/45, la consultation du SEAT est obligatoire lorsque le parquet envisage de requérir un mandat de dépôt ou la prolongation de la détention provisoire ou quand il entend recourir aux procédures de convocation par agent ou officier de police judiciaire aux fins de jugement ou de comparution à délai rapproché.
Les parquets veilleront à prendre régulièrement l'attache des directeurs départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse afin de tenir compte des capacités de ce service et de définir avec eux et en concertation avec les magistrats du siège des priorités.
2.2.1. Apporter une réponse pénale adaptée rend souvent nécessaire une évaluation approfondie de la personnalité du mineur, de son environnement. Or, il apparaît que les mesures d'investigation dont disposent les magistrats du siège, conformément à l'article 8 de l'ordonnance du 2/2/45 (enquête sociale, examen médical, médico-psychologique ou mesure d'investigation et d'orientation éducative), sont peu prononcées, notamment à l'égard des mineurs ayant déjà fait l'objet de plusieurs comparutions. Aussi, il vous appartiendra de requérir leur application chaque fois que cela apparaîtra nécessaire.
2.2.2. L'ordonnance du 2 février 1945 permet d'apporter des réponses diversifiées à la délinquance juvénile. Ainsi, la mesure de mise sous protection judiciaire dont les conditions ont été assouplies par la loi du 1er juillet 1996, les mesures de liberté surveillée, de placement et de réparation méritent d'être encouragées. Concernant la mesure de réparation, il convient de rappeler qu'elle peut être prononcée à l'égard de tout mineur, sans limite d'âge pourvu que celui-ci soit doté du discernement suffisant pour que sa responsabilité pénale puisse être retenue. Elle peut aussi être requise à l'égard de mineurs récidivistes et à titre présentenciel.
2.2.3. Il est préférable d'éviter le recours aux peines d'emprisonnement assorties d'un sursis simple, peu compréhensibles pour les mineurs. En revanche, le travail d'intérêt général, pour lequel une offre plus importante de postes devra être suscitée, notamment dans le cadre des contrats locaux de sécurité et l'ajournement de peine constituent des outils particulièrement adaptés à l'égard des mineurs.
S'agissant de la peine d'emprisonnement avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve, je vous rappelle que, pour les mineurs, sa mise en œuvre doit être confiée aux services de la protection judiciaire de la jeunesse. Cependant, le juge des enfants peut également la confier aux services pénitentiaires d'insertion et de probation lorsque la peine est mise à exécution après la majorité de l'intéressé.
Lorsqu'une peine privative de liberté est prononcée, il convient de s'assurer de l'effectivité de son exécution et ce, dans les meilleurs délais. En effet, une mise à exécution tardive, parfois plusieurs mois après son prononcé, restera incomprise. De surcroît, elle risque de compromettre les projets éducatifs ou d'insertion scolaire ou professionnelle du mineur. A ce titre, il conviendra, comme le soulignait déjà la circulaire du 15 octobre 1991 relative à la politique de protection judiciaire de la jeunesse et au rôle des parquets, d'apurer définitivement l'ensemble de la situation pénale d'un mineur incarcéré.
2.3.1. Les mesures de liberté surveillée préjudicielle et de contrôle judiciaire
Les modalités de prise en charge de ces mesures feront l'objet d'orientations adressées aux services de la protection judiciaire de la jeunesse.
Pour les mineurs qui sont déscolarisés, sans possibilité d'insertion, l'exercice de ces mesures s'appuiera sur les centres d'accueil de jour qui devront se trouver au centre des dispositifs départementaux de prises en charge.
2.3.2. Le placement des mineurs
L'accueil d'urgence constitue souvent l'une des difficultés majeures auxquelles les juridictions pour mineurs sont confrontées quand le placement du mineur s'avère nécessaire, en raison de sa personnalité ou de la gravité des faits commis.
Les directeurs départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse seront chargés de :
mettre en place, dans chaque département prioritaire, une cellule de coordination de l'accueil d'urgence associant des représentants du secteur associatif et de l'aide sociale à l'enfance, en concertation avec les magistrats des juridictions pour mineurs
réexaminer les projets départementaux dès septembre 1998, en liaison avec les juridictions afin de mieux déterminer les réponses en adéquation aux besoins
coordonner l'accueil et le suivi des mineurs qui font l'objet d'un éloignement afin d'éviter toute rupture dans leur prise en charge
diversifier les modalités d'accueil en développant notamment des capacités d'accueil en placement familial, en s'attachant à l'accueil des moins de 16 ans et en permettant des accueils de rupture.
La carte pénitentiaire des établissements habilités à l'accueil de mineurs sera réexaminée et de nouveaux quartiers, d'environ 20 places, réservés aux mineurs et jeunes majeurs, seront créés ou aménagés, en priorité en Ile-de-France. Par ailleurs, la prise en charge des mineurs incarcérés sera améliorée grâce au renfort de personnels médicaux, socio-éducatifs et d'enseignants.
En outre, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse assureront un “tutorat éducatif” permettant la mise en œuvre, à l'égard des mineurs incarcérés, d'un suivi permanent, exercé, autant que possible, par le même éducateur quel que soit le nombre et le lieu des incarcérations.
Par ailleurs, je vous demande de participer activement, là où elles existent, aux commissions de suivi de l'incarcération des mineurs qui ont fait suite à la circulaire du 4/2/94 relative au régime de détention des détenus mineurs. S'agissant de ces commissions, il convient de différencier celles ayant une vocation plus institutionnelle de celles au sein desquelles sont abordées des situations concrètes et individuelles. Là où elles n'existent pas encore, le parquet des mineurs devra, conjointement avec le juge des enfants, le juge de l'application des peines, les services déconcentrés de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, œuvrer à leur mise en place. Ces commissions peuvent aussi s'attacher à définir les conditions locales favorisant l'essor des mesures d'aménagement de peines au bénéfice des mineurs condamnés à une peine privative de liberté qui sont, à ce jour, quasi inexistantes.
Je tiens, à cet égard, à rappeler l'importance pour le parquet des mineurs de conserver sa compétence jusqu'au stade de l'exécution des peines. Ainsi, il appartiendra au substitut spécialement chargé des affaires de mineurs de participer aux commissions d'application des peines dès lors qu'elles concernent un mineur. Il veillera, dans ce cas, à ce que le service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse participe à cette commission comme le permet l'article D. 117-1 alinéa 2 du code de procédure pénale. Il s'assurera, en outre, du respect par le juge de l'application des peines de l'article D. 519 alinéa 2 du code de procédure pénale relatif au recueil de l'avis du juge des enfants avant le prononcé d'une mesure d'aménagement de peine.
Vous vous assurerez du strict respect des articles 8-1,8-2, et 13 de l'ordonnance du 2/2/45, relatifs à la défense du mineur pendant la garde à vue, la phase d'instruction et de jugement.
Ainsi que le permet l'article 91 du décret du 19 décembre 1991, vous encouragerez la conclusion de protocoles auxquels devront être associés, outre le bâtonnier de l'ordre des avocats, les magistrats de la jeunesse du siège et du parquet et les avocats spécialisés en matière de défense des mineurs. Il est utile de préciser que ces protocoles, actuellement au nombre de 30, permettent une rétribution de l'avocat d'un montant de 20 % supérieur au montant ordinaire de l'aide juridictionnelle afin, notamment, de favoriser la continuité de la défense du mineur par le même avocat, d'un bout à l'autre de la procédure.
Le Conseil de sécurité intérieure ainsi que les conclusions de la conférence de la famille ont unanimement souligné l'importance de l'implication des parents dans l'éducation de leur enfant.
Par ailleurs, l'accent doit être mis sur les partenariats susceptibles d'être développés.
3.1.1. Associer systématiquement les parents à toutes les procédures impliquant leur enfant mineur
Je vous rappelle que l'article 10 alinéa 2 de l'ordonnance du 2/2/45 prévoit la convocation simultanée, quelles que soient les procédures de comparution, du mineur, de ses parents, de son tuteur, de la personne qui en a la garde ou son représentant ils doivent, de plus, être tenus informés de l'évolution de la procédure.
Dans le même sens, au stade de la garde à vue, toute diligence devra être effectuée par les services enquêteurs afin que les représentants légaux du mineur et personnes ou services à qui il a été confié soient prévenus et entendus dans les meilleurs délais et, qu'en fonction des circonstances et sauf nécessité de l'enquête, le mineur puisse être entendu en leur présence et remis entre leurs mains à l'issue de la procédure.
Lorsque les parents du mineur sont séparés, je vous demande de veiller à ce que le père et la mère soient systématiquement convoqués au cours de la procédure et non pas seulement le parent qui héberge l'enfant.
3.1.2. Veiller à l'utilisation conforme à l'intérêt des mineurs des prestations familiales
Les parquets veilleront à saisir le juge des enfants dès lors qu'il apparaîtra, dans le cadre d'une enquête, que le mineur est “élevé dans des conditions d'alimentation, de logement et d'hygiène manifestement défectueuses ou que le montant des prestations n'est pas employé dans son intérêt”, conformément à l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale.
3.1.3. Sanctionner les comportements délibérés qui mettent les enfants en danger
Les faits commis par les parents, susceptibles d'être qualifiés de recel, doivent faire l'objet d'investigations et, le cas échéant, de poursuites lorsqu'ils font apparaître des pratiques délictueuses caractérisées de leur part.
Dans les cas où les parents se soustraient sans motif légitime à leurs obligations légales au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité de leur enfant mineur, des poursuites pourront être envisagées à leur encontre, conformément à l'article 227-17 du code pénal. Elles constitueront l'ultime recours pour sanctionner les parents défaillants. Pour l'application de cet article, il y a lieu de rappeler la nécessité d'établir un lien de causalité direct entre la conduite des parents, définie comme la soustraction sans motif légitime à leurs obligations légales et ses conséquences sur la moralité, la sécurité ou l'éducation du mineur.
Il conviendra également de mener une politique pénale très ferme à l'égard des parents qui détiennent des armes en infraction à la législation en vigueur.
Par ailleurs, je vous demande de veiller à ce que soient sanctionnés les délits de provocation directe des mineurs à commettre des infractions pénales ou à adopter certains comportements (consommation excessive de boissons alcoolisées, usage ou trafic de produits stupéfiants...), réprimés par les articles 227-18 à 227-21 du code pénal de même qu'à une application stricte de l'article 227-24 du code pénal de nature à préserver les mineurs de la diffusion des messages à caractère violent ou pornographique.
Une action efficace en direction des mineurs suppose le développement d'un partenariat entre la justice et les différents acteurs concernés.
3.2.1. Les conseils généraux
Le système français de protection de l'enfance est caractérisé par son dualisme.
Le président du conseil général est compétent, en vertu de l'article 40 du code de la famille et de l'aide sociale, pour l'organisation d'actions globales de soutien aux mineurs et à leur famille et de prévention de l'inadaptation sociale, le juge des enfants intervenant, quant à lui, exclusivement à l'égard des mineurs en danger.
Je vous rappelle qu'il convient de saisir les juges des enfants uniquement lorsque les conditions de l'article 375 du code civil sont remplies et de renvoyer le traitement des autres situations au conseil général.
A cet égard, il est indispensable de distinguer les situations d'absentéisme scolaire particulièrement grave, qui révèlent un danger pour les mineurs et nécessiteront probablement la saisine du juge des enfants en assistance éducative, et les autres situations d'absentéisme qui doivent être orientées vers les conseils généraux, compétents en matière de prévention.
Surtout, il convient d'organiser, avec les présidents des tribunaux de grande instance, les juges des enfants et les directeurs départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse, des rencontres régulières avec les présidents des conseils généraux. Elles auront pour objet de préciser les domaines d'intervention respectifs, d'améliorer l'information réciproque des autorités judiciaires et des services de l'aide sociale à l'enfance, d'insister sur la mise en place d'actions de prévention et de dépistage précoce des situations à risque et d'évoquer, le cas échéant, les difficultés rencontrées dans le financement des mesures judiciaires.
A cet égard, j'attache une importance particulière à l'élaboration, là où ils n'existent pas encore, de schémas départementaux conjoints.
3.2.2. Les villes
En lien avec les préfets, vous veillerez à ce que les contrats locaux de sécurité comportent un volet spécifique relatif à la délinquance des mineurs conformément à la circulaire du 5 janvier 1998 et aux décisions du Conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998. Ce volet “délinquance des mineurs” pourra prévoir éventuellement, après qu'elle ait été discutée au sein du conseil communal de prévention de la délinquance, l'élaboration de conventions particulières précisant les actions conjointes pouvant être menées dans la commune avec l'appui de la municipalité et des associations locales pour la prise en charge des mineurs délinquants : notamment dispositif de soutien aux parents en lien avec l'école, contrat de prévention en faveur des jeunes à l'école et actions post et périscolaires.
Dans ce cadre, doivent être également associés les entreprises de transport en commun, les bailleurs institutionnels, les dirigeants de grandes surfaces dont les actions peuvent concerner directement la prévention de la délinquance.
Par ailleurs, certains quartiers, dans lesquels la délinquance des mineurs apparaît justifier des efforts soutenus, nécessitent la création, expérimentée avec succès par plusieurs parquets, d'un groupe local de traitement de la délinquance. Cette instance, qui se réunit fréquemment, constitue un lieu d'échange privilégié sur la vie d'un quartier et de mise en cohérence des différentes actions entreprises par les institutions qui y sont représentées. Elle pourra être le lieu d'une définition d'actions de prévention en direction des mineurs, telle une campagne de sensibilisation contre le racket en milieu scolaire. J'appelle toutefois votre attention sur le fait que l'effort représenté par la constitution d'un tel groupe et le suivi de l'action déterminée en son sein implique sa limitation dans l'espace et dans le temps.
3.2.3. L'Education nationale
Les études les plus récentes mettent en évidence le lien entre déscolarisation, incivilités et faits de délinquance. De même, les violences en milieu scolaire perturbent la scolarité. C'est la raison pour laquelle une circulaire interministérielle, relative à la lutte contre la violence en milieu scolaire et au renforcement des partenariats entre les services ministériels est en cours d'élaboration et vous sera prochainement adressée.
D'ores et déjà cependant, les procureurs de la République demanderont aux substituts des mineurs d'être joints à tout moment pour que leur soient signalées toutes les infractions graves, visant les biens ou les personnes, commises au sein des établissements scolaires afin qu'ils puissent y apporter les réponses les plus adaptées.
La politique pénale à l'égard des mineurs délinquants doit être élaborée en concertation avec les présidents des tribunaux de grande instance, les juges des enfants et les juges d'instruction spécialement chargés des affaires de mineurs et prendre en compte le rôle pivot des juges des enfants, compétents tant en assistance éducative qu'en matière pénale.
Je tiens en outre à ce que la spécialisation d'un ou plusieurs magistrats du parquet à l'égard des mineurs soit effective car elle est la condition de l'efficacité de la politique pénale.
Il est important d'organiser, à l'initiative du parquet ou du tribunal pour enfants, des réunions régulières, au moins une fois par trimestre, entre les juges des enfants, les juges d'instruction, les juges de l'application des peines et les substituts spécialement chargés des affaires de mineurs, le directeur départemental de la protection judiciaire de la jeunesse et le représentant de l'administration pénitentiaire afin de :
partager une connaissance de la délinquance juvénile sur un territoire
coordonner les modalités d'intervention au sein de la juridiction et à l'égard des partenaires
préciser les critères de saisine des juridictions et les modalités d'exécution des décisions.
Il convient de prendre en compte les capacités de chacun des acteurs : parquet, siège, services de la protection judiciaire de la jeunesse (secteur public et secteur associatif habilité), services de l'administration pénitentiaire et de définir des priorités communes.
Les magistrats des parquets généraux, spécialement chargés des affaires de mineurs assureront la cohérence, dans leur ressort, de la politique pénale conduite par les parquets à l'égard des mineurs délinquants.
Je souhaite, par ailleurs, que le rôle des conseillers délégués à la protection de l'enfance et des vice-présidents des tribunaux pour enfants soit développé.
Ils pourront, dès à présent, se voir confier, par les présidents des cours d'appel et par les présidents des tribunaux de grande instance, une mission de coordination de l'activité des juges des enfants de leur ressort. A cet effet, ils pourront réunir régulièrement les juges des enfants, réunions auxquelles pourront être associés les juges d'instruction chargés des affaires de mineurs, le cas échéant après avis du président de la chambre d'accusation.
Ils pourront également avoir pour mission, conformément à l'article R. 791-1 du code de l'organisation judiciaire, de représenter la juridiction auprès des différents partenaires impliqués, à un niveau local, dans les questions relatives à l'enfance et au sein des commissions non juridictionnelles relatives aux questions de l'enfance (commission-incarcération, conseil départemental de prévention de la délinquance...). Ils pourront être les interlocuteurs respectifs du directeur régional et du directeur départemental de la protection judiciaire de la jeunesse aux fins, notamment, de dresser un bilan régulier des capacités d'exécution des décisions judiciaires existant sur le ressort.
Enfin, les vice-présidents des tribunaux pour enfants pourront organiser, en lien avec les juges des enfants, le service prévisionnel des audiences consacrées aux convocations par officiers ou agents de police judiciaire et en informer le parquet. Leur avis pourra être sollicité à l'occasion de la fixation, en assemblée générale, des dates d'audiences du tribunal pour enfants.
Je souhaite que la politique pénale mise en œuvre en matière de lutte contre la délinquance des mineurs fasse l'objet d'une large communication afin de combattre la perception trop souvent erronée de l'opinion publique que la délinquance juvénile demeure sans réponse. [...] »
(1) Les passages surlignés, le sont par le ministère.
(2) Voir ASH n° 2075 du 12-06-98.
(3) Voir ASH n° 2068 du 24-04-98.
(4) Voir ASH n° 1757 du 1-11-91.
(5) Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Drôme, Eure-et-Loir, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Isère, Loire, Loire-Atlantique, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Rhône, Seine-Maritime, Seine-et-Marne, Yvelines, Var, Vaucluse, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val-d'Oise.