« 54 % des familles pensent que le système éducatif français ne remplit pas sa mission d'intégration des enfants handicapés. » C'est ce que révèle l'enquête nationale sur « la scolarité des enfants et adolescents handicapés en France » dont les résultats ont été rendus publics le jeudi 3 septembre (1). Menée par Déclic, la revue éditée par Handicap International et le Pèlerin Magazine, auprès de 1 020 familles concernées par tous les types de handicap, elle a été réalisée en partenariat avec les associations spécialisées (2). Il est vrai, rappelle l'étude, que le parcours scolaire est très sélectif pour ces enfants (3) :sur dix d'entre eux entrés en maternelle, seuls trois adolescents handicapés sensoriels et un adolescent handicapé moteur auront le baccalauréat. Surtout, l'enquête confirme qu' « à niveau intellectuel équivalent, [ils auront] moins de chance de poursuivre leurs études que les enfants valides ». »
Interrogées sur le parcours de leurs enfants en milieu ordinaire ainsi que sur l`intégration, l'emploi et l'accessibilité, les familles ont néanmoins exprimé une opinion « contrastée et souvent paradoxale » sur l'école qui vient nuancer l'insatisfaction globale sur les capacités d'intégration du système. Ainsi, plus de la moitié des parents pensent que l'intégration de leur enfant à la maternelle « a été bien préparée », sachant que 72 % ont choisi l'école. Et leur jugement sur cette première étape apparaît positif : 85 % ont une très bonne opinion de l'enseignant de la classe et ils apprécient le faible nombre d'interlocuteurs auxquels ils ont affaire. Mais si 42 % sont satisfaits des activités d'éveil proposées, 35 % (surtout les familles de polyhandicapés) « pensent qu` [elles] ne sont pas adaptées au handicap de leur enfant ». Autre ombre au tableau : une minorité seulement de parents ont participé à une réunion d'intégration et moins de la moitié des enfants ont bénéficié d'un projet pédagogique, éducatif et thérapeutique (PPET). En outre, les familles se sentent peu soutenues par les SESSAD ou les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP).
Le passage en primaire constitue un enjeu important, les parents étant pour la première fois confrontés « à la réalité de la mission principale de l'école : l'acquisition d'une formation générale favorisant l'accès au monde du travail », rappelle l'étude. D'où l'importance des réunions d'intégration et des structures d'accompagnement. En primaire, ces dispositifs fonctionnent mieux, selon l'enquête, et le projet pédagogique, éducatif et thérapeutique devient peu à peu la règle, puisque 59 % des enfants intégrés ou accueillis en établissement spécialisé en bénéficient. De fait, la satisfaction des parents est plus nette qu'en maternelle puisqu'ils estiment à 65 % que la scolarisation de leur enfant « a été bien préparée » et que la pédagogie mise en œuvre est correcte (à 62 %). Quant aux difficultés financières induites, peu déclarent en rencontrer à ce stade. Mais lorsqu'elles existent, elles sont d'ordre matériel et organisationnel : transport et aide technique (informatique notamment). A la fin du primaire, 51 % des enfants inscrits initialement en cours préparatoire passent dans le secondaire, sachant que 17 % n'ont pas dépassé le CP. A noter que les parents disent « avoir choisi », en concertation, l'orientation médico-éducative de leur enfant.
Au collège, subitement, tout se passe comme si « l'intégration n'était plus une priorité du système scolaire », déplorent les enquêteurs. Réunions et projets pédagogiques sont moins fréquents et la satisfaction des parents décline. Même le rôle des services médiateurs « ne semble pas perçu par les familles ». Cette situation est d'autant plus préoccupante que « les témoignages concordants de personnes handicapées, aujourd'hui adultes, insistent sur cette étape de la vie où l'individu encore fragile doit faire ses preuves », précisent les auteurs. Une période à l'issue de laquelle un tiers seulement des adolescents passe en seconde.
A partir du lycée, une petite minorité des handicapés sont concernés par la scolarité : les handicapés sensoriels, moteurs, victimes de maladies psychiques ou d'accidents de la vie y sont les seuls représentés. Ce qui explique peut-être « le tableau d'honneur » réservé à cette étape du cursus : une intégration bien préparée pour 86 % des parents, une pédagogie jugée adaptée pour 82 % et des relations avec les autres adolescents perçues comme plutôt bonnes ou très bonnes par 93 % d'entre eux. Quant à l'entrée à l'université, qui concerne 37 % des bacheliers handicapés, elle regroupe « une élite peu représentative » exclusivement composée de handicapés physiques et sensoriels. Leur problématique est donc spécifique, note l'étude, et la commission départementale d'éducation spécialisée (CDES) est ici remplacée par la Cotorep. L'absence, pour la moitié d'entre eux, de tout aménagement matériel facilitant leur accès à l'université, constitue la difficulté majeure qu'ils rencontrent.
Enfin, conclut l`enquête, si tout au long du parcours de leur enfant et quelle que soit l'orientation adoptée, l es parents s'affirment « décisionnaires », il se disent aussi « seuls » face aux soucis et aux équipes éducatives et thérapeutiques. Et la moitié des familles estiment que « la principale difficulté qu'elles rencontrent concerne l'accès à l'information ». Pourtant elles ne sont, en théorie, pas isolées, mais elles « perçoivent mal le rôle des associations » et des CDES. Et si l'enseignement a mis en place « des outils d'intégration théoriques de qualité », leur appli- cation « reste difficile », reconnaissent les enquêteurs.
(1) Enquête réalisée par A2C, en juin 1998 pour le Pèlerin Magazine et Déclic : 14, avenue Berthelot - 69361 Lyon cedex 07 - Tél. 04 78 69 79 23.
(2) L'Apajh, l'APF, la Fondation de France, Ladapt, la Mutuelle intégrance, l'Unafam, l'Unafact, l'Unapei, l'Ufop et Handicap International.
(3) Ils représentent 1,3 % de la population globale scolarisée.