Qu'ont donc en commun ces femmes (elles le sont quasi exclusivement) de l'aide à domicile - travailleuses familiales, aides soignantes, nourrices, aides-ménagères - qui exercent ces métiers variés « derrière lesquels se cachent des travaux connus depuis longtemps » ? En plongée « dans le huis clos des relations de services » telles que les professionnelles les vivent, les trois sociologues et économistes du CEREQ, ont avant tout voulu capter « les communautés de valeurs et d'usage » qui les réunissent. Première observation : les identités professionnelles peinent à se construire pour des employées qui partagent d'abord précarité, bas salaires et absence de perspective de carrière. En outre, « le déficit d'image » qu'elles ressentent serait lié à la confusion entre espace privé et lieu d'exercice professionnel et à « l'absence des principaux critères qui forgent habituellement » la légitimité professionnelle : mixité, salariat à temps plein, visibilité du travail effectué. Mais surtout, toutes expérimentent ce face-à-face délicat avec l'employeur privé inhérent à toute intervention à domicile. Un face-à-face d'autant plus complexe que « les frontières se brouillent » entre les activités qui relèvent d'une logique de maintien à domicile et celles qui relèvent plus de tâches ménagères. Ainsi, les relations avec l'employeur s'établissent encore souvent sur un mode domestique :cooptation, paternalisme, attachement et ressentiments côtoient des sentiments de confiance et d'indépendance. Néanmoins, elles ne sauraient se limiter à ce seul registre, précisent les auteurs. En effet, quand on quitte les activités strictement ménagères, les rapports professionnels évoluent : les aides à la personne évoquent alors, tour à tour, « le caractère infini du besoin d'aide » qui « fonctionne comme un piège », la confrontation à la souffrance et à l'angoisse de l'autre (souvent dépendant) et la dimension éthique du travail d'accompagnement et d'écoute. Autant d'éléments qui permettent l'émergence d'une identité professionnelle distincte des fonctions domestiques plus traditionnelles. Reste alors à bien mesurer les enjeux de la professionnalisation et de la qualité pour l'avenir d'activités qui ont déjà vu doubler leur volume de travail déclaré en dix ans. Dans cette optique, le « gré à gré » ne semble pas le meilleur cadre, estiment les chercheuses. Elles plaident plutôt pour une structuration de l'offre « autour de véritables entreprises de services » et pour « l'élargissement de la vocation du chèque domicile ».
Les aides à domicile - Des emplois en plein remue-ménage - Lise Causse, Christine Fournier, Chantal Labruyère - Ed. Syros -135 F.