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Quand les élèves des villes vont aux champs

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Une quarantaine de jeunes de la banlieue parisienne devraient effectuer leur rentrée scolaire, en internat, dans plusieurs collèges ruraux. C'est ce qu'a annoncé Ségolène Royal, le 20 août, expliquant qu'il s'agit « d'offrir à de bons élèves », en difficultés sociales, « la possibilité de mieux vivre et donc de mieux réussir » . Un dispositif expérimental, basé sur le volontariat, qui pose un certain nombre de questions.

« Il ne s'agit en rien de placer de quelconques prédélinquants à la campagne, mais d'offrir à de bons élèves dont les conditions de vie sont médiocres pour bien travailler, la possibilité de mieux vivre et donc de mieux réussir », a déclaré la ministre déléguée à l'enseignement scolaire, en évoquant, le 20 août, le lancement d'un dispositif d'accueil en internat, dans des collèges ruraux, d'enfants des banlieues en difficultés sociales. Dès la rentrée scolaire, une quarantaine de jeunes de la région parisienne (ils seraient en fait 56) devraient ainsi intégrer, sur la base du volontariat, plusieurs établissements scolaires dont le ministère se refuse à indiquer les noms et les emplacements « afin de ne pas perturber la rentrée ». Il semblerait, en fait, que quatre se trouvent dans la Nièvre, certains parlant également des Deux-Sèvres, département dont la ministre est l'élue.

Qu'entend-on par « difficultés sociales »  ? Qui repère ces jeunes et sur quels critères ? N'y a-t-il pas, avec un tel dispositif, un risque de stigmatisation des jeunes et de leurs familles ? Comment juger du caractère volontaire de la démarche de l'élève ? Celui-ci vivra-t-il bien, sur le long terme, la séparation et quelles seront les conséquences pour sa fratrie ? Le changement brutal de vie, entre la banlieue et le monde rural, ne provoquera-t-il pas des effets négatifs ? Et que signifie de retirer aux collèges des banlieues leurs meilleurs éléments ? Enfin, plus concrètement, les élèves pourront-ils rentrer régulièrement chez eux, comment seront payés les voyages et quel sera le rôle des familles-relais ?L'impression de malaise est d'autant plus forte que Ségolène Royal semble davantage privilégier l'intérêt des collèges ruraux « en voie de désertification », qui seront ainsi « revitalisés », que celui des élèves concernés. En outre, si l'on peut comprendre son souhait d'offrir de meilleures conditions de travail à ces élèves, quel sens cela a-t-il de les envoyer loin de leurs familles qui ne sont, a priori, pas défaillantes (le dispositif ne devant pas concerner des jeunes relevant d'une mesure éducative)  ?

Toutes ces questions, pourtant fondamentales, ne semblent pas inquiéter le cabinet de Ségolène Royal où, manifestement pris de court par les questions des ASH, on se borne à indiquer que les modalités de mise en place du dispositif ne seront rendues publiques qu'en octobre. Seule indication un peu précise : c'est à la suite de différentes rencontres de la ministre, notamment avec le mouvement ATD quart monde, qu'est née cette idée. Laquelle est pourtant fraîchement reçue par son directeur général, Didier Robert, observant que si la question de ces jeunes se pose, « ce n'est pas en les coupant de leur milieu qu'on peut les aider à réussir ».

Interrogées par les ASH, les organisations syndicales se montrent pour le moins perplexes. Au SNASEN-FEN (1), on estime que cette mesure a été prise davantage pour « essayer de soutenir certains internats ruraux » que par souci « d'une réelle efficacité à l'égard de ces élèves ». « D'ailleurs, pourquoi envoyer à la campagne des jeunes qui semblent bien adaptés à leur milieu ? », s'étonnent ses responsables. « Tout ça n'est pas étayé. Pour le moment, aucune préparation n'est engagée au niveau du service social. Et sur le fond, qu'est-ce que cela signifie de déplacer des jeunes de cette façon ? », s'interroge, de son côté, Danielle Atlan, la secrétaire générale du SNUASEN-FSU (2). D'autant, rappelle-t-elle, qu'une expérience similaire, tentée il y a trois ans en Seine-Saint-Denis, avait déjà échoué faute de candidats.

H.M. et J.V.

Notes

(1)  Syndicat national des assistants sociaux de l'Education nationale FEN : 22, rue de Bellechasse - 75007 Paris - Tél. 01 47 05 62 77.

(2)  Syndicat national unitaire des assistants sociaux de l'Education nationale FSU : 3/5, rue de Metz - 75010 Paris - Tél. 01 44 79 90 43.

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