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Prévention, répression des infractions sexuelles et protection des mineurs

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Après la présentation dans nos numéros 2077 et 2078 de la mesure de suivi socio-judiciaire instituée à l'encontre des auteurs d'infractions sexuelles, nous poursuivons l'étude de la loi du 17 juin dernier avec les dispositions visant à une plus grande protection des mineurs victimes. Lesquelles s'articulent autour de deux axes : la création d'un statut des mineurs victimes et le renforcement de la répression des infractions sexuelles commises à leur encontre.

« Si l'on s'en tient aux signalements adressés aux autorités, plus de 300 000 enfants sont chaque année victimes de violences », rappelait Elisabeth Guigou, à l'ouverture du débat parlementaire sur le projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs. Et encore,« ce chiffre ne tient pas compte des violences cachées, de celles que les victimes ne veulent pas ou ne peuvent pas dénoncer ». Des violences qui« ont malheureusement souvent une origine familiale ou bien sont le fait des éducateurs » (J. O. A. N. (C. R.) n° 50 du 1-10-97).

C'est pourquoi, le gouvernement a jugé indispensable de doter la législation pénale française d'un arsenal répressif adapté et spécifique. De nombreuses modifications ont d'ailleurs été apportées à ce droit au cours des dernières années. En 1980, la définition du viol a été élargie et la répression des infractions sexuelles aggravée. En 1989, un régime spécial de prescription des infractions commises sur des mineurs par des personnes ayant autorité, qui concernaient en pratique les faits d'inceste, a été institué. Le nouveau code pénal, adopté en 1992 et entré en vigueur en 1994, a poursuivi cette évolution en aggravant à nouveau les peines encourues en cas de viol. Quant à la loi du 1er février 1994, elle a institué une peine incompressible pour les plus graves des crimes commis sur des mineurs.

Outre d'instituer un suivi socio-judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles (voir ASH n° 2077 du 26-06-98, page 17 et n° 2078 du 3-07-98), la loi du 17 juin dernier complète à nouveau notre législation par des dispositions renforçant la protection des victimes d'infractions sexuelles et, notamment des victimes mineures, particulièrement vulnérables. Ces dispositions, qui concernent tant le droit pénal que la procédure pénale ou administrative, font l'objet du titre II de la loi et s'articulent autour de deux axes. Le premier dote les victimes mineures d'un « statut juridique » afin de renforcer la défense de leurs intérêts dans le cadre d'une procédure pénale, tandis que le second vise à mieux prévenir et réprimer les atteintes sexuelles commises à leur encontre. Des dispositions ont également été intégrées pour tenir compte des violences particulières subies en milieu scolaire, qu'elles touchent les élèves, pour la plupart mineurs, ou les étudiants. Il en est ainsi, par exemple, du délit spécifique de bizutage.

L'ensemble de ces mesures permet également à la France de se mettre en conformité avec ses engagements internationaux, comme la Convention internationale des Nations unies du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, les articles 34 et 36 de la Convention internationale des droits de l'Enfant du 20 novembre 1989 relatifs à la protection contre l'exploitation sexuelle, l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants, ainsi qu'à toute forme d'exploitation et, plus récemment, la déclaration et le plan d'action adoptés par de nombreux Etats, dont la France, au congrès de Stockholm.

Plan du dossier

Première partie : le suivi socio-judiciaire

Dans notre numéro 2077 du 26 juin 1998, page 17 :

• Les personnes susceptibles d'être condamnées

• La condamnation

• Les effets du suivi socio-judiciaire
Dans notre numéro 2078 du 3 juillet 1998, page 21 :

• L'exécution du suivi socio-judiciaire

• Le relèvement

• Les dispositions diverses

Deuxième partie : la protection des mineurs victimes

Dans ce numéro :

• L'instauration d'un « statut du mineur victime »
- Les droits de la défense -  La prise en charge médicale des mineurs victimes

• Le renforcement de la répression des atteintes sur des mineurs
- De nouvelles incriminations
Dans un prochain numéro :

• Le renforcement de la répression des atteintes sur des mineurs  (suite)

• Les dispositions diverses

L'instauration d'un « statut du mineur victime »

Un nouveau titre est inséré dans le livre IV du code de procédure pénale relatif aux procédures particulières. Intitulé « De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes », il comporte huit articles. Ces dispositions visent à renforcer les droits des mineurs victimes d'atteintes sexuelles, qu'il s'agisse des droits de la défense proprement dits ou de leur prise en charge médicale.

Les droits de la défense

La loi renforce la défense des mineurs victimes. Objectif affiché : limiter le plus possible le caractère traumatisant de la procédure judiciaire, tout en assurant l'efficacité de leurs droits.

LA DÉSIGNATION D'UN ADMINISTRATEUR AD HOC (art. 706-50 et 706-51 nouveaux du CPP)

Une désignation obligatoire

Est rendue obligatoire la désignation par le procureur de la République ou le juge d'instruction saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, d'un administrateur ad hoc pour assister le mineur victimelorsque la protection des intérêts de ce dernier n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. Celui-ci assure la protection des intérêts du mineur et exerce, s'il y a lieu, au nom de celui-ci, les droits reconnus à la partie civile. En cas de constitution de partie civile, le juge fait désigner un avocat d'office pour le mineur s'il n'en a pas déjà été choisi un.

Ces mesures sont applicables devant la juridiction de jugement.

Les modalités de désignation

L'administrateur ad hoc est désigné par le magistrat compétent, soit parmi les proches de l'enfant, soit sur une liste de personnalitésdont les modalités de constitution seront fixées par décret en Conseil d'Etat. Lequel précisera également les conditions de leur indemnisation.

LA RECEVABILITÉ DE LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE CERTAINES ASSOCIATIONS

L'accord du juge des tutelles (art. 2-2 modifié du CPP)

L'article 2-2 du code de procédure pénale permet, dans sa rédaction actuelle, aux associations ayant pour objet statutaire de lutter contre les violences sexuellesd'exercer les droits reconnus à la partie civile pour certaines infractions : meurtre ou assassinat, tortures ou violences, agressions ou atteintes sexuelles...

Toutefois, la recevabilité de cette action est subordonnée à l'accord de la victime ou, si celle-ci est mineure, du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal. « S'il est tout à fait justifié que l'action publique ne puisse pas être mise en mouvement sans l'accord de la victime, l'intervention de son représentant légal paraît plus contes table », note Frédérique Bredin, dans son rapport à l'Assemblée nationale : « En effet, [il] peut, par opposition d'intérêt - notamment en cas d'inceste - ou même simple désintérêt, refuser son accord » (Rap. A. N. n° 228, Bredin).

Répondant à l'objection de Frédérique Bredin, les parlementaires ont voté une disposition prévoyant que si le représentant légal ne donne pas son accord, ce dernier pourra être demandé au juge des tutelles, étant précisé qu'aucune autorisation n'est nécessaire en cas d'inceste ou de « tourisme sexuel ».

La défense des mineurs victimes d'atteintes sexuelles (art. 2-3 modifié du CPP)

L'article 2-3 du code de procédure pénale permet aux associations régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans à la date des faits et ayant pour objet « de défendre ou d'assister l'enfance martyrisée » d'exercer les droits reconnus à la partie civile en cas de tortures ou d'actes de barbarie, de violences, d'agressions sexuelles ou d'infractions mettant en péril des mineurs lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.

La loi ouvre explicitement le droit de se constituer partie civile aux associations dont l'objet statutaire est de défendre ou d'assister « les mineurs victimes d'atteintes sexuelles ».

LA POSSIBILITÉ D'ENREGISTRER L'AUDITION DU MINEUR VICTIME

L'enregistrement de l'audition (art. 706-52 nouveau du CPP)

Le principe d'un enregistrement sonore ou audiovisuel

A l'image de ce qui existe déjà dans certains pays européens (Angleterre, Belgique, Danemark...) et nord-américains, en particulier au Canada, les parlementaires ont inscrit dans le code de procédure pénale la possibilité d'un enregistrement sonore ou audiovisuel des auditions de mineurs victimes d'infractions sexuelles. L'objectif est de dispenser l'enfant de répéter indéfiniment des sévices subis,« alors que tout le monde s'accorde à reconnaître le caractère traumatisant de telles auditions » (Rap. A. N. n° 228, Bredin).

Ainsi, au cours de l'enquête et de l'information, l'audition d'un mineur victime d'une infraction sexuelle fait l'objet, avec son consentement ou, s'il n'est pas en état de le donner, celui de son représentant légal, d'un enregistrement audiovisuel. Celui-ci peut être exclusivement sonore si le mineur ou son représentant légal en fait la demande.« Le consentement du mineur ou de son représentant légal est essentiel dans la mesure où les principales réticences vis-à-vis de ce nouveau procédé portent sur l'opportunité de filmer des enfants qui eux-mêmes ont parfois fait l'objet de photos ou de vidéos de la part de leurs tortionnaires », souligne Frédérique Bredin (Rap. A. N. n° 228, Bredin).

Lorsque le procureur de la République ou le juge d'instruction décide de ne pas procéder à cet enregistrement, cette décision doit être motivée.

Les conditions de l'enregistrement

Celui-ci est effectué par une personne qualifiée requise par le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête ou agissant sur commission rogatoire. Cette personne qualifiée -« cameraman professionnel ou policier formé aux techniques audiovisuelles » (Rap. A. N. n° 228, Bredin) - devra prêter serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et conscience et sera tenue au secret professionnel. Les locaux utilisés seront fonction des moyens matériels disponibles et pourront être aussi bien des salles de commissariats que l'antenne de l'aide sociale à l'enfance, précise le rapport parlementaire.

Les modalités de la consultation

Une copie de l'enregistrement est établieaux fins d'en faciliter la consultation ultérieure au cours de la procédure. Elle est versée au dossier tandis que l'enregistrement original est placé sous scellés fermés.

Sur décision du juge d'instruction, l'enregistrement peut être visionné ou écouté au cours de la procédure. Sa copie peut toutefois être visionnée ou écoutée par les parties, les avocats ou les experts, en présence du juge d'instruction ou d'un greffier.

Si les avocats ne peuvent se faire délivrer à leurs frais la copie de l'enregistrement, et transmettre ainsi une reproduction à leur client, la loi prévoit toutefois qu'elle puisse être visionnée par les avocats des parties au palais de justice dans des conditions qui garantissent la confidentialité de cette consultation.

A l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement et sa copie sont détruits dans le délai de un mois.

Les peines encourues

Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement ou une copie est puni de un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende.

L'entrée en vigueur

Ces nouvelles dispositions s'appliqueront au plus tard le 1er juin 1999.

La présence d'un tiers lors de l'audition d'un mineur victime d'infraction sexuelle (art. 706-53 nouveau du CPP)

L'article 706-53 du code de procédure pénale permet la présence d'un tiers lors des auditions pour assister le mineur victime d'une infraction sexuelle.

Ainsi, au cours de l'enquête ou de l'information, les auditions ou confrontations d'un mineur victime de l'une des infractions sexuelles mentionnées à l'article 706-47 du CPP (1) sont réalisées sur décision du procureur de la République ou du juge d'instruction, le cas échéant à la demande du mineur ou de son représentant légal, en présence soit :

• d'un psychologue ou d'un médecin spécialistes de l'enfance 

• d'un membre de la famille du mineur 

• de l'administrateur ad hoc 

• d'une personne chargée d'un mandat du juge des enfants.

LA MOTIVATION DES DÉCISIONS DE CLASSEMENT SANS SUITE (art. 40 modifié du CPP)

Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il avise le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée.

Dans le souci d'assurer une meilleure information du plaignant en cas de décision de classement sans suite, l'Assemblée nationale avait voté en première lecture un article prévoyant que l'information de ce dernier et, si elle est identifiée, de la victime, se ferait par écrit. Considérant que l'information du plaignant dans ce cas relève d'une démarche plus générale - la motivation ayant d'ailleurs été proposée par la commission de réflexion sur la justice présidée par Pierre Truche (2)  - le Sénat avait supprimé cet article ne souhaitant pas qu'une réforme globale de ces règles soit entreprise dans le cadre d'un texte sur les infractions sexuelles concernant les mineurs.

Se ralliant à la position sénatoriale, la commission mixte paritaire a écarté toute mesure générale, estimant en effet qu'une modification des règles de classement ne peut être envisagée qu'en lien avec la réforme du parquet, récemment présentée par Elisabeth Guigou (3). Dans cette attente, elle a donc décidé que l'avis de classement sans suite devait être motivé et notifié par écrit seulement pour les infractions suivantes commises contre un mineur :

• le viol et les autres agressions sexuelles, y compris l'exhibition (art. 222-23 à 222-32 du CP) 

• la corruption de mineur (art. 227-22 du CP) 

• la diffusion de l'image pornographique d'un mineur (art. 227-23 du CP) 

• la diffusion d'un message à caractère violent ou pornographique susceptible d'être perçu par un mineur (art. 227-24 du CP) 

• les atteintes sexuelles sans violence(art. 227-25 à 227-27 du CP).

La prise en charge médicale des mineurs victimes

La loi prévoit la possibilité pour le mineur victime d'une infraction sexuelle de faire l'objet d'une expertise médico-psychologique. Laquelle pourra éventuellement donner lieu à des traitements pris en charge par l'assurance maladie.

UNE EXPERTISE MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE DES MINEURS VICTIMES D'INFRACTIONS SEXUELLES (art. 706-48 nouveau du CPP)

Les mineurs victimes d'infractions sexuelles peuvent faire l'objet d'une expertise médico-psychologique destinée à apprécier la nature et l'importance du préjudice subi et à établir si celui-ci rend nécessaires des traitements ou des soins appropriés. Un telle expertise pouvant être ordonnée dès le stade de l'enquête par le procureur de la République.

A l'origine, le projet de loi faisait de cette expertise une obligation, donnant toutefois expressément au juge d'instruction ou au président du tribunal la possibilité de décider, par ordonnance motivée, de dispenser le mineur de cette formalité. Finalement, les parlementaires ont modifié la rédaction de l'article 706-48 du code de procédure pénale pour ne faire de cette expertise qu'une possibilité, « permettant ainsi de[l']éviter, là où ce n'est pas obligatoire, ni nécessaire à l'enquête et à la procédure judiciaire, [...], sachant que ces expertises sont parfois très traumatisantes » (J. O. A. N. (C. R.) n° 6 du 21-01-98).

LA PRISE EN CHARGE DES SOINS PAR L'ASSURANCE MALADIE (art. L. 322-3 modifié du code séc. soc.)

Reprenant une proposition émise par les associations d'aide aux victimes et à leurs familles, et traduite dans un avis de la commission des droits de l'Homme, les parlementaires ont décidé d'étendre à tous les mineurs victimes d'abus sexuels la possibilité de bénéficier d'un remboursement intégralpar l'assurance maladie de soins qui leur sont dispensés à la suite de ces sévices. Sont donc pris en charge les soins consécutifs aux sévices subis par le mineur victime :

• d'un viol ou d'une autre agression sexuelle, y compris l'exhibitionnisme 

• de corruption de mineur 

• de la diffusion de son image présentant un caractère pornographique 

• de la diffusion d'un message violent ou pornographique 

• d'une atteinte sexuelle.

Selon une première estimation, le secrétariat d'Etat à la santé a évalué entre 42, 75 et 56, 43 millions de francs le coût sur 3 ans de cette prise en charge. Une dépense estimée sur la base de 15 000 bénéficiaires sur les 3 années.

A noter : cette disposition n'est pas applicable dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte, le code de la sécurité sociale n'y ayant pas été étendu.

L'information du juge des enfants en cas de procédure d'assistance éducative (art. 706-49 nouveau du CPP)

Afin d'assurer une meilleure protection des mineurs en difficulté, il est désormais prévu que le procureur de la République ou le juge d'instruction informe sans délai le juge des enfants de l'existence d'une procédure concernant un mineur victime d'une infraction sexuelle et lui en communique toutes pièces utiles, dès lors qu'une procédure d'assistance éducative a été ouverte à son égard.

Le renforcement de la répression des atteintes sur des mineurs

La protection des mineurs victimes passe également par le renforcement de la répression des atteintes sexuelles commises à l'encontre des mineurs.

De nouvelles incriminations

De nouvelles incriminations sont créées :l'interdiction de mise à disposition de certains documents aux mineurs et un délit spécial de bizutage.

L'INTERDICTION DE MISE À DISPOSITION DE CERTAINS DOCUMENTS AUX MINEURS (art. 32 à 39 de la loi)

Actuellement, la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse permet au ministère de l'Intérieur d'interdire la vente aux mineurs ou la publicité des publications dont le contenu présente un danger pour la jeunesse « en raison de leur caractère licencieux ou pornographique, ou de la place faite au crime ou à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l'incitation à l'usage, à la détention, ou au trafic de stupéfiants ». Il n'existe, en revanche, aucun dispositif analogue en ce qui concerne les vidéogrammes (vidéocassettes enregistrées sur support magnétique, vidéodisques enregistrés sur support électronique) et les programmes informatiques, notamment les jeux vidéo. Quant aux autres documents vidéo, aucune législation n'interdit leur vente aux mineurs.

Le gouvernement a donc souhaité combler cette lacune juridique en instituant un mécanisme, largement inspiré de celui prévu par la loi du 16 juillet 1949, permettant à l'autorité administrative d'interdire la diffusion aux mineurs et la publicité des documents vidéo présentant un danger pour la jeunesse.

Les documents visés par l'interdiction

Les documents présentant un danger pour la jeunesse

Sont soumis aux mesures d'interdiction de diffusion aux mineurs ou de publicité, les documents fixés sur support magnétique, sur support numérique à lecture optique et sur support semi-conducteur, tels que vidéocassettes, vidéodisques, jeux électroniques. Etant précisé qu'un décret complétera cette énumération en tant que de besoin, c'est-à-dire en fonction de l'évolution des techniques.

Sont toutefois exclues de ce dispositif, les vidéocassettes reproduisant intégralement des œuvres cinématographiques ayant obtenu un visa ne les interdisant pas aux mineurs.

Le cas particulier des vidéocassettes classées sur la liste des œuvres pornographiques ou violentes

Les films classés sur la liste des œuvres cinématographiques pornographiques ou d'incitation à la violence par le ministère de la Culture sont automatiquement frappés d'une interdiction de diffusion aux mineurs lors de leur commercialisation sous forme de vidéocassettes.

Toutefois, pour tenir compte de l'évolution des mœurs, un éditeur, un producteur, un importateur ou un distributeur diffusant le document interdit de plein droit aux mineurs pourra demander à être relevé de cette interdiction  « ceci permettra de lever toute restriction sur des films anciens qui, compte tenu de l'évolution de la société ne sont pas susceptibles de présenter un danger pour la jeunesse », note Frédérique Bredin(Rap. A. N. n° 228, Bredin).

La décision de l'autorité administrative

L'avis de la commission administrative

Sur le modèle de la commission chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence, est instituée une commission administrative chargée de donner un avis sur les mesures d'interdiction des documents vidéo. Sa composition ainsi que ses modalités de fonctionnement seront fixées par décret. La loi précise cependant que son président devra être choisi parmi les membres du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation et qu'elle comprendra, outre celui-ci, des représentants de l'administration, des professionnels des secteurs concernés et des personnes chargées de la protection de la jeunesse.

La commission a également qualité pour signaler à l'autorité administrative les documents qui lui paraissent justifier une interdiction.

Elle est aussi appelée à donner son avis lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande d'un éditeur, d'un producteur, d'un importateur ou d'un distributeur diffusant le document interdit de plein droit aux mineurs, à être relevé de cette interdiction.

L'arrêté d'interdiction

Après avis de la commission, l'autorité administrative, en pratique le ministre de l'Intérieur, alerté par le dépôt légal, peut interdire par arrêté motivé de proposer, de donner, de louer ou de vendre à des mineurs des documents qui présentent un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination et à la haine raciales, à l'incitation à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants. L'arrêté d'interdiction doit être publié au Journal officiel.

La commission peut également, en complément de cette interdiction, prohiber toute publicité en faveur de ces documents sauf dans les lieux dont l'accès est interdit aux mineurs. Si l'interdiction de diffusion aux mineurs s'applique de plein droit pour les vidéocassettes reproduisant des films classés dans la catégorie des œuvres pornographiques ou d'incitation à la violence,l'interdiction de publicité est, en revanche, facultative : l'autorité administrative aura la possibilité de la prononcer, après avis de la commission administrative.

La mention de l'interdiction de vente aux mineurs

L'interdiction de diffusion aux mineurs doit nécessairement apparaître sur les emballages des documents concernés. La loi institue en effet l'obligation de la mentionner « de façon apparente » sur chaque unité de conditionnement des exemplaires édités et diffusés.

Un décret en Conseil d'Etat déterminera les modalités d'application de cette mesure, notamment le délai dans lequel la mention devra être apposée, une fois l'arrêté d'interdiction publié, ainsi que les sanctions en cas de non-respect de cette obligation, « sanctions qui, en raison de leur nature contraventionnelle, ne pourront excéder 10 000 F d'amende et 20 000 F en cas de récidive » (Rap. A. N. n° 228 , Bredin).

Les sanctions en cas d'inobservation de l'interdiction de diffusion aux mineurs

Deux nouvelles infractions et une peine complémentaire à l'encontre des particuliers...

Sont créées deux nouvelles infractions en cas de non-respect des interdictions de diffusion de documents vidéo aux mineurs ou de publicité en faveur de ces documents, prononcées après avis de la commission administrative ou de plein droit lorsque les œuvres diffusées ont été classées sur la liste des films pornographiques ou d'incitation à la violence.

L'inobservation « simple » de ces interdictions est ainsi punie de un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende. Lorsque cette inobservation résulte de manœuvres frauduleuses, les sanctions sont aggravées avec des peines pouvant aller jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et 200 000 F d'amende. Sont expressément visés comme constituant de telles manœuvres frauduleuses les changements de titres ou de supports et les artifices de présentation ou de publicité.

Parallèlement à ces peines d'emprisonnement et d'amende, les particuliers sont désormais passibles d'unepeine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou était destinée à la commettre ou de la chose qui en est le produit.

... et des personnes morales

La loi instaure la responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions précédemment définies (inobservation « simple » des infractions de diffusion et de publicité de certains documents vidéo et manœuvres en vue d'échapper à ces interdictions).

Les peines encourues sont, comme pour les particuliers, l'amende dont le taux maximum sera toutefois égal au quintuple de celui qui est applicable à ces derniers, soit 500 000 F en cas d'infraction simple et 1 million de francs en cas d'infraction aggravée et la peine de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit.

LA CRÉATION D'UN DÉLIT SPÉCIAL DE BIZUTAGE (art. 255-16-1 à 255-16-3 nouveaux du CP)

Le contexte

Chaque année, le ministère de l'Education nationale est informé de vexations, d'humiliations, de brimades, d'actes dégradants imposés à des élèves ou à des étudiants par d'autres élèves ou étudiants plus anciens. Parce que « ces pratiques du bizutage, souvent présentées par leurs adeptes comme un rite initiatique, ne sauraient perdurer », le gouvernement a souhaité créer dans le code pénal un délit spécifique de bizutage destiné à sanctionner toutes les formes de bizutage portant atteinte à la dignité de la personne humaine.

« Il apparaît en effet que très souvent, de jeunes élèves ou étudiants se plient à des traditions présentées comme un puissant vecteur d'intégration, et se résignent à effectuer ou à subir certains actes par crainte de représailles, par peur d'être marginalisés au sein de l'établissement ou écartés des réseaux d'entraide que constituent souvent les associations d'anciens élèves », expliquait l'instruction conjointe du ministère de l'Education nationale et du ministère délégué à l'enseignement supérieur du 12 septembre 1997 qui rappelait, dans l'attente du texte législatif, les dispositions du code pénal applicables (4).

Cependant, soulignait Ségolène Royal, ministre chargée de l'enseignement scolaire, lors des débats parlementaires, les circulaires prises en la matière« ont toutes été inopérantes car elles n'étaient pas suivies de sanctions ».« Bien souvent, en effet, les étudiants sont considérés comme favorables au bizutage ou comme des victimes consentantes et, surtout, les crimes ne trouvent pas d'incriminations dans l'actuel code pénal. Les jeunes élèves ou les étudiants qui se décident à porter plainte du chef de violence ou d'agression sexuelle à l'encontre des bizuteurs échouent donc dans leur démarche, leurs déclarations se trouvant contrées par leurs adversaires qui invoquent le caractère ludique ou festif des rites d'intégration. La contrainte morale ou physique est niée en bloc par les personnes soupçonnées, et la victime ne peut convaincre les juges de la violence physique, de la contrainte morale ou de l'agression sexuelle » (J. O. A. N. (C. R.) n° 50 du 1-10-97).

Le nouveau délit

C'est dans cette logique que le gouvernement a voulu modifier le code pénal. Une volonté qui n'était pas partagée par l'ensemble des parlementaires, certains estimant que l'arsenal répressif en vigueur, lié à l'exercice du pouvoir disciplinaire, devait permettre de faire cesser ces pratiques. Le nouvel article 225-16-1 du code pénal, adopté par la commission mixte paritaire, se réfère à l'acte en tant que tel, subi ou exécuté par un jeune élève à la demande d'un aîné.

Le délit de bizutage est ainsi désormais défini comme « le fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif ». Il suppose donc, pour être établi, que ces actes et comportements aient lieu lors de manifestations ou de réunions liées au milieu scolaire ou socio-éducatif, la commission mixte paritaire ayant retenu ce dernier terme en vue de couvrir certaines structures telles que les centres aérés. 

Ce nouveau délit est puni de 6 mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende. Une peine portée à un an d'emprisonnement et 100 000 F d'amende lorsque l'infraction est commise sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. La loi écarte explicitement les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles qui demeurent passibles des sanctions, plus sévères, actuellement prévues par le code pénal.

Les associations d'anciens élèves et les établissements d'enseignement prenant parfois une part importante de responsabilité dans l'organisation du bizutage, la responsabilité pénale des personnes morales en cas de délit de bizutage est instituée. Elle prévoit, outre la peine d'amende (au maximum le quintuple de celle fixée pour les particuliers), la fermeture définitive ou temporaire de l'établissement ayant servi à commettre les faits incriminés ainsi que l'affichage et la diffusion de la décision de condamnation.

À SUIVRE...
Notes

(1)  Le meutre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ; le viol et les autres agressions sexuelles, y compris l'exhibition (art. 222-23 à 222-32 du CP)  ; la corruption de mineur (art. 227-22 du CP)  ; la diffusion de l'image pornographique d'un mineur (art. 227-23 du CP)  ; la diffusion d'un message à caractère violent ou pornographique susceptible d'être perçu par un mineur (art. 227-24 du CP)  ; les atteintes sexuelles sans violence (art. 227-25 à 227-27 du CP).

(2)  Voir ASH n° 2032 du 18-07-97.

(3)  Voir ASH n° 2074 du 5-06-98.

(4)  Voir ASH n° 2037 du 19-09-97.

LES POLITIQUES SOCIALES

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