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Le grand âge et la mort

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La mise en examen pour homicides volontaires, cet été, d'une infirmière, après qu'elle a reconnu avoir aidé à mourir des patients incurables au centre hospitalier de Mantes-la-Jolie (Yvelines), a suscité une vive émotion (1). Parmi les réactions, celles des directeurs d'établissements pour personnes âgées qui appellent la société à réfléchir sur sa relation à la mort et au grand âge.

Si «  l'euthanasie nécessite une réflexion éthique que le pays doit engager sereinement, cette question doit aussi être abordée à la lumière du sort que réserve, et aux moyens que consacre notre pays aux personnes très âgées et aux personnels qui les accompagnent », insiste l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées (Adehpa)   (2). « Ainsi, la France souffre d'un grand retard en matière de soins palliatifs et les trop rares services spécialisés sont réservés aux malades atteints de pathologies telles que le cancer ou le sida [...]. A handicap équivalent, une personne de 95 ans bénéficie de deux fois moins de personnels d'accompagnement qu'un adolescent de 15 ans ou un adulte de 40 ans [...]. Et il n'est pas rare qu'une jeune femme sans grande formation soit seule, la nuit, avec 80 personnes âgées dont plusieurs peuvent être en fin de vie », s'alarme l'association réclamant «  un grand débat sur ces questions ».

« Euthanasier, c'est avoir une action active pour tuer quelqu'un à sa demande », rappelle de son côté la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées  (Fnadepa)   (3) . Or «  “à sa demande” : cela pourrait être la justification d'un geste avec lequel chacun reste seul face à sa conscience. Sa conscience certes, mais également son vécu personnel, ses croyances, ses doutes, ses angoisses, sa formation et sa disponibilité d'écoute, d'attention à l'autre au moment où la demande lui est faite. Dans les établissements d'accueil pour personnes âgées, tous les résidants sont, de fait, en fin de vie,  même si bien heureusement, tous ne souffrent pas à vouloir en mourir, encore que nous pouvons nous poser la question des souffrances morales, cachées, non dites, parfois intolérables et sans issue dont nous n'avons pas la moindre idée... puisque nous n'avons jamais été vieux[...]. Face à ces personnes âgées, en perte d'autonomie, au seuil de la mort, le manque de personnel et son insuffisance de formation ne sont un secret pour personne. Les directeurs se battent en permanence pour obtenir des moyens humains face à la dépendance sans cesse croissante des personnes dont ils assument la responsabilité. Quel écho trouvent-ils auprès des pouvoirs publics et des financeurs ? Allons plus loin : quel écho trouvent-ils auprès de l'opinion publique ? Ce n'est certainement pas avec la nouvelle prestation spécifique dépendance que le nombre des personnels risque d'augmenter ! Quant à la formation, les lignes budgétaires restent restreintes[...].

« Comment, dans ces conditions, crier haro sur un soignant confronté quotidiennement aux problèmes liés à la fin de vie qui, sans soutien psychologique, sans lieu de parole, sans groupe de réflexion, aide une personne à terminer ses jours ? Cette décision prise très certainement seul, face à une demande qui nous paraît inacceptable, avec ses émotions, sa révolte, sa peur et - il y a lieu de le penser - son amour des personnes, aurait été différente si les moyens indispensables étaient enfin accordés aussi bien en temps - temps de réflexion, temps de partage, temps d'écoute -qu'en soutien humain et psychologique. [...] Le mourant est un vivant : il est possible de l'écouter et de l'accompagner à la condition d'obtenir, dans notre société, une vraie prise de conscience de la nécessité d'une qualité de vie jusqu'à la fin de la vie et du coût que cela aura pour chacun d'entre nous. »

Notes

(1)  A signaler la lettre spéciale (juillet-août) de L'infirmière magazine et d'Objectif soins consacrée aux réactions des soignants à cette affaire : 26, avenue de l'Europe - 78140 Vélizy-Villacoublay.

(2)  Adehpa : 3, impasse de l'Abbaye - 94100 Saint-Maur - Tél. 01 42 83 98 61.

(3)  Fnadepa : 56, rue Paradis - 13006 Marseille - Tél. 04 91 54 16 60.

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