« Ce titre peut paraître abrupt : c'est aux personnes et aux institutions qu'il appartient de s'adapter à la loi et non l'inverse. Il est cependant justifié par les caractéristiques du secteur en cause. C'est ce que l'Uniopss a demandé à M. Marimbert, directeur des relations du travail, qui l'a reçue le 9 juillet. »
« Les services dispensés sont destinés à des publics fragiles : enfants et adolescents en danger physique ou moral, enfants et adultes handicapés, personnes âgées, malades. Le maintien de la continuité et de la qualité du service est incontournable. Le passage de 39 à 35 heures fait naître quasi mécaniquement un besoin de personnel, ce qui d'ailleurs est l'objet même d'une loi de partage du travail. »
« Mais alors qui financera le surcoût en personnel, compte tenu du fait que les charges de personnel représentent entre 60 et 80 % du total des charges dans ce secteur ? Ce peut être le budget social de la nation, puisque nous sommes dans un secteur à financement socialisé (Etat, département et assurance maladie). La charge supplémentaire serait alors de l'ordre de 10 %. Il faudrait tenir compte en outre des astreintes prévues par les dispositions conventionnelles : les veilles de nuit sont rémunérées trois heures pour neuf heures de surveillance. Or l'article 5 de la loi précise que “la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles”. A elle seule, la répercussion de cet article représente une augmentation de coût de 3 à 5 %. »
« Une entreprise peut en général répercuter un accroissement de charges sur le prix du produit ou du service. Ici, dans le domaine de l'enfance et dans celui des personnes handicapées, il n'y a pas de clients, mais des personnes disposant de droits sociaux définis par la loi. Reste le cas des personnes âgées. Certaines sont à la charge de l'aide sociale. Les autres pourront-elles supporter une augmentation de charges qu'elles soient en établissement ou qu'elles aient recours aux services d'aide à domicile ?La même interrogation vaut pour les familles ayant besoin d'aide à domicile : on a déjà constaté, depuis quelques années, une érosion de 7 % sur l'emploi des travailleuses familiales. »
« On peut aussi penser à une réduction des salaires ou de certains avantages consentis par les conventions collectives. Mais ces salaires n'ont rien d'excessif. Ils sont même fort bas pour le secteur de l'aide à domicile. »
« Voilà, grosso modo, ce que nous aurions pu exposer si nous avions participé à la conférence nationale sur l'emploi. Ce n'a pas été le cas, alors que les établissements et services gérés par les associations emploient 560 000 personnes (412 000 équivalent plein temps), soit bien plus que l'industrie de l'automobile. »
« Ceci étant, si les marges de manœuvre sont restreintes, elles ne sont pas nulles. La loi est là et elle ouvre des opportunités pour peu que sa mise en œuvre fasse l'objet d'un accompagnement adapté aux associations sanitaires et sociales. »
« L'article 3 prévoit que des aides seront accordées pour les accords de réduction du temps de travail conclus dans les deux ans qui viennent. Il cite expressément les conventions collectives agréées en application de l'article 16 de la loi du 30 juin 1975. Les syndicats d'employeurs et de salariés ont commencé à se retrouver. Leurs discussions doivent être encouragées, avec la marge de manœuvre nécessaire, par les pouvoirs publics et les textes d'application de la loi. »
« Au plan local, la loi sera forcément l'occasion pour les associations de remettre à plat le dispositif de gestion et, ce, quels que soient les accords négociés au plan national. »
« Cet exercice sera salutaire pour tous, à condition de s'inscrire dans une méthode de conduite globale du changement, favorisée par des dispositifs d'accompagnement adaptés. »
« Des efforts conjoints de la puissance publique et des partenaires associatifs devraient permettre d'aboutir à des solutions satisfaisantes. L'essentiel est que le résultat ne soit pas atteint au détriment de la qualité des prestations garanties par la loi à des publics fragiles ou en difficulté. Un long chemin est devant nous. »
« Pour ce faire, l'Uniopss est prête à apporter son concours et sa capacité de médiation à tous les partenaires concernés. (1) »
René Lenoir Ancien ministre et président de l'Uniopss 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 Tél. 01 53 36 35 24.
(1) L'Uniopss organise, à Paris le 13 novembre 1998, une journée nationale d'étude et de réflexion sur les 35 heures dans le secteur.