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La loi exclusion est votée

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Après plus de dix ans d'un long cheminement, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a été adoptée, définitivement, le 9 juillet, à l'Assemblée nationale (ce texte fait l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel). La France se dote ainsi, pour la première fois, d'un arsenal législatif destiné à donner une certaine cohérence aux dispositifs de lutte contre la pauvreté et la précarité. Pour les associations de solidarité, qui ont longtemps porté ce texte, c'est une étape importante. Même si certaines restent sceptiques sur la portée de la nouvelle loi et si la force du symbole ne saurait masquer certaines de ses insuffisances.

Première du genre, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, que vient d'adopter l'Assemblée nationale, constitue, avec le programme triennal d'action qui l'accompagne (1), l'aboutissement d'un long processus et un tournant en matière de politiques sociales. En effet, celles-ci ont longtemps été conçues en direction de populations spécifiques. Or, aujourd'hui, le législateur tente d'apporter une réponse cohérente aux problèmes sociaux les plus criants : logement, chômage, surendettement, accès aux soins, à l'éducation et à la culture... Et ceci alors qu'une partie de la population s'enfonce progressivement dans la pauvreté. Les chiffres sont malheureusement éloquents : 7 millions de personnes touchées par la dégradation de l'emploi (2), plus d'un million d'allocataires du RMI, entre 2 et 3 millions de ménages vivant, en moyenne, avec 2 700 F par mois (3)...

Il aura cependant fallu plus de dix ans pour que l'idée d'une loi-cadre sur l'exclusion s'impose à la représentation nationale. C'est en effet, en 1987, que Joseph Wrézinski, fondateur d'ATD quart monde, présentait, devant le Conseil économique et social, son fameux rapport sur l'état de la pauvreté en France. Un document déterminant qui sera suivi de nombreux autres. Longtemps porté par ATD quart monde, le projet d'une loi-cadre a pourtant été très discuté au sein des grands réseaux associatifs. René Lenoir, qui, en tant que président de l'Uniopss, lui a apporté son soutien, s'est ainsi toujours montré sceptique, à titre personnel, sur l'efficacité d'un tel texte. De même, la FNARS craignait que cela « risque de démobiliser les associations sans déboucher sur des avancées réelles ». Et ce n'est qu'en 1994, avec la création du collectif Alerte, qui regroupe une trentaine d'associations de solidarité et de réseaux associatifs, qu'elle s'est ralliée à l'idée d'une loi contre l'exclusion. « Il nous a alors semblé que les associations auraient un poids suffisant pour obtenir des résultats. C'est d'ailleurs ce qui nous a permis de tenir pendant les trois ans nécessaires pour aboutir au vote de la loi », précise Jean-Paul Penneau, son directeur général. D'autres, en revanche, demeurent très critiques. C'est le cas, en particulier, de la Fédération de l'Entraide protestante pour qui les associations se sont laissé piéger par un texte qui, finalement, ne répond pas aux « causes profondes de l'exclusion » (voir ce numéro).

Toujours est-il que c'est sur la base des « 110 propositions pour lutter contre l'exclusion », présentées par le collectif Alerte , que les principaux candidats à la présidentielle de 1995 se sont prononcés en faveur d'une loi contre l'exclusion. Après l'élection de Jacques Chirac à la présidence de la République, le gouvernement d'Alain Juppé en avait d'ailleurs fait l'une de ses priorités. Un chantier qui devait pourtant subir de multiples retards avant d'aboutir, en février 1997, au projet de loi « de renforcement de la cohésion sociale ». Jugé plutôt décevant par les associations, surtout en raison de l'absence d'une véritable programmation budgétaire, celui-ci devait, en fin de compte, faire les frais de la dissolution de l'Assemblée nationale prononcée, en avril 1997, en pleine discussion parlementaire. Un coup d'arrêt brutal très mal vécu par les associations même si Lionel Jospin, en juin,  s'engageait à présenter une loi contre les exclusions sociales. Ce texte, dont l'élaboration devait être accélérée sous la pression des associations de chômeurs, était finalement inscrit en urgence à l'Assemblée nationale au printemps dernier (4).

Rappelant, le 5 mai, à l'ouverture des débats parlementaires, que « l'exclusion est une défaite collective », Martine Aubry a longuement insisté sur le fait que « l'objectif n'est pas d'afficher de nouveaux droits mais de donner corps à ceux qui existent » (sur les principales mesures de la loi, voir ce numéro). Côté finances, l'Etat contribuera aux différentes mesures à hauteur de 38 milliards de francs, les deux tiers provenant toutefois de redéploiements et de crédits déjà votés (près de 8 milliards devant être apportés par ses partenaires : Fonds social européen, départements, régions...). Un effort budgétaire jugé encore insuffisant par les associations de solidarité.

Des associations vigilantes

Néanmoins, parmi celles-ci, c'est généralement la satisfaction qui domine de voir cette loi, tant attendue, enfin votée. Même si certaines regrettent que les différentes formations politiques ne se soient pas retrouvées pour soutenir ce texte. Celui-ci devrait néanmoins marquer « la fin de la culture de l'assistance », espérait Geneviève de Gaulle-Anthonioz, présidente d'ATD quart monde, à l'issue du vote. « Des divergences restent » mais « c'est tout le début d'une culture de l'ouverture vers les droits fondamentaux », affirmait-elle alors. Certaines mesures retiennent particulièrement l'attention des responsables associatifs. « Le volet emploi est, sans conteste, l'un des plus intéressants. D'autant qu'il vient après les emplois-jeunes et la loi sur les 35 heures. Concernant le logement, il y a de bonnes choses mais nous attendons de voir comment elles se concrétiseront », explique Jean-Paul Penneau.

Cependant, la loi comporte « ses limites et ses insuffisances », souligne-t-on aussitôt au sein de la commission interassociative « Lutte contre la pauvreté et l'exclusion » de l'Uniopss, où l'on regrette, notamment, la minceur du volet consacré à la culture et à l'éducation ou encore l'absence d'un véritable relèvement des minima sociaux. Et l'on s'inquiète des éventuels retards dont pourrait souffrir la couverture maladie universelle, qui doit faire l'objet d'un texte séparé. Il reste, maintenant, aux associations, à gérer la suite sans se démobiliser. De fait, elles entendent demeurer très « vigilantes » car, rappellent-elles, « la partie n'est pas finie ». Se refusant à «  crier victoire », elles annoncent qu'elles seront « très attentives » aux textes d'application ainsi qu'aux discussions budgétaires afin de « concrétiser la volonté du législateur et du gouvernement » et de « répondre aux besoins non satisfaits ».

Jérôme Vachon

Notes

(1)  Voir ASH n° 2061 du 6-03-98.

(2)  Voir ASH n° 2042 du 24-10-97.

(3)  Voir ASH n° 2065 du 3-04-98.

(4)  Voir ASH n° 2064 du 27-03-98.

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