La loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail du 13 juin ne se contente pas d'organiser le passage aux 35 heures à l'horizon 2000 (voir ASH n° 2077 du 26-06-98). Elle a également été l'occasion, après moult débats, de donner unedéfinition du travail effectif, notion sur laquelle repose toute la réglementation relative à la durée du travail. Une définition directement inspirée par la jurisprudence de la Cour de cassation.
Transposant deux articles de la directive européenne du 23 novembre 1993 relative à l'aménagement du temps de travail, la loi Aubry instaure également dans le code du travail un temps de pause et un repos quotidien obligatoires.
Sans modifier par ailleurs les règles actuelles afin de ne pas préjuger du système qui sera mis en place en 2000, le texte tente, en outre, de freiner l'excès des heures supplémentaires. En effet, note l'exposé des motifs, la pratique permanente d'horaires longs « nuit au développement de l'emploi comme aux conditions de vie des salariés ». Aussi le législateur aménage-t-il les dispositions relatives aux repos compensateurs pour heures supplémentaires.
Enfin, la loi s'est encore assigné comme objectif demoraliser le recours au temps partiel. En effet, affirme l'étude d'impact de la loi, le développement du temps partiel « favorisé par des incitations financières très importantes, s'il a contribué à enrichir la croissance en emplois, a également favorisé un émiettement de l'emploi avec des modalités souvent ressenties comme difficiles et abusives par les salariés ». Il s'agit donc de contribuer au développement d'un temps partiel dont les modalités soient davantage choisies par les salariés et de limiter les pratiques donnant lieu à des abus.
LE PASSAGE AUX 35 HEURES
Dans notre numéro 2077 du 26 juin 1998, page 13 :
• La nouvelle durée légale
• La réduction effective du temps de travail
Dans notre numéro 2079 du 10 juillet 1998, page 15 :
• Le dispositif d'aides financières
Dans ce numéro :
DURÉE DU TRAVAIL :LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI DU 13 JUIN
• Le travail effectif
- La nouvelle définition légale - Les conséquences
• Les repos
- Le repos quotidien
- Le temps de pause
• Les heures supplémentaires
- Le seuil de déclenchement du repos compensateur
- La prise du repos
• Le travail à temps partiel
- La durée du travail
- L'abattement - Les cotisations retraite
Le concept de travail effectif est un élément fondamental pour l'application de la législation sur la durée du travail et ses différentes formes d'aménagement. En effet, toute la réglementation relative à la durée du travail est basée sur la notion de travail effectif. Notamment, la durée légale du travail s'entend du travail effectif. Or, l'article L. 212-4 du code du travail se contentait de disposer que « la durée du travail s'entend du travail effectif à l'exclusion du temps nécessaire à l'habillage et au casse-croûte ainsi que des périodes d'inaction dans les industries et commerces déterminées par décret ». Définition qui n'était « plus complètement adaptée [...] à l'évolution des conditions de travail, en particulier à la pratique de plus en plus répandue des astreintes imposées aux salariés » (Rap. A. N. n° 652, Le Garrec). Le législateur s'est donc saisi de la loi sur les 35 heures pour donner une nouvelle définition du travail effectif. Il s'est inspiré de la jurisprudence de la Cour de cassation qui se voit ainsi consolidée.
Le travail effectif s'entend désormais comme « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». Cette définition est insérée au début de l'article L. 212-4 du code du travail dont elle constitue désormais le premier alinéa. Ce dernier est suivi d'un second alinéa constitué par l'actuel article L. 212-4 dont la rédaction demeure identique.
Trois critères caractérisent ainsi le travail effectif :
• le salarié est à la disposition de l'employeur
• il se conforme aux directives de l'employeur
• il ne peut vaquer librement à des occupations personnelles.
La nouvelle définition prend davantage en compte la jurisprudence de la Cour de cassation que la directive européenne de 1993 sur l'aménagement du temps de travail, dont le législateur devait assurer la transposition dans notre droit interne avant le 23 novembre 1996.
La directive communautaire définit comme temps de travail « toute période durant laquelle le travailleur se trouve à la disposition de l'employeur, dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ». Elle ne permet pas de prendre en compte les périodes où le salarié n'assure pas nécessairement une prestation de travail mais doit se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à des directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. C'est la raison pour laquelle la définition communautaire n'a pas été reprise. En effet, elle est apparue « en deçà de notre jurisprudence », a expliqué la ministre de l'Emploi et de la Solidarité qui souhaitait voir préserver les acquis de la Cour de cassation (J. O. A. N. (C. R.) n° 40 du 30-04-98). La nouvelle définition légale est directement inspirée des formulations retenues par la jurisprudence qui, dans ses derniers arrêts, retient comme critère essentiel, pour définir le temps de travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition permanente de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations (cass. soc. 7 avril 1998, association de Lestonac) (1).
Au cours des débats parlementaires, tant le législateur que le gouvernement ont témoigné de leur volonté de ne pas remettre en cause la jurisprudence. Il ne faut donc pas attendre de la nouvelle définition légale un bouleversement de la notion de temps de travail effectif. « La définition posée par la loi n'a, à cet égard, ni pour objet ni pour effet de remettre en cause l'état du droit découlant de la jurisprudence et les pratiques qui lui sont associées », confirme d'ailleurs la circulaire du 24 juin. Laquelle rappelle succinctement les règles élaborées par la Cour de cassation pour distinguer le temps de travail effectif des temps de pause et de trajet, des astreintes et des équivalences. Sachant que la direction des relations du travail avait déjà fait le point sur cette question en juin 1997 (2). Et que la question de la rémunération des heures effectuées en chambre de veille dans le secteur social et médico-social reste posée (voir encadré).
La Cour de cassation exclut du temps de travail effectif la période des repas. Les autres pauses, qui doivent être clairement délimitées avec une interruption réelle de l'activité, ne sont prises en compte comme temps de travail effectif que si un accord collectif les y assimile expressément ou si l'employeur les prend en compte pour le calcul des heures supplémentaires. De même, sont considérées comme temps de travail effectif les pauses pendant lesquelles les salariés restent en permanence à la disposition de l'employeur ou ne peuvent s'éloigner de leur poste de travail pendant le temps de repos en raison de la spécificité de leurs fonctions.
Selon les juges, rappelle la circulaire, les temps de trajet ne sont des temps de travail effectif que lorsque le salarié est à la disposition de l'employeur et exécute une prestation, à sa demande, en partant de l'entreprise.
Il s'agit d'heures de présence non actives définies par décret ou conventionnellement et qui correspondent à des périodes d'une activité au sein de la journée dans certaines professions. Le salarié reste à la disposition de l'employeur sans accomplir de travail effectif et sans bénéficier de rémunération particulière. Le deuxième alinéa de l'article L. 212-4 qui reprend le texte antérieur les exclut cependant expressément de la durée du travail.
La circulaire du 24 juin rappelle que les juges incluent les périodes d'attente dans le temps de travail effectif lorsque le salarié est à la disposition permanente de l'employeur et qu'il ne peut disposer librement de son temps pendant ces périodes. Dès lors que le salarié peut vaquer librement à ses occupations pendant la période d'astreinte (notamment en cas d'astreinte à domicile), les magistrats considèrent que cette période ne peut être assimilée à du temps de travail effectif. Seules les périodes d'intervention du salarié pendant l'astreinte doivent donc être décomptées comme temps de travail effectif et payées comme telles.
Notons que dans un tout récent arrêt de principe (cass. soc. 3 juin 1998, époux Lulbin), la Cour de cassation a nettement distingué l'astreinte du travail effectif en arrêtant une définition précise des deux concepts. Dans le droit fil de sa jurisprudence antérieure, et dans l'esprit de la nouvelle définition légale, elle a indiqué que le temps de travail effectif est le fait pour un salarié de rester en permanence à la disposition de l'employeur pour participer à l'activité de l'entreprise. Et qu'au contraire, « constitue une astreinte, et non un travail effectif, l'obligation pour un salarié de demeurer à son domicile ou à proximité en vue de répondre à un appel de son employeur pour effectuer un travail à son service ».
Jusqu'à présent, la législation plafonnait la durée quotidienne du travail effectif à 10 heures, sauf dérogation, mais ne comportait aucune disposition fixant la durée minimum du repos quotidien ou prévoyant des pauses obligatoires. La loi du 13 juin comble cette lacune en transposant dans notre droit deux prescriptions de la directive communautaire du 23 novembre 1993 sur l'aménagement du temps de travail. Etant précisé que ces dispositions ne s'appliquent pas aux personnels roulants ou navigants du secteur des transports.
Le nouvel article L. 220-1 du code du travail prévoit que tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives. Cette durée minimale constitue un « complément très important » à la durée maximale journalière fixée à 10 heures et permet, en particulier, « de limiter l'amplitude de la journée de travail des salariés », explique la circulaire du 24 juin.
Des dérogations peuvent être accordées en raison des caractéristiques de l'activité, pour surcroît d'activité ou travaux urgents ou en cas de changement d'équipe à condition que despériodes équivalentes de repos ou, lorsque l'octroi de ce repos n'est pas possible, une contrepartie équivalente soient offertes aux intéressés.
Sous réserve de ne pas ramener sa durée en deçà de 9 heures, une convention ou un accord collectif étendu peut déroger à la règle du repos quotidien pour les activités caractérisées :
• par l'éloignement entre le domicile et le lieu de travail du salarié ou par l'éloignement entre différents lieux de travail du salarié ;
• par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment pour les établissements ou parties d'établissements pratiquant le mode de travail par équipes successives, chaque fois que le salarié change d'équipe ou de poste et ne peut bénéficier, entre la fin d'une équipe et le début de la suivante, d'une période de repos quotidien de 11 heures consécutives.
Des dérogations sont également possibles pour les activités :
• de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes
• de manutention ou d'exploitation qui concourent à l'exécution des prestations de transport
• qui s'exercent par périodes de travail fractionnées dans la journée.
En cas de surcroît d'activité, le repos quotidien peut être réduit par une convention ou un accord collectif étendu ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement. Les accords d'entreprise ou d'établissement doivent alors ne pas avoir fait l'objet d'opposition des syndicats majoritaires.
Ici aussi, l'accord collectif ne peut avoir pour effet de réduire la durée du repos en deçà de9 heures.
En l'absence d'accord collectif, les dérogations pourront également être mises en œuvre dans les conditions prévues pour les dérogations à la durée quotidienne du travail. Lesdemandes de dérogation, accompagnées des justifications utiles et de l'avis du comité d'entreprise,sont donc à adresser à l'inspecteur du travailqui a 15 jours pour faire connaître sa décision à l'employeur et aux représentants du personnel. A défaut de réponse dans ce délai, l'autorisation est réputée accordée.
En l'absence d'accord collectif et en cas d'urgence, des dérogations peuvent être mises en œuvre sous la responsabilité de l'employeur. S'il n'a pas encore adressé la demande de dérogation, il doit présenter immédiatement à l'inspecteur du travail une demande de régularisation accompagnée des justificatifs et avis des représentants élus du personnel et de toutes explications nécessaires sur les causes ayant nécessité une limitation du repos quotidien sans autorisation nécessaire.
En cas de travaux urgents dont l'exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage, assurer la sécurité, prévenir des accidents imminents, réparer des accidents survenus au matériel, aux installations ou aux bâtiments, il peut aussi être dérogé au repos quotidien de 11 heures consécutives sous la propre responsabilité de l'employeur qui devra en informer l'inspection du travail.
Pour les salariés travaillant en équipes successives et en cas de changement d'équipe, il peut être dérogé à la règle du repos quotidien à titre exceptionnel et pour des raisons impérieuses de fonctionnement, sous la seule responsabilité de l'employeur qui doit en informer l'inspecteur du travail.
Les infractions au repos quotidien sont punies de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe (5 000 F au plus). Les contraventions donneront lieu à autant d'amendes qu'il y a de salariés indûment employés.
Le nouvel article L. 220-2 du code du travail précise qu'aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre 6 heures sans que le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes.
Cette durée de 20 minutes correspond à la durée déjà largement prévue par les accords collectifs. Il s'agit d'une durée minimale qui peut être augmentée par voie conventionnelle ou par décision de l'employeur dans le cadre de l'organisation du travail.
Lorsque le salarié est effectivement dégagé de toute obligation, le temps de pause n'est pas qualifié par la loi de temps de travail effectif, rappelle la circulaire du 24 juin. Il n'est pas rémunéré. Cependant son paiement et sa qualification sont, dans certains cas, organisés par l'accord collectif.
L'article 1er de la loi du 13 juin, qui fixe à 35 heures le nouvelle durée légale du travail, modifie à terme le niveau à partir duquel les majorations pour heures supplémentaires seront dues, mais seulement à partir des dates butoirs fixées par la loi, soit 2000 ou 2002 selon la taille des entreprises (voir ASH n° 2077 du 26-06-98). Les surcoûts liés à la pratique des heures supplémentaires et, notamment, les taux de majoration seront fixés par laseconde loi qui doit être adoptée au cours du deuxième semestre 1999. Toutefois, la loi du 13 juin prévoit d'ores et déjà un renchérissement du coût des heures supplémentaires par le biais d'une augmentation des repos compensateurs. Et renforce l'effectivité des dispositions en faveur du repos compensateur.
Le repos compensateur pénalise financièrement le recours aux heures supplémentaires et oblige à une compensation en temps libre de manière à favoriser l'emploi. Applicable en sus du paiement des heures supplémentaires, la durée de ce repos diffère selon l'effectif de l'entreprise.
Dans les entreprises de 10 salariés au plus, seules les heures supplémentaires effectuées au-delà d'un contingent annuel réglementaire de 130 heures - sur autorisation administrative -ouvrent droit, dès la 40e heure, à un repos compensateur égal à 50 % des heures ainsi accomplies.
Dans celles de plus de 10 salariés, les heures supplémentaires ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire de 50 % du temps de travail accompli au-delà de 42 heures pour les heures effectuées dans la limite du contingent annuel réglementaire de 130 heures de 100 % du temps de travail accompli au-delà de 39 heures pour les heures effectuées au-delà du contingent annuel réglementaire de 130 heures, sur autorisation administrative.
A compter du 1er janvier 1999, le seuil au-delà duquel s'applique, dans les entreprises de plus de 10 salariés, le repos compensateur de 50 %est abaissé à 41 heures, au lieu de 42 heures jusqu'à présent.
Afin d'assurer l'effectivité des dispositions en faveur du repos compensateur, la loi du 13 juin 1998 prévoit qu'il doit obligatoirement être pris dans un délai maximum de 2 mois suivant l'ouverture du droit sous réserve des cas de report définis par décret. Jusqu'à présent, cette obligation résultait d'une simple disposition réglementaire, non applicable dans les entreprises relevant d'un accord collectif conclu dans ce domaine.
En outre, pour limiter les pratiques conduisant le salarié à abandonner ses droits à congé, la loi précise désormais quel'absence de demande de prise du repos par le salarié ne peut entraîner la perte de son droit au repos. Dans ce cas, l'employeur est tenu de lui demander de prendre effectivement ses repos dans un délai maximal de un an. Subsiste l'obligation pour l'employeur de rappeler ce délai de 2 mois sur le document annexé au bulletin de salaire dès que le nombre d'heures de repos atteint 8.
A la différence de l'abaissement de seuil, ces dispositions sont d'application immédiate et concernent tous les repos compensateurs applicables dans les entreprises quelle que soit leur taille.
Porté par des mesures incitatives renforcées depuis la loi quinquennale de décembre 1993, l'emploi salarié à temps partiel a fortement progressé ces dernières années. Mais, note l'étude d'impact de la loi, ce « développement s'accompagne plus souvent qu'autrefois de [...] temps partiel subi donnant lieu à des contraintes importantes pour les salariés ». Aussi la loi consacre-t-elle plusieurs de ses articles à faire obstacle aux abus constatés en matière de durée du travail des salariés à temps partiel. Elle réajuste par ailleurs le dispositif d'abattement des cotisations employeurs de sécurité sociale en faveur de la création ou de la transformation d'emplois à temps partiel. Et, enfin, pérennise la possibilité pour les employeurs de salariés à temps partiel de continuer à cotiser pour leur retraite sur la base du temps plein.
L'objectif de la loi est d'encadrer, de manière renforcée, le recours aux heures complémentaires et l'amplitude de la journée de travail des salariés à temps partiel. La négociation de branche est encouragée pour limiter les principales dérives constatées en matière de travail à temps partiel. En outre, le contenu du bilan annuel présenté au comité d'entreprise sur la pratique du temps partiel est complété.
La loi rétablit au seul niveau de l'accord de branche la possibilité d'élargir le volume d'heures complémentaires au-delà de 10 % de l'horaire fixé par le contrat et prévoit un mécanisme d'intégration à la durée contractuelle des heures complémentaires régulièrement effectuées.
Les conditions dans lesquelles le contrat de travail à temps partiel peut prévoir des heures complémentaires comprises entre le dixième et le tiers de l'horaire fixé par le contrat sont en partie modifiées.
Les heures complémentaires, spécifiques au travail à temps partiel, sont les heures qui peuvent être effectuées au-delà de l'horaire inscrit au contrat de travail. Ce dernier doit fixer les limites dans lesquelles peuvent être effectuées les heures complémentaires qui, à la différence des heures supplémentaires pour le travail à temps plein, ne donnent pas lieu à majoration de rémunération.
La limite applicable aux heures complémentaires est fixée au dixième de la durée prévue au contrat de travail, que le travail à temps partiel soit établi sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. Jusqu'à présent, une convention ou un accord de branche étendu ou, depuis la loi quinquennale de 1993, un accord d'entreprise ou d'établissement, pouvait porter cette limite jusqu'au tiers de cette durée.
Pour mieux encadrer le recours aux heures complémentaires, la loi ramène au seul niveau de la branche la possibilité de porter le volume d'heures complémentaires au tiers de la durée prévue par le contrat.
Les accords d'entreprise ou d'établissement conclus avant l'entrée en vigueur de la loi continuent de s'appliquer.
Lorsque pendant une période de 12 semaines consécutives, l'horaire moyen réellement effectué par un salarié a dépassé de2 heures au moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel ou annuel de cette durée, l'horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié.
Ainsi, un salarié à temps partiel travaillant sur une base hebdomadaire de 20 heures verra son horaire modifié dès lors que sa durée hebdomadaire du travail aura été de 22 heures pendant 12 semaines.
La modification consiste à ajouter à l'horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement effectué. Cette disposition permettra « de modifier automatiquement le nombre d'heures prévu au contrat lorsque ce nombre aura été régulièrement dépassé parce que le chef d'entreprise aura, en permanence, demandé au salarié d'effectuer des heures complémentaires », a expliqué la ministre (J. O. A. N. (C. R.) n° 16 du 7-02-98).
La requalification intervient sous réserve d'unpréavis de 7 jours et sauf opposition du salarié concerné.
En supprimant la possibilité pour une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement de modifier la limite légale des heures complémentaires (voir ci-dessus),la loi supprime du même coup, implicitement, la possibilité pour une convention ou un accord d'entreprise, de réduire le délai de notification de 7 jours imposé à l'employeur qui veut modifier la répartition de la durée du travail d'un salarié à temps partiel. Ici également, seule une convention, ou un accord de branche étendu, pourra désormais réduire ce délai en deçà de 7 jours, dans la limite de 3 jours.
La loi du 13 juin cherche à limiter les abus constatés en matière d'amplitude et de fragmentation de la journée de travail de certains salariés à temps partiel.
La loi pose le principe :
• de la limitation du nombre de coupures. Les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d'une même journée,qu'une interruption d'activité ;
• de la limitation de la durée d'interruption d'activité. Les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d'une même journée, une interruptionsupérieure à 2 heures.
Ces limitations s'appliquent à compter du1er janvier 1999.
Une convention ou un accord collectif de branche étendu peuvent imposer plus d'une interruption d'activité ou une interruption d'activité d'une durée de plus de 2 heures au cours de la même journée. S'agissant des institutions sociales et médico-sociales, la loi vise les accords de branche agréés en application de l'article 16 de la loi du 30 juin 1975.
Ces dérogations peuvent porter expressément sur le nombre ou la durée des coupures quotidiennes ou définir les plages horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, précise la circulaire du 24 juin.
Les négociations portant sur ces dérogations doivent prévoir des contreparties pour les salariés concernés par ces interruptions et tenir compte des exigences propres à l'activité exercée. Le nombre ou l'amplitude des interruptions devront réellement être en rapport avec ces exigences (art. L. 212-4-3, dernier alinéa nouveau, du code du travail).
Ce sera donc à la négociation de branche de prévoir les adaptations nécessaires pour que des contreparties soient garanties aux salariés et pour que les modalités d'organisation du travail à temps partiel limitent strictement les coupures journalières aux nécessités économiques de l'activité, souligne le ministère.
Tout employeur qui occupe à temps partiel un salarié sans respecter le nombre et la durée d'interruption d'activité quotidienne prévus par la loi ou par une convention ou un accord collectif de branche étendu est punissable de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe (10 000 F au plus).
La loi étend les informations à communiquer aux représentants du personnel dans le cadre du bilan annuel sur le travail à temps partiel. Jusqu'à présent, les informations devaient porter sur les points suivants :nombre, sexe et qualification des salariés concernés horaires pratiqués nombre de contrats ouvrant droit à l'abattement. Désormais, l'employeur est également tenu de communiquer au comité d'entreprise, ou à défaut aux délégués du personnel ainsi qu'aux délégués syndicaux, le nombre d'heures complémentaires et supplémentaireseffectuées par les salariés à temps partiel.
Mis en place en 1992, l'abattement d'un montant de 30 % des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, est accordé, sans limitation de durée, en cas d'embauche d'un salarié sous contrat à durée indéterminée (CDI) à temps partiel, ou de transformation de CDI à temps plein en CDI à temps partiel, sous réserve d'embauches permettant de maintenir le volume des heures de travail.
Pour que cette incitation soit utilisée dans des conditions plus respectueuses des conditions de vie des salariés et compatibles avec le mouvement de réduction de la durée collective, la loi relève le plancher de l'horaire hebdomadaire ouvrant droit à l'abattement et exclut également du bénéfice de l'aide les contrats à temps partiel annualisé. Outre des dispositions diverses, elle maintient par ailleurs l'exonération aux horaires réduits entre 28 et 32 heures qui, du fait de la réduction du temps de travail, deviendraient hors champ du temps partiel.
La circulaire relative à l'abattement de 30 % sera mise à jour afin de tenir compte des ajustements apportés.
La durée minimale de travail ouvrant droit au bénéfice de l'abattement est relevée à 18 heures hebdomadaires, heures complémentaires non comprises, au lieu de 16 heures. La limite supérieure reste fixée à 32 heures, heures complémentaires ou heures supplémentaires comprises. La durée peut toujours être calculée sur le mois. Elle est alors désormais comprise entre 78 heures, heures complémentaires non comprises et 136 heures, heures complémentaires ou heures supplémentaires comprises.
Lorsque le contrat à temps partiel continue à ouvrir droit à l'abattement (voir ci-dessous), la limite inférieure du temps de travail annuel est désormais égale aux 18/39 de la durée annuelle de travail d'un salarié à temps plein dans l'entreprise.
La mesure est applicable aux contrats conclus ou transformés après l'entrée en vigueur de la loi.
La loi exclut du bénéfice de l'abattement les embauches ou transformations d'emplois à temps partiel annualisé, sauf lorsqu'il correspond à des modalités de temps choisi, c'est-à-dire pratiqué à la demande du salarié (temps partiel annualisé scolaire par exemple) mises en œuvre dans le cadre d'un accord d'entreprise.
L'abattement s'applique ou est maintenu dans une entreprise qui a réduit conventionnellement la durée du travail pour les salariés employés sous contrat de travail à durée indéterminée et dont la durée fixée au contrat est comprise entre les 4/5 de la nouvelle durée collective du travail et 32 heures, toutes heures travaillées comprises.
Cette extension du champ de l'abattement n'est applicable que si les salariés concernés bénéficient des garanties prévues par le code du travail en faveur des salariés à temps partiel, c'est-à-dire l'égalité de traitement avec les salariés à temps complet.
Cette disposition permet de maintenir le bénéfice de l'abattement aux horaires réduits entre 28 heures et 32 heures qui, du fait de la réduction de la durée du travail dans l'entreprise, basculeraient en dehors du champ de la définition du temps partiel. Lequel, rappelons-le, concerne les horaires inférieurs d'au moins un cinquième à la durée fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise.
En cas de transformation d'un contrat de travail à temps plein en temps partiel, l'abattement est subordonné à une ou plusieurs embauches sous contrats à durée indéterminée permettant de maintenir le volume d'heures de travail prévu aux contrats transformés. Cependant, jusqu'à présent, les embauches compensatrices n'étaient pas exigées si la transformation constituait une alternative à un licenciement collectif pour motif économique. Cette exception estsupprimée.
Dans les entreprises ayant procédé à des licenciements économiques, l'abattement pour embauche d'un salarié à temps partiel est subordonné à un accord préalable de l'administration. Le délai pendant lequel cette autorisation préalable est requise passe de 6 à 12 mois.
La loi assouplit les formalités administratives de déclaration par les employeurs des contrats de travail à temps partiel ouvrant droit au bénéfice de l'abattement. Le délai dont ils disposent pour effectuer cette déclaration est porté de 30 jours à 60 jours afin de ne pas pénaliser les entreprises notamment les plus petites d'entre elles, qui éprouvent des difficultés pour se conformer au délai actuel.
La loi pérennise la possibilité pour les employeurs de salariés dont le contrat de travail à temps complet est transformé en contrat à temps partiel, de continuer à cotiser pour leur retraite sur la base du travail à temps plein.
Ce dispositif, issu de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 et étendu aux salariés relevant du code rural par la loi du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture, et aux marins du commerce, de la pêche et de la plaisance par une loi du 4 février 1995, était prévu pour une durée de 5 ans à compter du 1er janvier 1994. Il arrivait donc à échéance le 31 décembre 1999. Afin de le pérenniser, la loi abroge les dispositions législatives qui l'ont créé pour les insérer, à l'exception des dispositions relatives à leur caractère temporaire, dans le code de la sécurité sociale et dans le code rural.
Le décret du 30 août 1994 fixant les conditions d'application du dispositif pour les salariés du régime général et celui du 6 novembre 1995 fixant les conditions applicables aux salariés agricoles ne sont pas modifiés. •
Florence Elguiz
Le passage aux 35 heures et la nouvelle définition du temps de travail effectif ramènent la question du service effectué en chambre de veille au premier rang des préoccupations des employeurs du secteur social et médico-social. Sur quelles bases rémunérer le temps pendant lequel le personnel éducatif assure en chambre de veille la surveillance nocturne des pensionnaires des établissements ?
Actuellement, cette rémunération a lieu sur le fondement de dispositions conventionnelles qui prévoient un mécanisme de « compensation », communément présenté comme un système d'astreintes payées forfaitairement. L'article 11 annexe 3 de la convention collective de 1966 dispose ainsi que la nuit passée en chambre de veille « fait l'objet d'une compensation » dans les conditions suivantes : « les 9 premières heures sont assimilées à 3 heures de travail éducatif » et entre 9 et 12 heures, « chaque heure est assimilée à une demi-heure de travail éducatif ». Des dispositions analogues figurent dans la convention collective de 1951 ainsi que dans les accords Centres d'hébergement et de réadaptation sociale et insertion.
Or, au cours de ces dernières années, des éducateurs ont engagé des actions judiciaires afin de voir considérer chaque heure de surveillance nocturne comme une heure de travail effectif à rémunérer comme telle. Actions qui ont connu des fortunes diverses, en première instance et en appel.
Elles ont parfois été couronnées desuccès comme en témoigne un arrêt de la cour d'appel de Bourges du 10 juillet 1997 qui,écartant les dispositions conventionnelles au profit des dispositions légales plus favorables sur le paiement des heures supplémentaires, a condamné un établissement à verser au personnel éducatif des rappels de salaires sur 5 ans. Et si l'existence d'astreintes a pu être envisagée par la convention, encore faudrait-il qu'un décret les autorisant dans le secteur d'activité concerné ait été pris, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence, a également relevé la cour d'appel de Bourges. En effet, l'article L. 212-2 du code du travail, issu de la loi quinquennale de 1993, laisse à des décrets le soin de fixer les conditions de recours aux astreintes pour l'ensemble des branches d'activité ou des professions ou pour une branche ou une profession particulière. Et permet à une convention ou un accord collectif étendu ou à une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement de déroger à ces dispositions réglementaires. Or, aucun décret n'a été pris dans le secteur (3).
Echec, en revanche, devant la cour d'appel de Colmar. Laquelle, dans un arrêt du 19 mars 1998, a considéré que « les astreintes des éducateurs [...], qui n'excluaient pas la possibilité pour ceux-ci d'effectuer des activités personnelles voire de dormir pendant une partie importante de la durée de leur présence, ne s'analysent pas en une mise à la disposition permanente de l'employeur et doivent donc être par application des dispositions conventionnelles en vigueur, rémunérées par équivalence à raison de 3 heures pour une astreinte de 9 heures ». Une décision dont l'esprit semble conforme à celui de la nouvelle définition légale du temps de travail effectif.
Mais dans l'attente de connaître la position de la Cour de cassation, l'inquiétude des fédérations employeurs reste grande. Aussi le SOP, le SNAPEI et le SNASEA ont-ils à nouveau attirer l'attention de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sur « la situation financière catastrophique » que pourraient connaître certaines associations (4). Rappelant qu'un projet de décret sur le décompte du temps de travail dans le secteur social et médico-social leur avait été soumis l'année dernière, ils déclarent, dans un communiqué du 9 juin, « que si un texte réglementaire n'est pas édicté à court terme, une situation très grave et irréversible [sera] créée pour les organismes gestionnaires de leur secteur professionnel ».
Une réponse leur sera tout prochainement transmise, nous a-t-on assuré à la direction de l'action sociale. Laquelle a ajouté que la solution, au moins dans un premier temps, ne devrait pas être d'ordre réglementaire mais conventionnel. Les partenaires sociaux seraient ainsi invités à négocier de nouvelles dispositions, dans le cadre d'un régime d'équivalence. Et non pas d'astreinte.
(1) Voir ASH n° 2068 du 24-04-98.
(2) Voir ASH n° 2028 du 20-06-97.
(3) On observera par ailleurs que ni la convention de 1966, ni celle de 1951, ne sont étendues.
(4) De même que l'Uniopss, voir ce numéro.