Le Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, présidé par la Cour des comptes, a remis, le 29 juin, son rapport général 1995-1998 au Premier ministre (1). Chargé d'évaluer l'efficacité des services de l'Etat et les capacités du service public à se moderniser, il a notamment pointé, cette année, la trop grande dispersion des interventions et la nécessité d'une plus grande transparence, en particulier dans le domaine social.
Parmi les dispositifs passés au crible de l'évaluation : la carte Sesam-Vitale (2). Lancée, à titre expérimental, dans quelques sites pilotes dès 1995, et permettant l'informatisation des remboursements de soins aux assurés, elle « constitue une percée technologique indéniable », reconnaissent les rapporteurs, compte tenu des 700 millions de feuilles de soins que doit traiter chaque année l'assurance maladie. Elle se présente bien, en outre, comme « un outil de transparence des données médicales ». A condition, précise le comité, que les problèmes techniques encore en suspens soient réglés et que le codage des pathologies soit accéléré avant la généralisation du système. Il suggère également de « réduire les coûts de sa mise en place » en allongeant, par exemple, la durée de vie des cartes et en réduisant le nombre des bornes de mise à jour. Quant aux assurés, ils doivent pouvoir percevoir les avantages procurés par la carte. Le rapport préconise donc « d'annoncer clairement que sera organisée la télétransmission des ordonnances », déchargeant l'assuré des frais postaux et accélérant le remboursement des soins. Mais reste à convaincre les professionnels. A cet effet, le rapport propose notamment de moduler les aides prévues en donnant une marge de manœuvre aux caisses. Enfin, il juge nécessaire que l'actuel comité stratégique laisse la place à « une véritable instance de pilotage ».
Se penchant ensuite sur les modes de calcul des conditions de ressources pour l'attribution de certaines prestations sociales, le comité d'enquête dénonce leur complexité et réclame « une simplification immédiate » d'un système qu'il juge à la fois « injustifié » et « injuste ». D'abord liée à la multiplicité des intervenants auprès des plus défavorisés, la variété des barèmes et des modes de calcul « rend le dispositif d'aides illisible ». Ainsi, le comité formule une série de propositions parmi lesquelles l' unification du mode d'évaluation des ressources entre différentes prestations, comme d'ailleurs le propose la CNAF, la généralisation de la référence à des revenus annuels perçus au cours de l'année précédente et l'harmonisation de la prise en compte des personnes à charge et des conjoints. Les rapporteurs suggèrent en outre de « définir un revenu social, 'référent unique" en matière de prestations sociales, différent et indépendant du revenu imposable ». Et ils se prononcent clairement en faveur de la prise en compte « de la totalité des ressources, y compris tout ou partie des revenus de transfert » dans la définition de ce revenu unique.
Le rapport consacre également son chapitre VIII au contrôle par l'Etat des associations subventionnées suite aux réflexions engagées sur ce sujet, en 1996, par le Conseil national de la vie associative et par le Conseil d'Etat. Certes, aux relations discrétionnaires entre les ministères et les associations subventionnées « s'est substituée une approche partenariale reposant sur des conventions ». Mais il n'empêche, relève l'étude, que l'Etat peine à clarifier ses intentions et à définir les contreparties attendues des partenaires et que l'administration est insuffisamment préparée « au bon exercice du contrôle des documents dont elle exige la production ». C'est donc autour de trois grands axes - transparence, harmonisation et simplification, politique cohérente de contrôle - que le comité d'enquête formule des propositions précises et très concrètes. Il recommande notamment, parmi une liste de 22 propositions, la publication d'un décret concernant la vérification obligatoire des documents comptables des associations recevant plus de 1 million de francs de subventions par an et l'établissement d'indicateurs d'évaluation des résultats pour les subventions accordées à des projets précis. Il appelle également de ses vœux la création de dossiers types de demandes de subventions et souhaite par ailleurs que les administrations ne soient pas prisonnières de celles versées. Elles doivent en effet pouvoir s'orienter vers d'autres partenaires et exiger le remboursement des sommes non utilisées en cas de résultats insuffisants, juge le comité.
Dans un autre domaine : celui du développement local, point d'observation privilégié des relations entre l'Etat et les collectivités locales, le rapport a souhaité tirer les enseignements de l'expérience du Fonds régionalisé d'initiative locale pour l'emploi (FRILE ), fondé en 1988 et remplacé, début 1995 par le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Ainsi, « malgré des moyens relativement modestes », celui-ci a su, selon les auteurs, reconnaître les initiatives innovantes et créatrices d'emplois, répondre aux demandes des collectivités locales et, « réduire les inégalités de développement entre régions riches et pauvres », notamment grâce à sa souplesse d'intervention. Mais il a, semble-t-il, péché par la lourdeur de ses procédures d'instruction et le suivi insuffisant des dossiers. Des travers que doit aujourd'hui éviter le FNADT « en maintenant la souplesse d'intervention, tout en précisant les objectifs ».
Enfin, les centres interministériels de renseignements administratifs (CIRA ), chargés d'informer les usagers par téléphone, sont également passés sous la loupe du comité de la Cour des comptes. Bilan :un service « reconnu de qualité » mais « perfectible » notamment en matière de facilité d'accès et d'égalité et qui gagnerait, d'après le comité, à se « faire mieux connaître par des campagnes de publicité ».
(1) Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics - Rapport général au Premier ministre 1995-98 - La Documentation française - 130 F.
(2) Voir ASH n° 2067 du 17-04-98.