« Comment ne pas réagir au dernier livre de Jacques Ion et à ses propos dans les ASH ?D'après l'auteur, les travailleurs sociaux sont “en perte de référence unifiante” ils ne sont plus “au centre du travail social” à défaut de réponses, il sont “contraints de mobiliser leurs ressources personnelles”. Il leur reste ainsi deux issues : le “psychologisme d'intervention” (sic) et le modèle managérial.
« La multiplication des intervenants sociaux, la diversité des statuts, le rôle croissant des bénévoles, l'évolution de la demande sociale et la pression qu'elle crée sur “le front” sont, certes, des constats largement partagés. Mais peut-on dire qu'avec “l'effacement de l'idée de progrès social, c'est l'arrière-fond commun qui organisait le cadre des pratiques quotidiennes qui se trouve profondément perturbé“ ?
« L'auteur oppose la codification des métiers au travail relationnel et il passe d'un constat très global à des conclusions pour le moins hâtives. Il semble découvrir que le travail social a pour objet de “constituer autrui en personne et plus seulement en ayant droit”. Or, depuis les origines, l'instauration ou la restauration identitaire sont partie intégrante du travail social. Cela passe par le dialogue singulier mais aussi par l'inscription dans des réseaux relationnels de proximité et par le lien avec les institutions.
« La médiation entre ces trois pôles du lien social est constitutive du travail social. Les évolutions récentes la rende plus que jamais nécessaire. Les travailleurs sociaux n'en ont pas le monopole mais leur professionnalisme est bien utile !
« De ce fait, l'intervenant a bien autre chose que sa personne à proposer devant la carence de l'offre d'insertion. C'est une curieuse posture, pour un sociologue, de renvoyer les problèmes de société au dialogue singulier et à l'implication personnelle !
« De même, on se demande pourquoi l'action communautaire serait “un faible appui quand le lien social est en question”. Au contraire, le chômage massif, l'insertion des jeunes, les problèmes des banlieues sont d'abord des problèmes de société. Et c'est la fonction des travailleurs sociaux d'entendre les démarches individuelles et de faire en sorte qu'elles deviennent des questions sociales. C'est tout l'enjeu des démarches de développement local. A travers le diagnostic partagé, l'élaboration de projets, les négociations partenariales, la société travaille sur elle-même à la recherche d'un accord toujours à construire.
« Le travail social s'invente jour après jour. Il relève de l'éthique personnelle et d'une vision de la société - démocratie en perpétuelle construction. Il se construit avec les usagers, dans le débat local, en s'appuyant sur les politiques sociales. Une observation attentive de ce qui se passe sur les différents “fronts” du travail social montre qu'il évolue, qu'il se recompose et qu'il a encore beaucoup à faire. »
(1) Marie-France Freynet est également l'auteur des Médiations du travail social, parues en 1995 aux éditions Chroniques sociales. Et elle participe à la rédaction d'un ouvrage collectif Les transactions aux frontières du social , à paraître chez le même éditeur. Caisse d'allocations familiales de Charente-Maritime : 4 bis, avenue du Maréchal-Leclerc - 17073 La Rochelle cedex 9 -Tél. 05 46 51 59 43. (2) Voir ce numéro. (3) Voir ASH nº 2073 du 29-05-98 et 25.