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Deligny, éducateur de l'extrême

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Pionnier parmi les pionniers, référence pour des générations de travailleurs sociaux, Fernand Deligny reste un personnage énigmatique et fascinant. La consécration de cet éducateur, pédagogue et écrivain, décédé en septembre 1996, est même étonnante «  tant il a bousculé le monde éducatif », estime Jean Houssaye. Professeur de sciences de l'éducation à l'université de Rouen, celui-ci lui consacre un ouvrage dont l'ambition dépasse la biographie pour suivre les traces du parcours de cet « é ducateur de l'extrême ». Pour «  faire œuvre de mémoire » et «  interroger l'éducation au moyen des propos, des actes, des intentions et de l'itinéraire de Deligny  », il s'est longuement penché sur ses écrits dont il nous propose au fil des pages de larges extraits. Si le procédé peut agacer d'aucuns par son côté « lectures choisies », il a l'avantage d'introduire au langage particulier, et parfois un peu obscur, d'une œuvre qui ne se réduit pas au célèbre Graines de crapules. Mais Fernand Deligny, militant communiste, libertaire, réfractaire aux institutions, a été avant tout un homme d'action. «  On pourrait prendre les portes comme ponctuations de mon histoire », a pu écrire l'éducateur dont les débuts ont été marqués par les fuites, les ruptures et le vagabondage. Après une expérience d'instituteur, il a en effet entamé une période d'errance avant de créer, loin des murs des institutions, des lieux d'accueil pour les jeunes délinquants puis pour les autistes à partir de 1964 dans le Vercors et les Cévennes. «  Nomade et résistant lui-même, Deligny tente de faire tenir position à une éducation du nomadisme et de la résistance, à une éducation qui permette aux crapules de devenir des vagabonds efficaces », résume joliment Jean Houssaye. Ce qui frappe aussi à la lecture, c'est combien la culture des éducateurs a été influencée par ses positionnements :refus d'utiliser l'affectif comme moyen éducatif, réticence face à une certaine écriture «  qui ne sert qu'à se couvrir », ou encore rejet virulent de la morale. Mais, paradoxalement, cet homme insaisissable récusait également les étiquettes de pédagogues et d'éducateurs pour lui-même et pour les autres, ainsi que l'approche psychologique à laquelle il reprochait d'être trop moralisatrice et trop centrée sur l'individu. Il entendait se situer clairement hors de toute «  intention pédagogique ». Cette attitude est d'ailleurs devenue particulièrement nette lorsqu'il s'est occupé de jeunes autistes. «  Ménager un milieu où les enfants puissent évoluer sans trop de désarroi », telle était sa démarche, proche de l'abstention éducative de Rogers, car disait-il « à l'autisme, il n'y a rien à faire ». Pour lui, ce trouble n'était pas lié à la psychose et ces enfants représentaient « en quelque sorte la condition humaine idéale ». Une conception qui, comme le relève Jean Houssaye, ne manque pas de poser bien des questions... Il n'empêche. Si Deligny fascine, au-delà de ses prises de position radicales, c'est qu'il a su joindre «  le faire et le dire ». Et qu'il a «  touché le sens de l'extrême aussi bien dans ses actes que dans ses paroles ».

Deligny, éducateur de l'extrême  - Jean Houssaye - Ed. érès - 100 F.

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