ASH : Que représente le phénomène des impayés de loyers en Ile-de-France ? M.-J.D. : Il prend des proportions de plus en plus galopantes. Par exemple, au sein de notre association qui intervient auprès de 250 communes et sur un parc social de 85 000 logements sociaux gérés par les trois sociétés immobilières et les quatre sociétés d'HLM de l'Office central interprofessionnel du logement (OCIL), nous avons traité, en 1997, 36 % de dossiers en plus que l'année précédente. Et nous avons assuré le suivi social de plus de 600 situations. Il peut s'agir de personnes entrées dans les lieux depuis une quinzaine d'années mais aussi de nouveaux locataires qui, au vu des aléas de la vie, tombent assez vite dans la spirale de la précarité. Quant aux motifs des impayés, ils sont dus surtout à une perte d'emploi, à des modifications dans la composition de la famille (séparation, rupture de couple...), à la maladie, à des droits sociaux non versés et que certains ne connaissent pas. ASH : Quelle est l'attitude des bailleurs ? M.-J.D. : Il faut reconnaître que certains se sont dotés d'outils de prévention et mettent en place des commissions mensuelles d'impayés avant les phases contentieuses. Nous, nous proposons aux bailleurs notre concours pour étudier avec eux les situations en cas de deuxième ou de troisième mois d'impayé. Et parvenir ainsi à des protocoles d'accord, des plans d'apurement avec le recours aux dispositifs sociaux, tels les fonds de solidarité logement, les outils mis en place par la CAF et le concours de certains CCAS ou d'associations caritatives. Notre objectif est d'étudier avec les gestionnaires de logements tous les dossiers repérés en impayés et d'intervenir auprès des locataires en difficulté. Notre particularité, en tant que prestataire de services, c'est que nous sommes en quelque sorte des électrons libres, à l'écoute des préoccupations des bailleurs mais aussi des ménages concernés. Il s'agit pour nous d'apporter les informations nécessaires de part et d'autre et de mettre en place les outils indispensables pour éviter que certains dossiers ne partent en contentieux et que les situations ne dégénèrent en expulsions. ASH : Les bailleurs sont-ils plus sensibles qu'auparavant à la prévention des impayés ? M.-J.D. : Je crois que leur attitude s'assouplit. Néanmoins, certains ont encore une gestion très technique et financière : leur objectif est d'encaisser les loyers alors qu'aujourd'hui, au vu de la précarité grandissante, cela ne suffit plus. Les bailleurs doivent prendre conscience qu'ils ne peuvent plus agir seuls et qu'ils doivent se rapprocher des différents services sociaux pour se réunir autour d'une table et réfléchir avec eux à une meilleure coordination des actions. De fait, quelques-uns répondent de façon élargie en participant à des réunions régulières (souvent tous les deux mois) de conciliation où sont étudiés les dossiers et leur évolution. Mais je crois que de telles initiatives sont encore insuffisamment développées. Sachant que dans le cadre du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, les préfets vont pouvoir demander aux bailleurs quels moyens ils ont pris pour mieux informer les locataires sur ce qui existe en cas de difficultés, et prévenir la dégradation des situations. Propos recueillis par I.S.
(1) Celle-ci organisait, le 4 juin, une journée sur les impayés de loyers - APES : 139, rue Saussure - 75017 Paris - Tél. 01 40 54 44 92.