Comme son nom l'indique, la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF) est une loi « fourre-tout » où se côtoient, cette année, des mesures simplifiant la vie des entreprises, des mesures fiscales, des dispositions relatives à la mise en place de l'euro ou encore d'autres sur la protection de l'environnement et sur la santé publique. Considérablement enrichi au cours des débats parlementaires, le texte définitif totalise 112 articles, contre 47 dans le projet de loi initial. Il a été soumis au Conseil constitutionnel par les parlementaires de l'opposition. Mais cette saisine ne concerne pas les dispositions d'ordre social ou relatives à la vie des entreprises présentées dans ce dossier.
Parmi les dispositions d'ordre social, retenons plus particulièrement celle précisant la date d'entrée en vigueur du relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour frais de long séjour hospitalier ou de cure médicale et celle clarifiant le régime juridique des compléments de rémunération des agents des collectivités locales.
Le gouvernement avait fait adopter deux amendements, l'un concernant la prestation spécifique dépendance, l'autre la tarification des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. Finalement, le gouvernement les a fait supprimer de la DDOEF, en dernière lecture. Il devrait, cependant, à nouveau les présenter au Parlement, dans le cadre de la discussion du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, actuellement en première lecture devant le Sénat.
Le premier de ces amendements devrait donner une base légale au décret que prendra la ministre de l'Emploi et de la Solidarité pour fixer, si nécessaire, un taux minimum, à l'échelle nationale, pour chaque niveau de dépendance (1). Le second devrait reporter de 2 ans la date limite accordée aux établissements hébergeant des personnes âgées pour conclure des conventions pluriannuelles avec les conseils généraux et l'assurance maladie. Cette date était initialement fixée au 31 décembre 1998 (2).
Le code général des impôts prévoit que les sommes engagées par les personnes âgées de plus de 70 ans, au titre de leur hébergement dans un établissement de long séjour hospitalier, ou dans une maison de retraite dotée d'une section de cure médicale, ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 25 % de leur montant, dans une certaine limite de dépenses.
Le plafond de la réduction d'impôt a été porté de 13 000 F à 15 000 F par la loi de finances pour 1998 (3). En raison d'un processus d'adoption qualifié de « chaotique » par Alain Lambert, rapporteur général au Sénat du projet de loi DDOEF, la date d'entrée en vigueur n'avait pas été précisée dans la loi (Rap. Sén. n° 413, tome I, Lambert). Or, ajoute-t-il, l'intention tant du législateur que du gouvernement était clairement de faire appliquer cette mesure à compter de 1999. Et à défaut de précision expresse, le nouveau plafond devait entrer en vigueur, comme la loi de finances, le 1er janvier 1998, au titre des revenus déclarés en 1997. Pour réparer « cette erreur technique », la DDOEF précise que la disposition s'applique à compter de l'imposition des revenus de 1998.
Le législateur a clarifié le régime juridique de certains compléments de rémunération perçus par les agents des collectivités locales et de leurs établissements publics.
La loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale a prévu que les agents titulaires d'une collectivité locale pouvaient conserver les avantages ayant le caractère de complément de rémunération qu'ils avaient acquis collectivement avant l'entrée en vigueur de la loi, par l'intermédiaire d'organismes à vocation sociale. « De nombreuses collectivités attribuaient, en effet, des primes correspondant à un treizième mois par l'intermédiaire d'associations », explique Didier Migaud, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale (Rap. A. N. n° 903, Migaud).
Cependant, poursuit-il, le Conseil d'Etat a jugé que les avantages ainsi accordés, ne pouvaient pas permettre, en application de la même loi, d'attribuer aux fonctionnaires territoriaux des rémunérations supérieures à celles des fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. Le législateur a alors autorisé une dérogation à cette limite, mais à condition que les avantages soient pris en compte dans le budget de la collectivité et ne transitent donc plus par des associations à vocation sociale.
Néanmoins, ajoute le rapporteur, la rédaction retenue pouvait laisser supposer que les compléments de rémunération ne pouvaient être octroyés qu'aux agents titulaires en fonction en 1984, ce qui excluait les agents non titulaires et les agents titulaires recrutés après l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984.
La loi DDOEF clarifie cette rédaction et permet ainsi d'accorder ces avantages à tous les agents des collectivités locales.
« Il importe de rappeler, conclut Didier Migaud, que les compléments de rémunération ne sont possibles que lorsque les collectivités locales les avaient mis en place avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984. »
La loi de finances pour 1998 a prévu que les personnes rapatriées, qui ont déposé un dossier avant le 18 novembre 1997 auprès des commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, bénéficient d'une suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre à la suite d'une situation d'endettement jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente, en cas de recours gracieux (4). La DDOEF précise que cette suspension provisoire prend également fin, en cas de recours contentieux, à la décision définitive de l'instance juridictionnelle compétente.
De plus, les cautions, y compris solidaires, des rapatriés surendettés bénéficient désormais d'une suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre.
L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) a pour objet de faciliter l'exécution des travaux de réparation, d'assainissement et d'amélioration des immeubles à usage principal d'habitation, notamment par la prise en charge totale ou partielle de l'intérêt des capitaux investis dans les travaux.
La loi élargit sa mission. L'agence est désormais également en charge de la transformation en logements locatifs des immeubles autres que ceux précédemment cités, situés dans les zones de revitalisation rurale dès lors qu'ils appartiennent à une zone bâtie agglomérée.
Par ailleurs, la loi comporte d'autres dispositions concernant le logement : la prorogation temporaire du régime de l'amortissement des logements neufs donnés en location (amortissement Périssol) ou l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux achats de terrains à bâtir destinés à la construction sociale.
Jusqu'à présent, selon les termes de l'article L. 132-7 du code des assurances, l'assurance décès était de nul effet si l'assuré se donnait la mort volontairement et consciemment au cours des 2 premières années du contrat. Certains parlementaires se sont émus de cette situation qui pénalisait le conjoint survivant « déjà durement touché par le suicide » et qui devait « en outre subir une nouvelle épreuve avec le non-versement des droits acquis par le contrat » (J. O. Sén. (C. R.) n° 45 S du 28-05-98). Le gouvernement s'est opposé à la suppression pure et simple de cet article du code des assurances, craignant que cela amène les compagnies d'assurance à procéder à une plus grande sélection des risques.
Un compromis a été trouvé avec le Parlement. Désormais, l'assurance est de nul effet si le suicide survient la première année du contrat. Etant précisé que cette nullité n'est pas applicable aux contrats de groupe souscrits par les organismes mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 140-6 du code des assurances (entreprise ou groupe d'entreprises, groupement professionnel représentatif d'entreprises, organisation représentative d'agents des collectivités publiques...).
Les services de l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements sont désormais autorisés à céder gratuitement les matériels informatiques dont ils n'ont plus l'emploi et dont la valeur unitaire n'excède pas 1 000 F, aux associations de parents d'élèves et aux associations de soutien scolaire. Ces associations s'engagent par écrit à n'utiliser les matériels qui leur sont cédés que pour l'objet prévu par leurs statuts, à l'exclusion de tout autre. Elles ne peuvent procéder à la rétrocession, à titre onéreux, des biens ainsi alloués, à peine d'être exclues du bénéfice de la loi.
Cette disposition d'origine sénatoriale a été votée par les deux chambres malgré l'opposition du gouvernement, celui-ci invoquant le principe de la cession à titre onéreux des biens d'occasion de l'Etat. A l'appui de leur vote, les parlementaires ont invoqué un précédent qui permet aux services de l'Etat de céder gratuitement aux associations de bienfaisance les biens meubles dont la valeur unitaire est inférieure à 500 F (Rap. A. N. n° 903, Migaud).
Le montant des cotisations et des assiettes sociales est arrondi au franc le plus proche.
Cette règle d'arrondi s'appliquera également lorsque le calcul des cotisations et des assiettes de sécurité sociale pourra être fixé en euros, soit à compter du 1er janvier 1999.
Et, précise la loi, pour le calcul d'arrondi, la fraction de franc ou d'euro égale à 0, 50 est comptée pour un.
Ces règles d'arrondi sont désormais identiques en matière fiscale.
Les mesures relatives à la simplification de la vie administrative des entreprises constituent la traduction législative du plan visant notamment à alléger les procédures fiscales, sociales et administratives auxquelles les entreprises sont soumises (5). D'autres dispositions d'ordre réglementaire sont également attendues.
La loi du 4 février 1995 portant diverses mesures d'ordre social (6) a aligné, à compter du 1er janvier 1996, l'assiette de la taxe d'apprentissage, de la participation des employeurs à l'effort de construction et de la contribution des employeurs au développement de la formation professionnelle continue sur l'assiette des cotisations de sécurité sociale. Et cela, afin de simplifier le calcul des différents versements effectués par les employeurs (Rap. A. N. n° 781, Migaud).
Toutefois, cette harmonisation était incomplète. Aussi, le législateur a comblé cette lacune en modifiant notamment l'assiette des contributions dues au titre du congé de formation et du bilan de compétences des salariés sous contrat à durée déterminée, désormais également alignée sur celle des cotisations de sécurité sociale. Et ce, pour les rémunérations versées depuis le 1er janvier 1998.
Les dates de déclarations pour la taxe d'apprentissage, pour la participation à la formation professionnelle continue des entreprises (quel que soit leur effectif) et la date limite de paiement de la cotisation en faveur du financement des contrats d'insertion en alternance, qui étaient jusqu'à présent fixées au 5 avril, sont reportées au 30 avril. Des dates identiques à celles de la plupart des déclarations professionnelles auxquelles sont soumises les entreprises.
Le code de la sécurité sociale disposait que tout employeur était tenu de porter à la connaissance de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) compétente, toute embauche ou tout licenciement de personnel, dans un délai de 8 jours à compter du début ou de la fin du travail d'un salarié.
Ce texte datait de 1945, lorsque les caisses de sécurité sociale étaient en charge du recouvrement des cotisations. La tâche incombant depuis aux unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), cette disposition était devenue obsolète. Elle a donc été supprimée.
L'obligation de tenue du livre de paie, devenue obsolète compte tenu des nouvelles techniques de gestion informatique, est supprimée. En contrepartie, les employeurs doivent conserver un double des bulletins de paie de leurs salariés pendant 5 ans.
Autre mesure visant à simplifier la vie des entreprises : la possibilité pour l'employeur de remplacer la mention des cotisations patronales figurant sur le bulletin de paie des salariés par un récapitulatif remis annuellement à ces derniers.
Ces dispositions seront applicables à compter du premier jour du mois qui suivra la publication de la loi DDOEF.
Les pénalités de retard appliquées au cas de production tardive ou de défaut de production des bordereaux récapitulatifs des cotisations et des déclarations annuelles des données sociales doivent être mises en recouvrement par voie de mise en demeure dans un délai de 2 ans à compter, selon le cas, soit de la notification de l'avertissement, soit de la mise en demeure. La prescription était jusqu'à présent de 30 ans. Elle est désormais alignée sur celle des majorations de retard appliquées lorsque l'employeur n'a pas respecté la date limite de paiement des cotisations.
C. D.
(1) Voir ASH n° 2073 du 29-05-98.
(2) Voir ASH n° 2073 du 29-05-98.
(3) Voir ASH n° 2055 du 23-01-98.
(4) Voir ASH n° 2055 du 23-01-98
(5) Voir ASH n° 2048 du 5-12-97.
(6) Voir ASH n° 1914 du 16-02-95.