Le Parlement a définitivement adopté, le 4 juin, la loi relative à « la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs ». Ce texte, présenté en septembre dernier par Elisabeth Guigou (1), institue en premier lieu, pour les auteurs d'infractions sexuelles, une nouvelle peine de suivi socio-judiciaire. Il tend ensuite à créer un véritable statut du mineur victime. Enfin, une série d'articles vise à renforcer la répression des atteintes sur les mineurs.
Mieux contrôler les délinquants sexuels à leur sortie de prison pour limiter le risque de récidive : tel est l'objectif du suivi socio-judiciaire, peine complémentaire qui s'ajoute à la peine principale. Il peut être prononcé par la juridiction de jugement contre tous les auteurs d'infractions sexuelles, mineurs comme majeurs, quels que soient la gravité de leurs actes et l'âge de la victime.
La juridiction de jugement en fixe la durée, dans la limite de 10 ans pour un délit et de 20 ans pour un crime. Elle détermine également systématiquement la durée de l'emprisonnement encouru par le condamné s'il ne respecte pas ses obligations, dans la limite de deux ans pour un délit, cinq ans en cas de crime. Obligations qui consistent à se soumettre, à sa sortie de prison, à des mesures de surveillance et d'assistance ainsi que, le cas échéant, à une injonction de soins. Simple modalité d'application facultative de la mesure de suivi socio-judiciaire, cette injonction est subordonnée à une expertise médicale préalable établissant que la personne poursuivie est susceptible de faire l'objet d'un traitement. De plus, le condamné doit consentir à se soigner.
La peine prend effet à l'issue de la détention. Mais le condamné doit être informé par la juridiction de jugement et le juge de l'application des peines (JAP) de la possibilité de commencer un traitement dès sa détention, sans que ce début de traitement ne s'impute toutefois sur la durée du suivi socio-judiciaire.
La loi confie à un médecin coordonnateur, désigné par le JAP, le soin de veiller à la mise en œuvre de l'injonction de soins. Pour l'essentiel, ce médecin joue un rôle d'interface entre l'autorité judiciaire et le médecin traitant. Mais c'est ce dernier, choisi par le condamné sous réserve d'approbation du médecin coordonnateur, qui définit la nature du traitement. Tant le médecin coordonnateur que le médecin traitant sont libérés de leur obligation de secret professionnel.
Le JAP est chargé de veiller à l'exécution du suivi socio-judiciaire. Plus particulièrement, il contrôle le respect des mesures imposées. Il a la possibilité, parfois l'obligation, d'ordonner l'expertise médicale de l'intéressé. A tout moment, il peut modifier ou compléter les mesures imposées à ce dernier. Il peut ainsi ordonner une injonction de soins qui n'aurait pas été prononcée lors du jugement. Enfin, c'est ce magistrat qui apprécie l'opportunité de l'incarcération en cas de non-respect des obligations. Sachant qu'à sa sortie de prison, le condamné devra reprendre l'exécution du suivi socio-judiciaire.
La loi rend obligatoire la désignation d'un administrateur ad hoc pour assister le mineur victime au cours de la procédure lorsque la protection de ses intérêts n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux.
Elle prévoit l'enregistrement sonore ou audiovisuel de l'audition de l'enfant afin qu'il n'ait pas à répéter indéfiniment les sévices subis. Et son assistance, lors des auditions, par un psychologue, un médecin spécialiste de l'enfance, un membre de la famille, un administrateur ad hoc ou encore une personne mandatée par le juge des enfants. Est également désormais systématique l'expertise médico-psychologique du mineur victime d'une infraction sexuelle afin de déterminer la nature et l'importance du préjudice subi et d'établir si celui-ci rend nécessaire des soins appropriés. Etant précisé que le suivi médical de l'enfant est à présent pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. A signaler également, la possibilité pour les associations de lutte contre les violences sexuelles de se porter partie civile, après accord du représentant légal du mineur victime d'une infraction sexuelle.
Les possibilités de poursuites des auteurs d'infractions sexuelles sont élargies. Notamment, la règle selon laquelle le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir qu'à compter de la majorité de la victime joue dorénavant même si l'auteur de l'infraction n'est pas un ascendant. Et l'application de la loi française est étendue au tourisme sexuel commis à l'étranger.
Outre de nouvelles incriminations, comme l'interdiction de vente aux mineurs de vidéocassettes pornographiques ou d'incitation à la violence, la loi institue une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs. Elle aggrave aussi la peine encourue pour atteinte sexuelle sur mineur (cinq ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende au lieu de deux ans et 200 000 F). Elle érige, par ailleurs, en circonstance aggravante l'utilisation d'un réseau de télécommunications (Internet, Minitel...) pour commettre certaines infractions sexuelles, ou le fait de se rendre coupable de certains délits en milieu scolaire.
Pour finir, le texte crée un nouveau délit spécifique destiné à sanctionner toutes les formes de bizutage portant atteinte à la dignité de la personne humaine.
(1) Voir ASH n° 2035 du 5-09-97.