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Le rapport préparatoire à la conférence de la famille

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Réforme du quotient familial, retour à l'universalité des allocations familiales, création de « maisons de la famille », telles sont quelques-unes des propositions préparatoires à la conférence de la famille du 12 juin prochain, présentées le 3 juin par Dominique Gillot, députée  (PS) du Val-d'Oise, pour rénover la politique familiale. S'appuyant sur les conclusions des missions d'expertise, confiées à Irène Théry (1), Claude Thélot (2) et Michèle André (3), et sur les consultations engagées avec les acteurs de la politique familiale, elles sont principalement destinées à « ouvrir des pistes de réflexion et des chantiers de travail en liaison avec les partenaires sociaux ».

Ce rapport au Premier ministre «  n'est pas un catalogue de bonnes intentions, ni un simple inventaire modifiant à la marge les dispositions existantes  », se défend d'emblée Dominique Gillot. Au contraire, « il propose un certain nombre de mesures parfois sans incidence financière, le plus souvent à enveloppes constantes qui doivent permettre de définir ce que doit être une politique familiale aujourd'hui, à qui elle doit s'appliquer, avec quels outils et qui en sont les acteurs », explique-t-elle. Il appartient donc au gouvernement « de prendre les décisions qui s'imposent dans l'immédiat [...], de décider les points sur lesquels un approfondissement est nécessaire et doit être entrepris rapidement [...], de décider l'exploitation législative qui doit être donnée à ces propositions et de déterminer les moyens que la collectivité nationale est prête à mettre en œuvre pour que le pays se dote d'un véritable corpus de valeurs et de réalisations dans un domaine trop souvent délaissé jusqu'à présent ». De fait, avec cette ultime contribution, Lionel Jospin dispose désormais de l'ensemble des éléments pour annoncer, le 12 juin, les orientations qu'il entend poursuivre.

Ce qui est sûr à l'issue de cette réflexion, c'est que tant les bénéficiaires que les acteurs de la politique familiale attendent du Premier ministre «  un discours politique fort  », en faveur «  d'une politique familiale rénovée » avec «  des priorités identifiables », «  des objectifs à moyen terme  » et «  un calendrier des chantiers à ouvrir  ». «  Il est indispensable que les pouvoirs publics affirment leur attention à la famille qui, au-delà de ses évolutions, reste la cellule de base de l'éducation et de la cohésion sociale », estime la députée du Val-d'Oise, considérant «  que ce qui fait famille (et pas “la” famille), c'est la présence d'un enfant ». Si le choix de la forme de la famille est une décision privée, nul parent ne peut s'exonérer de sa responsabilité et il revient alors aux pouvoirs publics «  de veiller au devenir » de l'enfant «  dans les meilleures conditions de justice sociale et de protection juridique ». Une attention qui nécessite de réviser complètement le système des prestations familiales en constante évolution depuis la création des allocations familiales en 1945 (28 prestations, 350 faits générateurs de droit, 1 500 règles...). Pour autant, une trop grande simplification, prônée par nombre d'observateurs, «  irait à l'encontre des objectifs poursuivis », avertit la parlementaire, qui recommande, en revanche, «  de limiter les incohérences, d'éviter les incompréhensions qui génèrent de la haine du service public aux guichets et d'introduire une plus grande logique dans les procédures administratives ».

Vers une meilleure efficacité des aides publiques

Sur le plan des prestations, les multiples auditions des acteurs de la politique familiale ont confirmé «  la forte critique » attachée à la mise sous condition de ressources des allocations familiales, mesure instituée à titre transitoire en 1998 (4). Reprenant l'une des solutions avancées par le rapport Thélot-Villac, Dominique Gillot propose donc de lui substituer - pour un même bénéfice de 4,1 milliards - un système de redistribution verticale qui, lui, «  recueille une forte adhésion »  : l'abaissement du plafond des avantages du quotient familial de 16 380 F actuellement à environ 11 000 F. Pour elle, ce serait «  l'alternative la plus équilibrée », sous réserve d'une réforme « à moyen terme de la fiscalité globale ». La réduction du plafond toucherait des familles dont le salaire mensuel serait au moins égal à 38 600 F si elles ont deux enfants, 43 700 F si elles en ont trois, ce qui est supérieur au plafond au-delà duquel les allocations familiales ne sont plus versées aujourd'hui. Une mesure qui présenterait donc l'avantage, selon le rapporteur, outre de retrouver le caractère universel des allocations familiales, d'introduire une plus grande progressivité de l'effort de solidarité en fonction du revenu, tout en évitant les effets de seuil. Seul inconvénient pointé, ce nouveau dispositif toucherait des familles avec un enfant, actuellement épargnées par la mise sous condition de ressources puisque ne percevant pas d'allocations familiales. Concrètement, 510 000 foyers seraient concernés. Dans l'hypothèse où cette solution serait retenue, le surplus de recettes fiscales devrait être recyclé au profit de la branche famille et la prise en charge de l'allocation de parent isolé  (API) transférée sur le budget de l'Etat. Toujours au chapitre de la fiscalité, la députée juge «  logique  » de rendre imposables les prestations ne répondant pas à l'universalité des allocations familiales et qui correspondent à des revenus de remplacement  il en est ainsi de l'allocation parentale d'éducation ou du complément familial.

Dominique Gillot veut renforcer l'efficacité des dispositifs publics en vue d'un meilleur soutien aux familles et d'une plus grande solidarité dans l'éducation de leurs enfants. Objectif : réduire les disparités actuelles grâce à un effort supplémentaire mais ciblé. Parmi les mesures souhaitées : le réajustement des prestations pour le jeune enfant dans le sens d'une plus grande diversité et d'une meilleure couverture des modes d'accueil sur l'ensemble du territoire et d'une tarification plus juste qui tienne compte du taux d'effort des familles sur leurs revenus disponibles  la mise à l'étude de l'instauration d'une aide à la famille pour l'accueil du premier enfant dans la limite de ses trois premières années  l'allongement du versement des allocations familiales jusqu'à 20 ans en 1999 et la prise en compte de la présence des enfants jusqu'à 22 ans pour le calcul des allocations logement  l'extension de la déduction fiscale pour pension alimentaire aux grands-parents qui aident leurs petits-enfants.

Comme le suggère le rapport Join-Lambert (5), la conférence de la famille pourrait décider l'harmonisation de la prise en compte des charges familiales dans les différentes catégories de minima sociaux suivant leur niveau, le pourcentage de majoration par enfant, leur caractère différentiel ou non. Entre autres pistes ouvertes, Dominique Gillot estime qu'un rapprochement de l'API et du RMI pourrait être envisagé dans le sens d'une meilleure préparation du retour à l'emploi. De même, plutôt que de fusionner l'API et le RMI, «  il vaudrait mieux accompagner le versement de l'API pour qu'elle corresponde réellement et concrètement à une période tournée autour de l'accueil de l'enfant et de la valorisation des liens familiaux ». En outre, «  pour éviter la perversité de la condition d'isolement et encourager le maintien du lien avec le père », le cumul d'une partie de la pension alimentaire avec l'API pourrait être envisagé. Et, comme dans les familles titulaires de revenus du travail, les allocations familiales pourraient s'ajouter au RMI.

Pour parvenir à un redéploiement mieux ciblé des prestations familiales qui prenne en compte tant les modifications de comportements, l'allongement de la scolarité des enfants, que la nécessité de faciliter la conciliation vie familiale-vie professionnelle, la parlementaire avance plusieurs pistes de réflexion. Compte tenu des propositions formulées pour le premier enfant et de l'allongement du versement des allocations familiales jusqu'à 20 ans, il pourrait être envisagé de maintenir la proportion pour le troisième enfant à 32 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (contre 41 % actuellement) et de la porter à 41 %pour chacun des suivants. Et, pour plus de cohérence, les majorations pour âge devraient coïncider avec l'allongement de la scolarité et avec les âges d'entrées au collège et au lycée (+ 9 % à 11 ans, + 16 % à 15 ans). Cette mesure pourrait s'accompagner d'un ajustement analogue de l'allocation de rentrée scolaire avec l'instauration de quatre tranches (7-11 ans, 11-15 ans, 15-18 ans et 18-20 ans). D'autres suggestions visent à faciliter le choix parental en effectuant un meilleur ciblage des outils d'accueil des deuxième et troisième enfant. Ainsi, le rapport préconise de redéfinir les conditions d'attribution de l'allocation parentale d'éducation, dont une récente étude démontrait qu'elle avait conduit des femmes à faible qualification et à revenus modestes à s'éloigner durablement de l'emploi (6), d'allonger le congé de maternité de trois mois ou encore de faire en sorte que «  l'aide de la collectivité publique n'oriente pas économiquement le choix des familles mais permette l'accès équitable à la diversité des modes de garde en fonction de la compatibilité avec les besoins ». Pourquoi, dans cette optique, ne pas harmoniser l'allocation de garde d'enfant à domicile  (AGED) et l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée  (AFEAMA) qui ont le même objet, proratiser l'AFEAMA en fonction de la durée de l'accueil et appliquer le même barème que pour les crèches, ou continuer la réforme de l'AGED pour la rendre accessible aux familles modestes ? Ces dernières ayant aussi des contraintes d'organisation du travail incompatibles avec les gardes collectives.

La conférence de la famille doit également être l'occasion, au-delà du projet de loi d'orientation et de lutte contre les exclusions (7), de porter une attention particulière aux familles les plus pauvres en avançant des «  pistes de remèdes », insiste Dominique Gillot. Pour les enfants considérés en danger du fait des conditions de vie précaires de leurs parents ou de leurs difficultés dans leur rôle éducatif, un placement ou encore une sanction sur les allocations familiales envisagée par certains, ne devraient pas pouvoir intervenir sans que le soutien durable d'une tierce personne ne soit auparavant proposé aux parents (travailleur social du secteur AEMO, travailleuse familiale, aide-éducateur ou bénévole formé, diligenté par une association agréée à cet effet).

Enfin, parmi les mesures sans incidence financière, l'auteur préconise, suivant ainsi les recommandations de Michèle André, de conforter les parents dans leur rôle éducatif. Afin de les aider à rester à la hauteur de leurs obligations éducatives, elle insiste pour relancer le recrutement, la formation et l'emploi des travailleuses familiales. Elle invite aussi à mieux organiser la détection précoce des dysfonctionnements familiaux en créant des lieux de rencontres non stigmatisés qui permettent des échanges, comme des «  maisons de la famille » qui pourraient trouver leur place dans des lieux déjà identifiés (crèche, PMI, ludothèque, centre social...). Et, pour répondre à l'attente du mouvement familial et garantir la permanence du dialogue avec les représentants des familles, elle propose de désigner un délégué interministériel attaché au ministère de l'Emploi et de la Solidarité ainsi qu'un comité interministériel bisannuel qui pourrait être une alternative efficace à l'Observatoire de la famille demandé par certains.

Valérie Balland

Notes

(1)  Voir ASH n° 2072 du 22-05-98.

(2)  Voir ASH n° 2072 du 22-05-98.

(3)  Voir ASH n° 2073 du 29-05-98.

(4)  Voir ASH n° 2063 du 20-03-98.

(5)  Voir ASH n° 2060 du 27-02-98.

(6)  Voir ASH n° 2060 du 27-02-98.

(7)  Voir ASH n° 2072 du 22-05-98.

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