Recevoir la newsletter

Quand le partenariat ouvre les portes

Article réservé aux abonnés

Le dispositif Un toit pour tous propose des solutions adaptées à chaque famille ou personne seule en difficulté. Mais le logement n'est que la première étape d'un long parcours vers l'insertion.

C'est un coup de téléphone qui a tout déclenché. En 1994, la mairie de Créteil, dans le Val-de-Marne, appelle l'association Emmaüs au sujet de quelques « sans domicile fixe » qui se sont réfugiés autour du lac de la commune. Il s'agit alors d'imaginer des solutions d'accueil d'urgence, mais aussi de réfléchir à un dispositif global de logement, afin de répondre à des situations personnelles et familiales de plus en plus complexes : personnes seules sans abri et parfois sans papiers, familles endettées au bord de l'expulsion, ou encore foyers monoparentaux en voie de désocialisation après la perte d'un emploi. Des réunions sont alors organisées toutes les six semaines entre le centre communal d'action sociale (CCAS), Créteil solidarités - une association œuvrant dans le domaine de la santé -, Emmaüs, le Comité français contre la faim et pour le développement... Jusqu'à ce que naisse le dispositif « Un toit pour tous »   (1) et que se consolide un partenariat encore à l'œuvre aujourd'hui, entre la direction de l'urbanisme de la ville de Créteil (2), Emmaüs, Créteil habitat (3)  - le principal bailleur cristolien qui gère 5 000 logements sociaux - et la fondation Abbé-Pierre.

Un toit pour tous, ce sont trois structures qui reçoivent des publics aux parcours et aux besoins différents. La Boutique solidarité est un lieu d'accueil de jour, né en janvier 1996, conçu selon le modèle de toutes les autres boutiques de la fondation Abbé-Pierre. « Ici, les gens posent leurs sacs, respirent un peu. Ils se lavent, ils mangent, ils s'occupent de leur linge », souligne Elisabeth Broutin, responsable d'Un toit pour tous au sein de l'association Emmaüs Créteil. « Nous recevons une trentaine de personnes par jour, en majorité originaires de la commune, hébergées dans des caravanes, des squats. » Objectif : les aider progressivement à trouver un logement d'urgence, par le biais d'associations,  refaire - parfois - leurs papiers, leur trouver un emploi... pour redémarrer. Aujourd'hui, 90 % des personnes qui vivaient autour du lac de Créteil sont relogées et effectuent des petits boulots. « Pour le public de la Boutique, nous travaillons essentiellement avec le pôle RMI du CCAS, les associations locales d'insertion et Créteil solidarités, précise Elisabeth Broutin. Celle-ci dispose d'un réseau de 60 médecins bénévoles. Ainsi, nous agissons vraiment sur la personne dans sa globalité. »

Des logements d'insertion

Le dispositif Un toit pour tous comprend également 27 logements d'insertion, mis à disposition par les bailleurs, Créteil habitat notamment, selon le principe des baux glissants. Dans ces appartements disséminés un peu partout dans la ville, des familles expulsées ou confrontées à de graves difficultés financières vont, peu à peu, retrouver leur autonomie, réapprendre à gérer leur budget, chercher du travail avec l'aide de l'équipe d'Un toit pour tous - composée, entre autres, d'une assistante sociale, d'une éducatrice spécialisée, d'un animateur socio-culturel et de 20 bénévoles. Il s'agit aussi, pour ces familles, d'apprendre à s'intégrer dans leur nouvel immeuble, dans leur nouveau quartier. Car, selon Elisabeth Broutin : « Il n'y aura jamais d'insertion par le logement réussie si l'on ne travaille pas sur l'ensemble des composantes de l'insertion : le travail, la culture et surtout l'aptitude des gens en difficulté à s'ouvrir aux moins chanceux et à leur proposer de l'aide. » C'est également ce que souligne Bernard Boutboul, adjoint au maire, en charge de l'action sociale et conseiller général. « Les associations et les pouvoirs publics ne peuvent pas se substituer aux relations individuelles, à la citoyenneté, au rôle joué par la famille. » Cela dit, en deux ans, la moitié des familles accueillies sont parvenues à une réelle autonomie. Mais, même lorsqu'elles arrivent à payer leur loyer régulièrement, Elisabeth Broutin ne les lâche pas, comme elle le dit elle-même : elle prend le temps de vérifier qu'un nouvel équilibre a vraiment été atteint.

Travail en réseau

Pour ce faire, elle fait encore appel à ses partenaires : mairie, bailleurs, CCAS, régies de quartier, associations d'insertion. « Quand on se retrouve avec une femme seule qui n'a plus de carte d'identité, qui a perdu son emploi et son ami, dont le fils de 16 ans ne va plus à l'école, on ne sait pas quoi faire..., avoue la responsable d'Un toit pour tous. Alors, on téléphone à tout le monde  dans ce cas précis, nous avons signé un contrat de location pour elle,  nous nous sommes arrangés pour qu'elle se présente à un concours même sans ses papiers, nous avons trouvé des fonds pour qu'elle passe le permis. La régie de quartier cherchait quelqu'un pour refaire les peintures, c'est son fils qui a été choisi. On tire la sonnette d'alarme et tout le monde répond. »

En plus de ce travail en réseau, Un toit pour tous a favorisé la création d'une commission interbailleurs qui permet de travailler en amont et de proposer à des familles risquant l'expulsion d'intégrer ces logements d'insertion. Cette commission se réunit une fois par mois et regroupe les partenaires déjà cités (Emmaüs, bailleurs sociaux, ville) et la préfecture à laquelle sont soumises les demandes d'expulsion. « Nous sommes une quinzaine et nous évoquons les difficultés de chaque famille, explique Elisabeth Broutin. Ensuite, nous disons : qui les veut ? Ce sont toujours les mêmes bailleurs qui répondent. Mais lors de notre dernière rencontre, l'un d'eux a pris trois familles, c'était la première fois en trois ans. Donc, les choses évoluent doucement. » En 1997, sur 71 familles menacées d'expulsion et traitées par la commission, 8 sont parties d'elles-mêmes, 46 ont pu être relogées, 13 ont refusé de partir - leur situation étant toujours en cours de traitement. Conclusion : 4 familles « seulement » ont bel et bien été expulsées.

Enfin, troisième structure mise en place par Un toit pour tous : Résid'Etape, soit 35 logements, de la studette au trois pièces, qui s'adressent à des familles en démarche d'insertion, dans une situation de transition, en attente d'un logement, par exemple. Ici, le suivi social est moins intense, mais un référent peut néanmoins suivre une famille et lui procurer l'aide dont elle a besoin.

Trois ans et demi après le lancement du dispositif, les acteurs sociaux cristoliens ne se considèrent pas au bout du chemin : d'autres solutions restent à inventer afin que plus personne ne puisse passer au travers des mailles du filet. Ils envisagent, notamment, la création de pensions de famille : ce pourrait être un moyen terme entre une structure collective trop rigide et un logement isolé dans lequel certains locataires avouent souffrir de solitude. Mais le débat s'élargit encore : « Les ménages en difficulté n'ont pas tous besoin du dispositif Un toit pour tous », fait remarquer Fabienne Hardy, responsable de l'habitat au sein de la direction de l'urbanisme de la ville de Créteil. « Mais nous devons réfléchir à l'amélioration du logement social, en facilitant l'accueil des familles en situation difficile. » Pour cela, Créteil a créé une conférence communale du logement, qui ne s'intéresse pas uniquement aux zones urbaines sensibles - comme le prévoit la loi - mais à l'ensemble de la ville. Selon Fabienne Hardy, c'est un peu la suite logique d'Un toit pour tous. « La question du logement n'existe pas uniquement pour les exclus et les marginaux. Les solutions que nous imaginons ne sont plus l'exception, elles doivent être globales tout en restant souples. » Ainsi, la conférence travaille-t-elle sur les dysfonctionnements du parc social de Créteil. Car, et c'est sans doute l'une des limites de l'ensemble de l'entreprise cristolienne, les logements sociaux restent encore trop chers. « Quelquefois, au sein de la commission d'attribution de HLM, nous réagissons violemment, car nous savons que si l'on octroie tel appartement à telle famille, nous l'envoyons dans le mur. Nous savons déjà qu'elle ne pourra pas payer ! D'où la nécessité de rechercher sans cesse des réponses nouvelles et adaptées au cas par cas », explique Elisabeth Broutin. Bernard Boutboul, quant à lui, évoque de nouvelles solutions politiques : « Pourquoi ne pas imaginer des variations de loyers en fonction des revenus ? Après tout, il y a déjà des surloyers, dont le produit va à l'Etat. Ils pourraient servir à compenser des montants moins élevés. Là, il y aurait vraiment mixité et équité. »

Partenariat et volonté politique

Autres limites, citées par la ville et Emmaüs :l'ampleur des difficultés de certaines familles  l'explosion du chômage qui ne facilite guère le retour à l'autonomie  la rigidité de certains services : « Quelquefois, une jeune mère de famille trouve un emploi, mais elle ne peut pas faire garder son enfant car les crèches ouvrent trop tard ! » Et le fait également que certaines institutions, comme la Justice par exemple, ne jouent pas réellement le jeu du partenariat. Car - on l'aura compris - c'est cette communication tous azimuts et ce travail d'équipe permanent qui fait la force d'Un toit pour tous. Sous-tendus, il est vrai, par une volonté politique forte de la part de la commune. « Lorsque nous, association, faisons de l'accompagnement social, nous savons que derrière, il y a des réponses. Il y a des logements, des moyens mis à notre disposition », précise Elisabeth Broutin. Celle-ci, dont la forte personnalité n'est sans doute pas pour rien dans le dynamisme de la démarche cristolienne, poursuit : « Nous collaborons avec des gens qui partagent nos valeurs. Au fond, tout le monde a envie de redonner une chance à ceux qui connaissent des difficultés. »

Du point de vue de Bernard Boutboul, l'avenir du travail social passe de toute façon par le partenariat : « Les situations des personnes sont de plus en plus dégradées et compliquées. On ne peut plus se permettre de les balader d'une institution à l'autre, il faut penser en termes de guichet unique. Mais pour cela, il faut des direc-tives claires, des messages politiques forts, pour que localement les acteurs sociaux se mettent à travailler ensemble. Cela dit, l'échelon départemental est un écueil : il n'est pas assez proche des administrés. »

Pour autant, tout ne s'est pas fait en un jour à Créteil : ici comme ailleurs, il a fallu décloisonner, reconnaître les compétences des uns et des autres, laisser mûrir ce partenariat. Mais aujourd'hui, Sophie Le Renard, chargée de mission au sein de Créteil habitat, estime que sans ce travail d'équipe certaines familles n'entreraient pas dans les logements sociaux : « Ensemble, nous sommes plus forts et plus efficaces, nous parvenons à dénouer des crises ».

Anne Ulpat

LES SUBVENTIONS D'UN TOIT POUR TOUS

En 1997, Un toit pour tous a fonctionné à l'aide des subventions suivantes :

 Main-d'œuvre urbaine et sociale (Mous)  : 200 000 F

 Ville : 274 000 F (fonctionnement)

 CCAS : 60 000 F (accompagnement social)

 DDASS :- 50 000 F (vacation d'une psychologue) - 100 000 F (pauvreté-précarité) - 230 000 F (suivi des familles)

 Fonds de solidarité pour le logement : 100 000 F

 Fonds d'action sociale : 100 000 F

 Fondation Abbé-Pierre :50 000 F

Notes

(1)  Un toit pour tous - Emmaüs Créteil : 9, rue du Docteur-Ramon - 94000 Créteil - Tél. 01 49 56 13 81.

(2)  Direction de l'urbanisme : Place Salvador-Allende - 94000 Créteil - Tél. 01 49 80 92 94.

(3)  Créteil habitat - Semaec : 7, rue des Ecoles - BP 35 - 94001 Créteil cedex - Tél. 01 45 17 40 00.

LES ACTEURS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur