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« À PROPOS DE LA RÉFORME DE LA LOI DU 30 JUIN 1975 SUR LES INSTITUTIONS SOCIALES ET MÉDICO-SOCIALES »

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Le chantier de la réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales se poursuit « avec détermination et humilité » , affirme le directeur de l'action sociale. Pierre Gauthier, qui présente ici les objectifs de ce texte (1), annonce d'ailleurs qu'un avant-projet devrait bientôt voir le jour.

« Un nouveau document de travail est actuellement communiqué aux principaux partenaires de l'Etat dans le cadre d'un deuxième tour de concertation, bilatérale, lequel devrait très rapidement permettre au gouvernement d'arrêter un avant-projet de loi. »

« Cet avant-projet sera présenté à son tour à l'avis d'instances consultatives, dont le CSTS et le CNCPH. »

Réforme, actualisation ou refonte ?

« Le choix des termes n'est pas neutre. »

« Actualiser ne désigne qu'improprement les intentions du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Certes, il convient, sans en altérer l'esprit, d'adapter une nouvelle fois (pensons aux modifications apportées en particulier en 1986) un texte ancien à une réalité qui a évolué. Mais bien au-delà de la n-ième correction de tel ou tel de ses aspects, il s'agit, pour des raisons majeures de lisibilité, de la complète réécriture de ce texte (devant s'inscrire au demeurant dans le futur code de l'action sociale). »

« Au surplus trois circonstances sont venues bouleverser l'état de fait qui a présidé à l'adoption de la loi de 1975 : le resserrement des contraintes financières (même si les dépenses de ce secteur n'ont jamais été aussi importantes, et si une progression régulière de celles-ci reste à prévoir pour les années qui viennent), le transfert au département de la gestion, sauf exceptions, de l'aide sociale, enfin la montée de l'exclusion dans notre pays. »

« Le terme de refonte, parfois employé, est aussi inexact car l'esprit qui inspire la loi qui a fondé l'organisation contemporaine des institutions sociales et médico-sociales dans notre pays doit être conservé : celui d'une action sociale largement sociétale (même si les CCAS représentent la forme organisée la plus ancienne de l'action sociale dans notre pays) mais partiellement encadrée et/ou relayée par les collectivités publiques à trois niveaux : celui du cadre juridique, celui des financements, celui de la définition conventionnelle d'objectifs. »

« La gestion directe (CCAS, service social de santé scolaire, la majorité des dispositifs d'ASE ou de PMI, une partie du secteur de la PJJ, la majorité des maisons de retraite) coexiste avec les dispositifs conventionnés, sur des bases aléatoires, “historiques” plus que de partage rationnel des tâches. A la limite peut-on avancer que la gestion directe recouvrirait des fonctions (par exemple foyer de l'enfance) proches de prérogatives de puissance publique alors que le secteur associatif, plus réactif, serait, par nature presque seul sur les “fronts” nouveaux (par exemple aide aux créateurs d'entreprises, insertion par l'économique, pensions de famille). Mais ce sont là des hypothèses parfaitement discutables. »

« “Actualisation” étant insuffisant, “refonte” excessif, on s'en tiendra au beau mot de réforme. »

Qu'y a-t-il donc dans le projet de l'administration dans son état actuel ?

« Ses objectifs - exposés à maintes reprises mais chaque fois dans un cadre plus ou moins restreint - sont, pour simplifier à l'extrême, de trois ordres : »

  « Il s'agit en premier lieu de mieux couvrir le champ social pour des raisons à la fois de reconnaissance et de sécurité juridique. Cette extension, déjà amorcée dans le projet de loi de lutte contre les exclusions, ne répond pas à quelque volonté de normalisation (elle est du reste réclamée de divers côtés). Au contraire, on facilitera les innovations, auxquelles l'article 4 ne fournissait qu'un accueil incertain.

« On insistera sur la volonté de bien marquer un dégradé de situations entre le noyau dur des institutions soumises à autorisation et bénéficiant d'une habilitation, d'un conventionnement et d'un financement, et la zone périphérique, de la liberté associative d'intervenir - dont on constate pour s'en réjouir qu'elle s'étend. »

  « Il s'agit ensuite d'assurer une meilleure couverture du territoire par des équipements ou services, le plus souvent privés, dont la fonction d'intérêt général est incontestable. Les Français connaissent mal leur géographie en général, et leur géographie sociale en particulier. Ils ignorent en général que celle-ci est faite d'inégalités.

Ils se sont émus des écarts entre les montants de la PSD en établissement arrêtés d'un département à l'autre (non de 1 à 10 mais de 1 à 3, ce qui est déjà considérable), sans savoir que l'on retrouve des écarts comparables -voire supérieurs - dans l'implantation des établissements dans des secteurs relativement anciens (éducation spéciale) ou plus récents (MAS) de l'action sociale, ces secteurs relevant de la compétence exclusive de l'Etat.

« Le développement du secteur social et médico-social ne peut avoir qu'une priorité absolue : combler les retards des zones sous- équipées, ce qui suppose des schémas d'organisation. Il semble plus important qu'ils soient d'une qualité susceptible d'emporter l'adhésion que juridiquement opposables, pour organiser : les redéploiements à partir du secteur hospitalier, l'allocation des moyens provenant de mesures nouvelles de financement. »

« Cette allocation doit être organisée par ces schémas, planifiée dans le temps (c'est pourquoi l'annonce récente d'un plan pluriannuel de places destinées à l'accueil de personnes adultes lourdement handicapées revêt une importance considérable car elle permet de passer d'une logique de saupoudrage aléatoire à une autre logique, celle des choix conscients). »

  « Il s'agit enfin d'arriver à une meilleure prise en compte de l'usager -n'attendons pas qu'il la revendique avec force, ce qui ne saurait tarder.

« C'est la partie peut-être la plus novatrice du projet, à défaut d'être la plus achevée. Le sujet est trop important et difficile pour qu'on s'en remette aux gadgets juridiques. La concertation permettra sans aucun doute de progresser dans la voie d'un texte à la fois audacieux et réaliste. »

Ce que cette réforme ne sera pas

  « Une réforme de la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales : ce dossier difficile, où il n'y a pas de solution simple, avance mais il relève d'autres textes (couverture maladie obligatoire notamment), gardons-nous en tous les cas d'ajouter l'instabilité à la complexité. Le projet de réforme de la loi de 1975, avec des outils simples et souples, vise à faciliter le partenariat. Pas plus.

  « La solution aux problèmes quantitatifs - il y en a - ou de fonctionnement des établissements (organisation du temps de travail par exemple). Elle fournira un cadre juridique modernisé d'organisation du secteur, condition préalable à de nouvelles avancées. Ce cadre renouvelé transcende les clivages pervers (sanitaire/social, établissement/milieu ouvert, public/privé). Les problèmes de moyens trouvent leurs réponses - pour partie compte tenu de la diversité des financeurs - dans les lois de financement de la sécurité sociale, dans lesquelles le secteur médico-social bénéficie depuis quelques années d'un taux directeur supérieur à celui de l'hôpital ou de la médecine de ville, ou dans le budget de l'Etat pour les CAT et CHRS notamment.

« Le projet de loi proposera de traduire, dans le droit, ainsi que cela a été annoncé à diverses reprises au Parlement, à l'instar de ce que connaissent depuis deux ans hôpitaux publics ou privés, les contraintes d'enveloppe que nous connaissons depuis plus de 15 ans. Problème quantitativement marginal, mais auquel certains donnent une forte charge symbolique. S'il n'est pas question de toucher au contentieux tarifaire, celui-ci ne peut plus ignorer les disciplines budgétaires qui sont désormais inscrites dans notre appareil législatif - ou doivent l'être plus clairement. »

  « Une loi de “déréglementation”, que certains auraient, semble-t-il, souhaitée : l'article 16 sur l'agrément des conventions collectives est maintenu, les exigences de qualification seront renforcées. Les responsabilités de chaque acteur seront mieux définies et réaffirmées.

  « Une réforme de la loi du même jour (nº 75-534) d'orientation en faveur des personnes handicapées - dont nous considérons qu'il convient qu'elle soit pleinement mise en œuvre -notamment dans son volet intégration - avant qu'il y ait lieu de songer à la modifier.

  « Un décalque de solutions hospitalières, étant posé que les deux secteurs relèvent de logiques différentes. Pour autant certaines règles mises en place dans le secteur hospitalier ne doivent pas être rejetées pour cette seule raison. On pense en particulier à la procédure des fenêtres d'examen comparatif des demandes d'autorisation de création - qui permettrait de rompre avec la logique du “premier arrivé, premier servi”. On pense aussi aux outils de coopération entre établissements, qui devraient fortement intéresser un secteur émietté à l'extrême (pourquoi donc lorsqu'une opération d'humanisation conduit à la création d'une part d'une maison de retraite, d'autre part d'une MAS, ces deux services ne peuvent-ils pas avoir le même directeur ?).

« Par contre le projet ne fait pas référence aux mécanismes d'accréditation  il est - par ailleurs - pour l'application des schémas de planification, beaucoup moins rigide que les textes hospitaliers et reste fidèle aux mécanismes de planification souple, “à la française”. »

Un texte à compléter et à travailler

« Plusieurs rapports d'inspections générales sont attendus pour les semaines qui viennent : celui sur les politiques d'aide à domicile, de M. Thierry et de Mme Hespel, celui consacré à la tutelle aux majeurs protégés, celui consacré à l'AAH et aux Cotorep. Il est possible, voire probable, que certaines de leurs propositions pourront alimenter le projet de réforme de la loi sur les institutions sociales et médico-sociales. Il en va de même du groupe de travail qui réfléchit au Conseil d'Etat sur le fonctionnement de l'aide sociale. Le grand débat, enfin, qui se tient en ce moment au Parlement sur la prévention et la lutte contre les exclusions - outre qu'il conduira à traiter par anticipation certains articles de l'actuelle loi (art. 3, art. 29), ne manquera pas de conclure par un certain nombre de commandes nouvelles, ou d'éclairages nouveaux, au chantier de la réforme de la loi nº 75-735 du 30 juin 1975. Un chantier qui se poursuit avec détermination et humilité. »

Pierre Gauthier Directeur de l'action sociale Ministère de l'Emploi et de la Solidarité 75696 Paris cedex 14 -Tél. 01 44 36 90 00.

Notes

(1)  Les intertitres sont de l'auteur.

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