ASH : Vous venez de boucler une étude sur le réseau médico-social mis en place, il y a environ quatre ans, à Béziers, à l'initiative du service communal de santé publique. Quels sont les objectifs de cette expérience et en quoi est-elle significative ? P.A.V.-N. : Au départ, il s'agissait de permettre à l'ensemble des acteurs du secteur sanitaire et social[travailleurs sociaux, personnels administratifs, infirmiers, médecins... ] de travailler ensemble autour de deux objectifs prioritaires. D'une part, faire en sorte que les populations démunies accèdent plus facilement à leurs droits et, d'autre part, conforter un partenariat opérationnel entre les différentes organisations concernées. Evidemment, on peut dire que c'est banal dans la mesure où, à Béziers comme ailleurs, un certain nombre de réseaux informels existaient déjà. Mais l'intérêt du système actuel est d'avoir formalisé ces initiatives, nécessairement limitées, grâce à un important travail de mise en commun qui a débouché, entre autres, sur l'amélioration de l'accueil, la définition d'actions spécifiques et la formation par acculturation réciproque. D'ailleurs, toutes les personnes que j'ai interrogées ont trouvé l'expérience positive. Certaines disent même qu'elle a transformé leur façon de travailler. ASH : Actuellement, dans le secteur sanitaire et social, on tend à concevoir le réseau comme une sorte de panacée. Or, l'expérience de Béziers montre que ça n'est pas si simple. Pourquoi ? P.A.V.-N. : Ce serait une erreur de penser que le réseau constitue une solution idéale. Au contraire, s'il s'agit d'une démarche adaptée à la société actuelle, c'est qu'elle n'apporte pas de réponse définitive. Une organisation classique se fixe des objectifs précis et définit un certain nombre de normes. Le réseau, lui, rassemble des gens dont les buts ne sont pas nécessairement convergents et peuvent même être opposés. En y entrant, on accepte donc le jeu du conflit car le but n'est pas de sécuriser ses membres mais de mettre à jour les problèmes et les dysfonctionnements de toutes sortes qui bloquent l'accès au système de santé des personnes en difficulté. C'est ce qui fait sa force, même si ça ne résout pas tout. Car le système comporte quelques faiblesses. Ainsi, comme il s'agit forcément d'une structure souple et assez labile, ses frontières et le rôle de chacun restent flous. Autre fragilité du réseau : il repose, avant tout, sur des rapports interpersonnels et des hiérarchies informelles liées à la fonction ou au charisme de telle ou telle personne. Il n'y a donc pas de véritable égalité en son sein et sa pérennité n'est pas garantie. ASH : Pour pallier, au moins en partie, ces inconvénients, vous proposez d'élaborer une charte. Dans quel but ? P.A.V.-N. : Il faut bien voir que, même pour ses membres, le réseau demeure une structure virtuelle. A Béziers, ce qui le matérialise ce sont des réunions de travail, des comptes-rendus, des séances de formation et un fichier ressources où sont recensés tous les participants ainsi que leur mission. Néanmoins, il manque encore quelque chose qui lui donnerait une véritable visibilité. D'où l'idée d'une charte qui préciserait, noir sur blanc, ses grandes orientations et qui permettrait d'élaborer un code déontologique. Car, évidemment, dès que l'on parle de coopération entre les acteurs du sanitaire et du social, le problème de la confidentialité et de la circulation de l'information se pose. Dans ce domaine, une charte apporterait une certaine sécurité. Propos recueillis par J.V.
(1) Le réseau médico-social de Béziers - Evaluation de son animation - Pierre A. Vidal-Naquet - Centre d'étude et de recherche sur les pratiques de l'espace : 22, rue Ornano - 69001 Lyon - Tél. 04 78 28 67 94 - 60 F.