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L'évolution des fonctions des travailleuses familiales

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Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité s'est récemment attelé à une refonte de la formation des travailleuses familiales. Un chantier qui devrait voir le jour à la rentrée 1999 et qui vise à calquer la formation de ces professionnelles sur celle des autres travailleurs sociaux. Dans une récente étude que les ASHont réussi à se procurer, un groupe de travail, réuni à l'initiative de la direction de l'action sociale, a cherché à identifier les évolutions de leurs fonctions. Ce document va être transmis au Conseil supérieur du travail social pour servir de base à la future réforme.

« Il faut dire les choses comme elles sont. Le métier de travailleuse familiale est en danger dans un champ professionnel à reconquérir », déclarait, il y a peu, Pierre Gauthier, directeur de l'action sociale, lors d'un colloque organisé par l'Union nationale aide à domicile en milieu rural. Face aux bouleversements intervenus dans le secteur de l'aide à domicile depuis quelques années, la direction de l'action sociale, désireuse de cerner les mutations des fonctions de ces professionnelles, a constitué, fin 1996, un groupe de travail (1). Résultat : un document technique d'une quinzaine de pages rédigé par Patrick Leconte, chargé d'études à l'Institut d'administration des entreprises de Tours, et qui décrypte les compétences des travailleuses familiales et leurs évolutions. Alors que s'est engagée une réflexion ministérielle sur les adaptations des dispositifs et des programmes de formation (2), ce document est« à même de favoriser l'émergence de nouveaux contenus de formation et la suppression de disciplines obsolètes », notent les auteurs.

Le groupe de travail s'est interrogé sur la place occupée ou à occuper par les travailleuses familiales au sein d'une action sociale de proximité, entendue ici comme « toute action, toute relation dirigée vers des individus, des familles ou des groupes à partir du domicile ». Son champ exclut donc celui de l'aide à domicile qui fait actuellement l'objet d'un contrat d'étude prospective  (CEP), dont les résultats sont attendus très prochainement.

Le principal enseignement de cette contribution collective est de montrer que, parallèlement aux fonctions professionnelles et aux secteurs traditionnels d'emploi (aide à l'enfance et à la famille), émergent de nouvelles fonctions (le travail en maison d'accueil auprès d'enfants, l'aide et l'accompagnement de patients toxicomanes en maison d'hébergement, le recrutement de personnels auxiliaires de vie pour une association intermédiaire et mandataire...) qui « n'amènent pas à conclure à un éclatement de la profession en une multitude et variété de métiers » mais « constituent davantage une mobilisation des savoir-faire des travailleuses familiales dans de nouveaux contextes d'intervention [...] ». L'évolution des demandes des familles et des interlocuteurs (institutionnels, partenaires...) des travailleuses familiales ouvre en effet leurs pratiques à de nouveaux champs et finalités professionnels.

L'évolution des pratiques professionnelles

UNE ÉVOLUTION PAR ET AVEC LA « LOI »

L'étude appréhende tout d'abord l'évolution des missions des travailleuses familiales à travers les diverses définitions de la profession.

Première d'entre elles, celle donnée par lacaisse nationale des allocations familiales. Aux objectifs et critères des interventions « traditionnelles »  - « apporter une aide temporaire aux familles en difficulté qui permette aux parents et aux enfants de ne pas se disperser et de surmonter une période de vie difficile sur le plan matériel et/ou affectif »  - la caisse ajoute, dans une circulaire de 1994 (3), une clause et une dimension sociales et éducatives : « le choix d'une travailleuse familiale plutôt que d'une aide-ménagère doit être justifiée par le besoin, par-delà l'aide matérielle, d'un soutien psychologique et éducatif ». Elle reconnaît, par ailleurs, le rôle des travailleuses familiales dans des  « projets d'actions finalisées » qui sont des actions collectives à forte dimension éducative, réalisées dans le cadre de l'action sociale territorialisée, menées en partenariat avec d'autres travailleurs sociaux. « La travailleuse familiale y occupe une place privilégiée : elle est alors à l'initiative du projet », souligne l'étude. Cette place dans l'action socio-éducative a également été reconnue dès 1975 dans les textes relatifs à l'organisation des services d'aide sociale à l'enfance et de protection maternelle et infantile. Les conseils généraux ont  « sensiblement, mais avec de fortes disparités géographiques », développé ce type d'intervention au cours des 10 dernières années. De même,« mais de manière encore marginale », les collectivités publiques recourent-elles à des travailleuses familiales dans le cadre des politiques d'intégration des familles rejoignantes, des politiques d'insertion et des politiques de la ville.

De son côté, la convention collective du 2 mars 1970, qui régit cette profession, a également pris en compte l'évolution des pratiques professionnelles, en modifiant dès 1993, l'article définissant leurs fonctions. Lequel stipule en effet que « la travailleuse familiale est un travailleur social » qui « organise ou réalise, à partir du domicile, des activités de vie quotidienne et assure une action socio-éducative concourant notamment aux objectifs suivants : suppléance parentale  prévention  éducation  insertion sociale et lutte contre l'exclusion  animation ».

UNE « APPROCHE SOCIALE GÉNÉRALE »

Une extension du champ professionnel

« Plus que des situations de travail totalement innovantes, les nouvelles pratiques professionnelles des travailleuses familiales s'apparentent à un élargissement de leurs champs d'exercice habituel au domaine social », note l'étude. Leurs interventions, aujourd'hui, ne concernent plus exclusivement la famille« mais s'appliquent également à des populations, à des personnes seules ou à des groupes ».

L'auteur repère ainsi« l'émergence d'une logique de développement et d'insertion sociale »  : il s'agit pour la travailleuse familiale « d'aider la personne à agir, dans et avec un collectif, pour l'amener à résoudre ses difficultés et prendre sa place dans la société ».

Un élargissement des interventions...

Si le maintien des activités de la vie quotidienne (habitat, santé, budget, hygiène, alimentation...) reste partie intégrante des compétences des travailleuses familiales, leur intervention s'élargit ainsi pour « passer d'une action socio-éducative à une approche sociale générale », relève l'étude. C'est « l'objet »même de la travailleuse familiale qui évolue :son action vise le groupe et chacun de ses membres et elle intervient en complémentarité des autres professionnels.

Ce qui implique un élargissement des techniques. Celles-ci, se référant désormais « à l'action sociale de proximité et aux méthodes de l'intervention sociale », passent par l'apprentissage, l'appropriation, la mise en œuvre d'une méthodologie d'intervention sociale. Et c'est par les activités techniques de la vie quotidienne que la relation avec l'usager peut se construire. De plus, si elle reste « résolument familiale », l'action de la travailleuse familiale s'ouvre de plus en plus à l'extérieur du domicile constituant un relais, un médiateur entre un collectif, un individu et des structures instituées (par exemple, la participation à une bourse aux vêtements dans un quartier, à des coopératives d'achats...). Voire, la collaboration au développement social local à travers les dispositifs de la politique de la ville (développement social urbain, développement social des quartiers...).

Enfin, les capacités d'évaluation de situations paraissent « déterminantes » et sont « au cœur de la profession ».

... qui implique de nouvelles activités

De ces évolutions émergent donc de nouvelles activités :

•  « l'accompagnement du public et la fragilisation des situations (par le cumul de difficultés multiples génératrices d'exclusion) obligent la travailleuse familiale à acquérir de nouvelles connaissances 

• la contribution à l'élaboration, la mise en œuvre et l'animation d'actions collectives avec des partenaires extérieurs et internes à son association (animation d'ateliers, bourses aux vêtements, aide aux devoirs, réseau d'échanges de savoirs, jardins familiaux...)  

• le travail en partenariat dans la mise en œuvre du projet collectif et individuel en appui des travailleurs sociaux et à leurs demandes 

• l'intervention auprès d'un individu dans sa relation au groupe et à l'environnement (socialisation, insertion)  ».

La définition de la travailleuse familiale par ses compétences

L'évolution des missions et des activités de la travailleuse familiale engendre de nouvelles compétences. Certaines, comme celles relevant des méthodologies de l'intervention sociale, doivent être affirmées. Il s'agit, selon l'étude, « de cerner les besoins ou attentes des familles (de passer du niveau famille unique à celle de population familiale ou non)   d'en déduire le projet le mieux à même de les satisfaire (en tant que prolongation de son action au sein de la famille)   de le construire avec des partenaires et des membres de son association  de préparer et d'accompagner les publics et chacun de ses membres à son implication dans le projet  de l'animer et d'en tirer les conclusions quant à son efficacité ».

Par ailleurs, estiment les auteurs, de nouvelles techniques d'intervention auprès de collectifs (construction, animation... du projet) devraient être intégrées dans la formation.

Valérie Balland

Trois emplois « atypiques » de travailleuses familiales

En plus des emplois « traditionnels », de nouveaux champs de recrutement s'ouvrent, parmi lesquels trois semblent avoir une certaine importance numérique.

• La travailleuse familiale en aide éducative en milieu ouvert (AEMO) a notamment pour fonction d'engager des démarches auprès des institutions (écoles, centres sociaux...), d'animer des activités se déroulant à l'intérieur du service pour des groupes d'enfants, d'adolescents... (information/discussion sur des thèmes comme la maltraitance...), de participer à des camps de loisirs, de constituer et d'animer des groupes de paroles de femmes. Son action vise aussi bien les parents que les enfants.

• La travailleuse familiale en crèche parentale (souvent l'un des parents qui s'est formé) accueille les enfants et anime des activités, organise et supervise le planning de parents bénévoles, dirige les femmes de ménage, assure les approvisionnements et les achats ainsi que la gestion administrative.

• La travailleuse familiale en service d'éducation et de soins à domicile  (SESAD), dont la mission résulte d'une convention passée entre un département et une association, a pour activité de prévenir le placement d'enfants après jugement des parents par le tribunal pour enfants. Elle intervient auprès des familles en difficulté par des actions éducatives auprès des parents et des enfants sur les thèmes de l'aide aux devoirs, du suivi médical et psychologique.
On peut également trouver, selon les départements, des travail-leuses familiales en actions éducatives administratives ou dans le champ aide à domicile de l'aide sociale à l'enfance ou encore comme maîtresses de maison d'accueil. Autant de nouveaux emplois qui soulignent la diversité statutaire des contrats de travail : si certains emplois sont régis par la convention collective du 2 mars 1970, d'autres dépendent de la convention collective de 1966, d'autres, enfin, de dispositions créées particulièrement pour le recrutement de la travailleuse familiale.

Notes

(1)  Composé de professionnels, d'employeurs, de responsables d'instituts de formation, de partenaires sociaux, de membres de la DAS et de DRASS ainsi que de la caisse nationale des allocations familiales.

(2)  Voir ASH n° 2069 du 2-05-98.

(3)  Lettre-circulaire CNAF n° LCI 140 du 6 mai 1994, voir ASH n° 1880 du 19-05-94.

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