Le « Bilan formation- emploi » 1996

L'INSEE vient de publier les résultats du dernier « Bilan formation-emploi »   (1). Produit d'un travail commun avec le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) et le ministère de l'Education nationale, ce document, qui existe depuis 1978, a toujours pour objectif d'offrir «  un cadre permettant de décrire de façon chiffrée les flux d'insertion des jeunes ». Combien de jeunes sortent du système éducatif ? Que deviennent-ils après la fin de leurs études ? Afin de répondre à ces questions pour la période 1991-1996, le bilan a subi une profonde réforme méthodologique. Une rénovation qui avait notamment pour but «  de rendre mieux compte que par le passé de la complexité croissante des transitions entre la sortie du système éducatif et l'entrée dans la vie active  », précise l'INSEE. La situation du marché de l'emploi et l'allongement de la durée des études ont en effet rendu obsolète l'idée d'un «  passage quasi instantané entre un état d'inactif étudiant et un état d'actif travaillant ».

Ainsi, les jeunes, qui ont profité de l'effort accompli pour les mener en plus grand nombre au baccalauréat, étudient en 1996 en moyenne près de deux ans de plus que leurs aînés du milieu des années 80 et cinq ans de plus qu'en 1960. Les bacheliers poursuivent massivement des études dont la durée s'allonge. Les auteurs observent donc un phénomène de «  rétention » dans le système éducatif, les « sortants » par génération étant moins nombreux. Ainsi, à 20 ans, plus de la moitié des jeunes poursuivent encore une formation, soit 30 % de plus qu'il y a dix ans. Sortant plus âgés de formation initiale (en moyenne à 21,6 ans), ils sont aussi plus diplômés : en 1995, 273 000 jeunes quittent le système éducatif avec un diplôme de l'ensei- gnement supérieur contre 120 000 à la fin des années 70. Or le diplôme reste une protection contre le chômage. Car si, en mars 1996, quatre jeunes actifs sur dix sont au chômage et plus de six actifs non diplômés, seuls trois actifs diplômés du supérieur sont touchés. L'inégalité face au chômage concerne aussi les femmes : à diplôme égal  «  les jeunes actives connaissent des difficultés spécifiques d'insertion ». Elles sont plus au chômage et occupent des emplois moins qualifiés que les jeunes hommes.

Autre phénomène marquant de ces dernières années : malgré un niveau de qualification plus élevé des jeunes, la part des emplois qualifiés s'est dégradée entre 1991 et 1996 en début d'insertion. A cette déqualification s'ajoute la précarisation du début du parcours dans la vie active : en mars 1996, un jeune sur trois occupe un emploi temporaire moins de cinq ans après la fin de sa formation initiale et le temps partiel concerne un homme et trois femmes sur dix. En fait, et c'est peut-être ce qui illustre le mieux la situation des jeunes, ces premières années d'insertion sont chaotiques et marquées, note l'étude, par «  la multiplication des situations intermédiaires et des allées et venues ». Ils sont ainsi, en 1996, 1, 2 million d'individus de plus de 14 ans à allier formation et activité professionnelle en tant qu'étudiants salariés, apprentis ou stagiaires et 8 % des 16-25 ans connaissent ces situations mixtes. En portant enfin le regard non plus sur les sorties de formation mais sur le marché du travail lui-même, les chercheurs ont également relevé le hiatus entre la hausse du niveau de formation des actifs et la structure des emplois qui n'a pas changé au même rythme. D'où un phénomène général de déclassement pour les plus diplômés et une exclusion des moins diplômés des postes qualifiés. Le chemin qui mène de l'école à l'emploi est donc devenu tortueux et son issue incertaine. Les difficultés à trouver un emploi ramenant d'ailleurs parfois à l'école : en 1996, 120 000 jeunes sont retournés en formation après avoir interrompu leurs études.