Depuis 15 ans, l'ordonnance du 2 novembre 1945 (ord. 1945) relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France a été modifiée à de multiples reprises. Avec la loi du 11 mai 1998, dont les textes d'application devraient être publiés début juin, le gouvernement entend « faire sortir la question de l'immigration du champ du débat polémique et de l'enjeu politique » (Rap. A. N. n° 451, Gouzes). L'objectif, a précisé le ministre de l'Intérieur, est de « définir une politique généreuse mais ferme dans le domaine de l'immigration », de construire un« consensus républicain » autour de principes simples : le droit d'asile, le droit de vivre en famille, la suppression des tracasseries inutiles, la conception citoyenne de la Nation, la défense de la langue française partout dans le monde et une coopération privilégiée avec les pays de l'espace francophone (J. O. A. N. (C. R.) n° 88 du 5-12-97). Une recherche de consensus qui a échoué. L'opposition de droite s'est effectivement engagée dans une bataille parlementaire acharnée contre la loi qu'elle juge« laxiste ». Les associations d'aide aux étrangers et de défense des droits de l'Homme ont, de leur côté, regretté que les textes de la nouvelle majorité s'inscrivent dans une logique de« suspicion » comme les lois dites « Pasqua » que le candidat Jospin s'était pourtant engagé à abroger.
La loi reprend de nombreuses propositions du rapport remis en juillet 1997 par Patrick Weil au Premier ministre (1) avec, d'une part, des mesures d'assouplissement s'agissant de l'asile, du droit de vivre en famille, de la prise en compte des situations personnelles et familiales, de l'accueil des étudiants et des chercheurs et, d'autre part, des dispositions permettant d'améliorer l'efficacité des mesures d'éloignement avec notamment l'allongement du délai de rétention administrative, le renforcement des sanctions liées à l'aide au séjour irrégulier dans le cadre des filières d'immigration.
Saisi par l'opposition parlementaire, le Conseil constitutionnel a validé la loi. Deux des dispositions contestées (motivation du refus de visa pour les enfants de moins de 21 ans et présence d'un représentant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à la commission de recours statuant en matière d'asile constitutionnel) ont ainsi été reconnues conformes à la Constitution. En revanche, le Conseil a censuré l'article prévoyant de ne pas appliquer les sanctions de l'aide au séjour irrégulier aux associations à but non lucratif à vocation humanitaire, dont la liste aurait été fixée par arrêté du ministre de l'Intérieur, et aux fondations, lorsqu'elles apportaient, conformément à leur objet, aide et assistance à un étranger séjournant irrégulièrement en France (voir encadré).
La loi est applicable en France métropolitaine, dans les départements d'outre-mer (DOM) et à Saint-Pierre-et-Miquelon. La procédure de recours suspensif contre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière est désormais applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les DOM, à l'exception de la Guyane et de la commune de Saint-Martin en Guadeloupe où elle continue à ne pas être applicable pour une période de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi (art. 40 ord. 1945).
La législation relative à l'entrée des étrangers en France est modifiée sur quatre points.
Le visa constitue une des conditions d'entrée sur le territoire français. La décision de le délivrer ou non appartient à l'autorité consulaire française. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation puisqu'elle peut refuser de délivrer un visa même si les conditions posées par la loi sont satisfaites. Jusqu'à présent, les décisions de refus de visa n'étaient pas motivées auprès des demandeurs toutefois les motifs du refus étaient communiqués au juge administratif en cas de recours pour excès de pouvoir intenté devant le Conseil d'Etat. L'article 5 de l'ordonnance de 1945 prévoit désormais que « sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat », le refus de visa doit être motivé pour certaines catégories d'étrangers :
• les membres de la famille de ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne sont pas ressortissants de l'un de ces Etats. La liste en sera fixée par décret en Conseil d'Etat
• les conjoints, enfants de moins de 21 ans ou à charge et les ascendants de ressortissants français
• les enfants mineurs ayant fait l'objet, à l'étranger, d'une décision d'adoption plénière au profit de personnes titulaires d'un agrément pour adoption délivré par les autorités françaises
• les bénéficiaires d'une autorisation de regroupement familial
• les travailleurs autorisés à exercer une activité professionnelle salariée en France
• les personnes faisant l'objet d'un signalement au système d'échange d'informations de la convention de Schengen et qui ne peuvent être admises dans aucun des pays membres (2)
• certains bénéficiaires de plein droit d'une carte de résident : en particulier le titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle, les anciens combattants, le réfugié statutaire ainsi que son conjoint et ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur 18e anniversaire
• les étudiants venant en France pour y suivre des études supérieures, dans un établissement public ou privé reconnu par l'Etat, et remplissant des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.
Mis en place en 1982, le certificat d'hébergement avait pour objectif de faciliter la circulation, notamment, des membres de la famille. Accordé de façons très diverses, refusé systématiquement par certains maires, il était devenu une « vexation inutile pour les étrangers », souligne Jean-Pierre Chevènement (J. O. A. N. (C. R.) n° 92 du 12-12-97). Quant à son utilité sur le plan de la maîtrise des flux migratoires, elle n'était pas établie. Le ministre de l'Intérieur et le rapporteur ont indiqué quelques chiffres : 1, 8 million de visas sont délivrés par an pour 160 000 certificats d'hébergement, 4 800 étant refusés. Seuls 5 % des certificats sont soumis à l'Office des migrations internationales et font donc l'objet d'un contrôle effectif.
Les certificats d'hébergement sont supprimés et seront remplacés par une attestation d'accueil signée par l'hébergeant, a précisé le ministre de l'Intérieur. Cette signature sera authentifiée par une autorité publique :commissariat de police, brigade de gendarmerie, mairie ou préfecture. Comme le certificat d'hébergement, l'attestation d'accueil permettra de diminuer le niveau de ressources exigibles de la part de certains demandeurs de visas qui effectuent une visite privée ou familiale en France(J. O. A. N. (C. R.) n° 92 du 12-12-97). Un texte réglementaire doit fixer le régime de ces attestations d'accueil.
Les étrangers qui séjournent régulièrement dans un pays signataire de la convention de Schengen sont soumis à une obligation de déclaration lorsqu'ils pénètrent sur le territoire d'un autre Etat. Seuls sont dispensés de cette obligation les étrangers ressortissants de pays non soumis au visa de court séjour ainsi que les étrangers titulaires d'un titre de séjour d'une durée d'au moins un an régulièrement délivré par un Etat partie à la convention de Schengen. L'article 19 de l'ordonnance de 1945 prévoyait une peine de prison de un an et une amende de 25 000 F à l'encontre de l'étranger n'ayant pas souscrit cette déclaration. Ces sanctions sont supprimées. Est également supprimée la possibilité de prononcer une reconduite à la frontière pour ce motif.
Dans la pratique, la procédure de déclaration fonctionne mal. Le nombre de déclarations enregistrées est extrêmement faible. Dans ce contexte, les sanctions apparaissaient disproportionnées. Toutefois, la procédure de déclaration, prévue par la convention de Schengen, est maintenue.
Afin de simplifier les conditions de circulation transfrontalière des étrangers établis régulièrement en France, la loi prévoit désormais que ces derniers sont admis sur le territoire sur simple présentation de leur titre de séjour ou du document de circulation délivré aux mineurs, ainsi que d'un document de voyage(notamment le passeport). Ils ne sont plus tenus de demander, avant leur départ de France, un visa préfectoral autorisant leur retour sur le territoire.
Cette mesure a des conséquences pratiques limitées dans la mesure où les visas de retour sont supprimés depuis le 1er juillet 1997 (3) pour les titulaires d'un titre de séjour. Ils restent toutefois en vigueur, notamment pour les étrangers qui séjournent en France sous couvert d'un visa de long séjour temporaire ou qui ne disposent pas d'un titre conférant un droit au séjour (récépissé de première demande de titre de séjour, récépissé constatant le dépôt d'une demande de statut de réfugié ou d'apatride, ou autorisation provisoire de séjour).
De même, la loi supprime les visas de sortie, institués par la loi du 24 août 1993. Cette mesure est sans conséquence pratique, le texte réglementaire fixant la liste des nationalités pour lesquelles les visas de sortie étaient exigés, étant abrogé depuis le 1er novembre 1997 (4).
La loi modifie le régime des cartes de séjour temporaire et des cartes de résident. Elle crée une carte de séjour « retraité » et rétablit la commission départementale du titre de séjour, supprimée par la loi Debré du 24 avril 1997 (5).
La loi crée deux nouvelles mentions portées sur la carte de séjour temporaire et modifie la liste des étrangers bénéficiaires de plein droit de ce titre de séjour. Etant précisé qu'une circulaire d'application devait être adressée aux préfets le 12 mai.
Afin de favoriser l'accès du territoire français aux étrangers chercheurs et enseignants, la loi crée une mention « scientifique » (art. 12 ord. 1945). La carte de séjour temporaire portant cette mention est délivrée à l'étranger entré régulièrement en France pour lui permettre de mener des travaux de recherche ou de dispenser un enseignement de niveau universitaire, cette« expression devant être entendue au sens qualitatif, et non comme faisant référence à un grade ou un diplôme » (Rap. A. N. n° 451, Gouzes).
Afin de faciliter les échanges culturels, une carte de séjour temporaire mention « profession artistique et culturelle » est délivrée à un artiste-interprète ou à un auteur d'œuvre littéraire ou artistique titulaire d'un contrat de plus de 3 mois passé avec une entreprise ou un établissement dont l'activité principale comporte la création ou l'exploitation d'une œuvre de l'esprit(art. 12 ord. 1945).
La loi supprime la mention « membre de famille » et crée une nouvelle mention,« vie privée et familiale ». Elle concerne l'ensemble des bénéficiaires de plein droit de la carte de séjour temporaire, énumérés aux articles 12 biset 12 ter de l'ordonnance de 1945. Certains d'entre eux étaient déjà bénéficiaires d'une carte de séjour temporaire de plein droit sous l'ancienne législation.
Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, les 12 catégories d'étrangers suivantes bénéficient de cette carte. Dans tous les cas, ils ont le droit d'exercer une activité professionnelle.
• S'ils ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial :
• - l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son 18e anniversaire, dont l'un des parents au moins est titulaire de la carte de séjour temporaire
- l'étranger entré régulièrement sur le territoire français dont le conjoint est titulaire de cette carte.
• Seuls les enfants étaient précédemment visés.
• L'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son 18e anniversaire, qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 10 ans (sans changement).
• L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de 10 ans ou plus de 15 ans si, au cours de cette période, il y a séjourné en qualité d'étudiant.
• La condition de résidence habituelle était auparavant de 15 ans. Elle est réduite à 10 ans, sauf pour les étudiants.
• L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant français, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que son conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français.
• La loi supprime la condition d'une année de mariage qui était imposée au conjoint de Français pour bénéficier d'une carte de séjour temporaire de plein droit. Le renouvellement de la carte est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé.
• L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié à un ressortissant étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire « scientifique » à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière. Cette mesure dispense les conjoints de scientifiques de la procédure de regroupement familial.
• L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité de père ou de mère d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, la carte de séjour temporaire n'est délivrée à l'étranger que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an.
• La loi rétablit comme condition alternative l'exercice même partiel de l'autorité parentale. Elle avait été supprimée par la loi Debré du 24 avril 1997.
• L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des motifs du refus.
Est ainsi pris en compte le droit au respect de la vie privée et familiale pour prétendre à un titre de séjour. Ce droit est reconnu par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et son application a donné lieu à une importante jurisprudence du Conseil d'Etat.
• L'appréciation de la proportionnalité entre d'une part les motifs de refus du titre de séjour et d'autre part l'atteinte à la vie privée et familiale est laissée aux préfets. Des précisions seront apportées par circulaire. Le ministre de l'Intérieur a indiqué que quatre critères relatifs à la vie familiale devront être combinés : la force des liens familiaux sur le territoire français, l'existence ou l'absence de liens familiaux dans le pays d'origine, la régularité du séjour de la famille en France, la durée du séjour et la régularité de l'entrée de l'étranger (J. O. A. N. (C. R.) n° 93 du 13-12-97).
• L'étranger né en France qui justifie par tout moyen y avoir résidé pendant au moins 8 ans de façon continue, et avoir suivi, après l'âge de 10 ans, une scolarité d'au moins 5 ans dans un établissement scolaire français, à la condition qu'il fasse sa demande entre l'âge de 16 ans et de 21 ans.
• Sont concernés les jeunes qui ont vécu en France pendant au moins 8 ans et qui, après avoir suivi leurs parents dans leur pays d'origine, décident de revenir en France car ils se sentent français ou « en tout cas potentiellement susceptibles de le devenir ». L'octroi d'une carte de séjour temporaire peut contribuer à les aider à s'intégrer durablement en France (J. O. A. N. (C. R.) n° 93 du 13-12-97).
• L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % (sans changement).
• L'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile (6), ainsi que son conjoint et ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur 18e anniversaire, lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux (sans changement).
• L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire.
La loi du 24 avril 1997 avait seulement prévu que ces étrangers ne pouvaient être éloignés du territoire français alors qu'ils bénéficient désormais de plein droit d'une carte de séjour temporaire.
• L'étranger qui a obtenu l'asile territorial ainsi que son conjoint et ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur 18e anniversaire lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux (art. 12 ter ord. 1945).
A noter : La carte de séjour temporaire n'estpas renouvelable de plein droit.
Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen exerçant en France une activité économique salariée ou indépendante, ainsi que les membres de leur famille, qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle reçoivent, sauf menace à l'ordre public, une carte de séjour (art. 9-1 ord.1945) :
• valable 10 ans pour la première délivrance
• permanente à compter du premier renouvellement et sous réserve de réciprocité.
Jusqu'alors, les ressortissants communautaires bénéficiaient, lors de leur première demande, d'un titre de séjour de 5 ans, renouvelable, en principe, pour une période de 10 ans.
Aux 12 catégories (inchangées) d'étrangers bénéficiaires de plein droit de la carte de résident est ajouté un nouveau cas.
Afin de stabiliser les étrangers ayant vocation à s'intégrer en France, la carte de résident est délivrée de plein droit à l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » :
• dès qu'il remplit les conditions requises, c'est-à-dire dès qu'il entre dans l'un des cas de délivrance de plein droit prévus aux 1° à 12° de l'article 15 (voir encadré ci-dessous)
• ou, à défaut, lorsqu'il justifie de 5 années de résidence régulière ininterrompue en France.
L'étranger doit également remplir les deux conditions de délivrance de plein droit de la carte de résident (séjour régulier, absence de menace pour l'ordre public).
13 catégories d'étrangers bénéficient de plein droit de la carte de résident (art. 15 ord. 1945) :
1° l'étranger marié depuis au moins un an avec un Français à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française, et lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français
2° l'enfant étranger d'un ressortissant français si cet enfant a moins de 21 ans ou s'il est à la charge de ses parents ainsi que les ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge
3° l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins
4° l'étranger titulaire d'une rente d'accident de travail ou de maladie professionnelle versée par un organisme français dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %, ainsi que les ayants droit d'un étranger, bénéficiaires d'une rente de décès pour accident de travail ou maladie professionnelle versée par un organisme français
5° le conjoint et les enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur 18e anniversaire d'un étranger titulaire de la carte de résident, qui ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial
6° l'étranger ayant servi dans une unité combattante de l'armée française ;
7° l'étranger ayant effectivement combattu dans les rangs des Forces françaises de l'intérieur, titulaire du certificat de démobilisation délivrépar la commission d'incorporation de ces formations dans l'armée régulière ou qui, quelle que soit la durée de son service dans ces mêmes formations, a été blessé en combattant l'ennemi
8° l'étranger qui a servi en France dans une unité combattante d'une armée alliée ou qui, résidant antérieurement en territoire français, a également combattu dans les rangs d'une armée alliée
9° l'étranger ayant servi dans la Légion étrangère, comptant au moins 3 ans de services dans l'armée française, titulaire du certificat de bonne conduite
10° l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, ainsi que son conjoint et ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur 18e anniversaire lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux
11° l'apatride justifiant de 3 années de résidence régulière en France ainsi que son conjoint et ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur 18e anniversaire
12° l'étranger qui est en situation régulière depuis plus de 10 ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ;
13° l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu'il justifie de 5 années de résidence régulière ininterrompue en France (nouveau cas, voir ci-dessus).
La condition de l'entrée régulièreexigée de certains bénéficiaires de plein droit de la carte de résident est supprimée. Sont concernés les étrangers visés aux 1° à 5° de l'article 15 (voir encadré).
Les autres conditions de délivrance de plein droit de la carte de résident ne sont pas modifiées, quelle que soit la catégorie d'étranger concerné (catégories 1° à 13°, voir encadré) : l'étranger doit séjourner régulièrement en France et sa présence ne doit pas constituer une menace pour l'ordre public.
La carte de résident est valable 10 ans et renouvelable de plein droit sauf si l'étranger vit en état de polygamie ou a quitté le territoire français pendant plus de 3 ans consécutifs puisque son titre de séjour est alors périmé (art. 16 ord. 1945).
Est supprimée la condition de résidence habituelle en France au moment de la demande de renouvellement, condition qui avait été introduite par la loi du 24 avril 1997.
La loi met en place un nouveau titre de séjour au profit des retraités établis à l'étranger(art. 18 bis ord. 1945). Son objectif est de garantir au retraité étranger qui ne réside plus en France une « liberté de circulation » entre la France et son pays d'origine(Rap. A. N. n° 451, Gouzes). Actuellement l'étranger pensionné d'un régime de base français de sécurité sociale et titulaire d'une carte de résident peut séjourner hors de France mais son titre de séjour est périmé au bout de 3 années consécutives de résidence hors de France, sauf demande de prolongation. S'il n'a plus de titre de séjour, il lui faut un visa pour entrer de nouveau en France. Selon le rapport de Patrick Weil, cette situation était « de nature à dissuader les retraités de rentrer dans leur pays lorsqu'ils ont de fortes attaches en France ».
Pour bénéficier de la carte de séjour « retraité », l'étranger doit remplir les trois conditions suivantes :
• avoir résidé en France sous couvert d'une carte de résident
• avoir établi ou établir sa résidence hors de France
• Peuvent donc demander la carte de séjour « retraité », les étrangers qui sont encore titulaires d'une carte de résident mais aussi ceux qui n'en sont plus titulaires parce qu'ils ont établi leur résidence à l'étranger depuis plusieurs années
• être titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime de base français de sécurité sociale.
• La carte « retraité » ne peut être délivrée qu'à l'étranger qui a déjà fait liquider sa pension de vieillesse en France. Elle ne lui permet pas de liquider sa pension depuis son pays de résidence, sauf convention bilatérale.
La carte de séjour « retraité » est délivrée à la demande de l'intéressé. Elle lui permet d'entrer à tout moment sur le territoire français pour y effectuer desséjours n'excédant pas un an. Elle est valable10 ans et renouvelable de plein droit. Elle ne permet pas au retraité d'exercer une activité professionnelle.
Le conjoint du titulaire de la carte de séjour « retraité », ayant résidé régulièrement en France avec lui, bénéficie d'un « titre de séjour conférant les mêmes droits ». Il ne s'agira pas nécessairement d'une carte « retraité », notamment si le conjoint est plus jeune que le titulaire de la carte. Un décret précisera la mention qui sera apposée sur cette carte et les droits dont bénéficiera le conjoint.
Si l'étranger titulaire d'une carte de résident peut bénéficier d'une protection sociale complète, il n'en est pas de même pour l'étranger titulaire de la carte « retraité ».
Seul l'étranger titulaire de la carte « retraité » qui bénéficie d'une ou de plusieurs pensions de retraite rémunérant une durée d'assurance égale ou supérieure à 15 ans a droit aux prestations en nature (remboursement des soins) de l'assurance maladie du régime de retraite dont il relevait au moment de son départ de France (art. 161-25-3 du code de la séc. soc.). Il bénéficie de ces droits pour lui-même et son conjoint, lors de leurs séjours temporaires sur le territoire métropolitain et dans les DOM, si leur état de santé vient à nécessiter des soins immédiats. Une cotisation d'assurance maladie est prélevée sur les pensions de retraite. Un décret doit fixer les conditions dans lesquelles la durée d'assurance de 15 ans sera appréciée.
Les étrangers titulaires de la carte « retraité » ne justifiant pas de cette durée d'assurance de 15 ans sont exclus de toute couverture maladie lors de leurs séjours en France.
La loi rétablit la commission du titre de séjour, supprimée par la loi du 24 avril 1997(art. 12 quater ord. 1945). Cette disposition n'est pas applicable en Guyane et dans la commune de Saint-Martin en Guadeloupe pendant une période de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
Une telle commission est instituée dans chaque département. Elle est composée :
• du président du tribunal administratif ou d'un conseiller délégué, président
• d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département
• d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière sociale.
Dans les départements de plus de 500 000 habitants, une commission peut être instituée dans un ou plusieurs arrondissements.
La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser :
• la délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » sauf lorsqu'il s'agit d'un étranger ayant obtenu l'asile territorial
• la délivrance d'une carte de résident à un étranger bénéficiaire de plein droit.
L'avis de la commission ne lie pas le préfet.
L'étranger est convoqué, par écrit, au moins 15 jours avant la date de la réunion de la commission. Cette réunion doit avoir lieu dans les 3 mois qui suivent sa saisine.
L'étranger peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu par un interprète. Il peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle cette faculté doit être mentionnée dans la convocation. Les débats devant la commission ne sont pas publics. S'il ne dispose pas d'une carte de séjour temporaire ou si celle-ci est périmée, l'étranger reçoit, dès la saisine de la commission, un récépissé valant autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait statué.
Le régime du regroupement familial est assoupli, notamment en ce qui concerne les bénéficiaires, les motifs de refus ou encore l'interdiction de regroupement partiel (art. 29 ord. 1945).
L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moinsun an (2 ans auparavant), sous couvert d'un titre de séjour d'une durée de validité d'au moins un an, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants mineurs du couple.
Jusqu'à présent, les enfants nés d'une première union du demandeur ou de son conjoint ne pouvaient bénéficier du regroupement familial que si l'autre parent était décédé ou déchu de l'autorité parentale. Désormais, le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, à l'un ou l'autre par décision d'une juridiction étrangère. Une copie de la décision de la juridiction devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France.
Le regroupement familial ne peut être refusé que pour deux motifs liés d'une part aux ressources et d'autre part au logement. Les conditions d'appréciation de ces motifs sont modifiées.
Le demandeur doit justifier de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont désormais prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint, indépendamment des prestations familiales. La loi nouvelle supprime donc la référence aux seules ressources personnelles du demandeur.
Dorénavant, l'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont supérieures au SMIC. Il était fréquent, jusqu'à présent, que l'administration considère comme insuffisantes des ressources supérieures au SMIC parce qu'elle estimait que les charges du demandeur (logement, dettes) étaient trop importantes.
Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui, alors qu'elle se trouvait en France, a, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France est punie d'un emprisonnement de 5 ans et d'une amende de 200 000 F(art 21 ord. 1945). Ces faits sont également incriminés lorsqu'ils sont commis sur le territoire d'un Etat partie à la convention de Schengen ou lorsqu'ils sont commis en France au détriment d'un Etat appartenant à l'espace Schengen.
Afin de lutter plus efficacement contre les réseaux structurés, les sanctions encourues sont désormais augmentées lorsque les infractions sont commises en bande organisée : 10 ans d'emprisonnement et 5 000 000 de francs d'amende.
Le champ des immunités familiales est étendu.L'aide au séjour irrégulier d'un étranger ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement de l'article 21 lorsqu'elle est le fait :
• des ascendants ou descendants de l'étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l'étranger ou de leur conjoint
• du conjoint de l'étranger, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui.
Seuls étaient auparavant couverts les ascendants ou descendants de l'étranger, le conjoint de l'étranger sauf lorsque les époux étaient séparés de corps ou autorisés à résider séparément.
Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement de l'infraction d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger visée à l'article 21 (art. 21 ter ord. 1945).
La loi prévoyait de ne pas appliquer ces sanctions aux associations à but non lucratif à vocation humanitaire, dont la liste aurait été fixée par arrêté du ministre de l'Intérieur, et aux fondations, lorsqu'elles apportaient, conformément à leur objet, aide et assistance à un étranger séjournant irrégulièrement en France. Cette disposition a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, le 5 mai 1998.
Selon les Sages, seul le législateur peut prévoir que certaines personnes physiques ou morales bénéficient d'une immunité pénale. « En soumettant à l'appréciation du ministre de l'Intérieur la “vocation humanitaire” des associations, notion dont la définition n'a été précisée par aucune loi et de la reconnaissance de laquelle peut résulter le bénéfice de l'immunité pénale en cause, la disposition critiquée fait dépendre le champ d'application de la loi pénale de décisions administratives [...], porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines et méconnaît l'étendue de la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution. »
L'obligation pour le demandeur de disposer d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France est remplacée par la justification qu'il disposera à la date d'arrivée de la famille en France d'un tel logement.
Jusqu'à présent, la condition de logement était appréciée au moment où le préfet prenait sa décision. Or, à ce moment-là, l'étranger ne remplit pas, dans la plupart des cas, les conditions pour prétendre à un logement correspondant aux besoins de la famille. Des précisions seront apportées par décret sur la justification que devra fournir le demandeur. Il pourrait s'agir, par exemple, du récépissé d'octroi d'un logement social, ce logement devant être effectivement disponible au moment où la famille arrive en France (Rap. A. N. n° 451, Gouzes).
Peut être exclu du regroupement familial :
• un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public
• un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international.
• Auparavant, le regroupement familial pouvait être refusé si les membres de la famille étaient atteints d'une maladie ou d'une infirmité mettant en danger la santé publique, l'ordre public ou la sécurité publique, c'est-à-dire qu'ils ne devaient pas être atteints d'une des affections suivantes : peste, fièvre jaune, choléra, tuberculose en phase évolutive, toxicomanie aux stupéfiants ou troubles mentaux de nature à compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes. Les références à la santé publique, l'ordre public ou la sécurité publique sont supprimées. Seules restent visées les maladies inscrites au règlement sanitaire international (peste, fièvre jaune, choléra)
• un membre de la famille résidant sur le territoire français.
L'une de ces trois situations n'entraîne plus le refus du regroupement familial lui-même, mais peutentraîner l'exclusion du membre de la famille concerné. L'interdiction du regroupement familial partiel s'en trouve donc atténuée.
La procédure du regroupement familial n'est pas modifiée. Des précisions sont apportées en raison de la modification d'appréciation de la condition relative au logement.
L'autorisation d'entrer sur le territoire est donnée par le préfet, après vérification par l'Office des migrations internationales (OMI) des conditions de ressources et de logement, et après avis motivé sur ces conditions du maire de la commune de résidence de l'étranger ou du maire de la commune où il envisage de s'établir.
Lorsque ces vérifications n'ont pas pu être effectuées parce que le demandeur ne disposait pas encore du logement nécessaire au moment de la demande, le regroupement familial peut être autorisé si les autres conditions sont remplies et après que l'OMI a vérifié sur pièces les caractéristiques du logement et la date à laquelle le demandeur en aura la disposition.
Depuis la loi du 24 août 1993, si les conditions du regroupement familial n'étaient plus remplies lors de la demande de titre de séjour par les membres de la famille arrivés en France, le regroupement familial pouvait être refusé. Cette possibilité de remise en cause sur place est supprimée.
Est également supprimée la possibilité de retirer le titre de séjour d'un étranger qui a fait venir sa famille en dehors de la procédure de regroupement familial.
Les autres cas de remise en cause du regroupement familial subsistent :
• en cas de rupture de la vie commune, le titre de séjour remis au conjoint peut faire l'objet, pendant l'année suivant sa délivrance, soit d'un refus de renouvellement s'il s'agit d'une carte de séjour temporaire, soit d'un retrait s'il s'agit d'une carte de résident
• en cas de polygamie.
La loi modifie les procédures d'éloignement du territoire français. Notamment l'interdiction administrative du territoire français et la rétention judiciaire sont supprimées, le délai de recours contre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière est allongé et la durée maximale de rétention administrative augmentée dans certains cas.
La liste des personnes protégées de l'éloignement du territoire (reconduite à la frontière, expulsion) est modifiée dans un souci de coordination avec la liste des bénéficiaires de plein droit d'une carte de séjour temporaire . Les deux catégories modifiées sont les suivantes :
• l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 10 ans (au lieu de 6)(art. 25, 2° ord. 1945)
• l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation, sous réserve qu'il ne puisse effectivement poursuivre un traitement approprié dans le pays de renvoi(art. 25, 8° ord. 1945).
Rappelons que les étrangers protégés contre l'éloignement, sauf les mineurs, peuvent toutefois être expulsés selon la procédure dérogatoire au droit commun dans deux hypothèses :
• en cas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique
• en cas d'urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique(art. 26 ord. 1945).
Le délai de recours contre un arrêté de reconduite à la frontière est porté de 24 heures à 48 heures suivant sa notification lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative ou à 7 jours, lorsqu'il est notifié par voie postale (art. 22 bis ord. 1945).
En conséquence, l'arrêté de reconduite à la frontière ne peut être exécuté avant l'expiration d'un délai de 48 heures suivant sa notification lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative ou de 7 jours lorsqu'il est notifié par voie postale.
Jusqu'à présent, l'étranger ne pouvait demander l'abrogation de l'arrêté de reconduite à la frontière, après l'expiration du délai de recours administratif, que s'il résidait hors de France sauf dans les cas où, en France, il subissait une peine privative de liberté sans sursis ou était assigné à résidence. Cette obligation de résidence hors de France est supprimée. L'étranger peut faire sa demande d'abrogation quelle que soit sa situation.
Depuis la loi du 30 décembre 1993, le préfet pouvait interdire à un étranger ayant fait l'objet d'une reconduite à la frontière de revenir sur le territoire français pendant un an maximum, cette décision devant être motivée par la gravité du comportement de l'intéressé et en tenant compte de sa situation personnelle. Cette mesure est supprimée.
L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être maintenu dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pendant le temps strictement nécessaire à son départ(art. 35 bis ord. 1945). La loi modifie le régime de la rétention administrative.
La durée totale de la rétention, jusqu'à présent de 10 jours, passe dans certains cas à 12 jours.
Après un délai de 48 heures suivant la décision préfectorale de maintien, le président du tribunal de grande instance, ou un magistrat du siège délégué par lui, est saisi. Le juge peut prononcer, par ordonnance, le maintien en rétention pour une durée de 5 jours maximum. Une seconde prolongation est possible pour une durée que la loi fixe désormais à 5 jours (3 jours auparavant) seulement dans les deux cas suivants :
• en cas d'urgence absolue et de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public (sans changement)
• lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement.
Le procureur de la République est immédiatement informé du placement de l'étranger en rétention. Dès cet instant, le préfet de département tient à la disposition des personnes qui en font la demande (un avocat par exemple) les éléments d'information concernant les date et heure du début du maintien de cet étranger en rétention et le lieu exact de celle-ci.
Après les 48 premières heures de rétention, le juge judiciaire statue sur une prolongation éventuelle du maintien. Il doit désormais vérifier que les droits de la défense ont bien été en mesure d'être exercés. Il s'assure que l'étranger a été, au moment de la notification de la décision de maintien, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir. Ces vérifications sont effectuées d'après le registre sur lequel sont indiqués l'état civil des personnes en rétention et les conditions de leur maintien.
Il est précisé que l'étranger peut :
• dès le début du maintienen rétention administrative, demander l'assistance d'un interprète et d'un conseil et communiquer avec son consulat ou une personne de son choix. Il en est informé au moment de la notification de la décision de maintien
• bénéficier de l'aide juridictionnelle.
La loi du 24 avril 1997 avait prévu que le recours contre l'ordonnance de remise en liberté de l'étranger pouvait être suspensif lorsqu'il apparaissait que l'étranger ne disposait pas de garanties de représentation effectives. Cette disposition est abrogée.
L'article 27 de l'ordonnance de 1945 punit d'une peine d'emprisonnement de 3 ans l'étranger qui n'aura pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution d'une mesure d'éloignement (refus d'entrée, expulsion, reconduite à la frontière et interdiction du territoire) ou qui, à défaut de ceux-ci, n'aura pas communiqué les renseignements permettant cette exécution.
L'étranger qui communique des renseignements inexacts sur son identité est désormais passible de la même sanction.
L'étranger qui fait l'objet d'une proposition d'expulsion peut être assigné à résidence, pour un mois maximum, dans l'attente de l'avis de la commission d'expulsion, seulement en cas « d'urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique » (art. 28 ord. 1945). La possibilité d'assigner était auparavant plus large, la loi l'autorisant « en cas de nécessité urgente ».
L'interdiction du territoire français est une sanction prononcée par les juridictions pénales à l'occasion de la poursuite de certains délits dont l'entrée ou le séjour irréguliers(art. 131-30 du code pénal). Cette sanction ne peut être prononcée à l'encontre de certaines catégories d'étrangers ayant des attaches familiales ou sociales en France que « par décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction commise ». Si la loi nouvelle maintient le principe de la « double peine », elle précise que la décision devra également être motivée au regard « de la situation personnelle et familiale de l'étranger » et ajoute deux catégories d'étrangers concernés. La liste est désormais la suivante :
• un condamné étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % (nouveau)
• un condamné étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (nouveau)
• un condamné étranger père ou mère d'un enfant français résidant en France, à condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (sans changement)
• un condamné étranger marié depuis au mois un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation, que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française (sans changement)
• un condamné étranger qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 10 ans (sans changement)
• un condamné étranger qui justifie qu'il réside habituellement en France depuis plus de 15 ans (sans changement).
Lorsqu'une interdiction du territoire français est prononcée à titre de peine principale et assortie de l'exécution provisoire, elle entraîne,de plein droit, le maintien de l'étranger en rétention administrative pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Lorsque 48 heures se sont écoulées depuis le prononcé de la peine, le juge doit être saisi comme le prévoit l'article 35 bis de l'ordonnance de 1945 relatif à la rétention administrative. Cette mesure doit permettre d'améliorer l'exécution des interdictions du territoire.
Instituée par la loi du 30 décembre 1993, la rétention judiciaire, très peu utilisée en raison de la lourdeur de la procédure, est supprimée (7).
Pour une meilleure mise en œuvre des mesures d'éloignement, la loi institue une coordination entre les services administratifs et pénitentiaires.
Les services pénitentiaires constituent et tiennent à jour pour chaque personne incarcérée un dossier individuel comprenant des informations de nature pénale et pénitentiaire.
Ils communiquent aux autorités administratives, compétentes pour en connaître, des informations relatives à l'identité du détenu, à son lieu d'incarcération, à sa situation pénale et à sa date de libération, dès lors que ces informations sont nécessaires à l'exercice des attributions de ces autorités. Ils communiquent notamment aux services centraux du ministère de l'Intérieur et aux préfectures les informations relatives aux étrangers détenus faisant ou devant faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire.
Dans le souci de bien marquer la spécificité de l'asile, les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives à l'asile (chapitre VII à l'exception des articles 31 et 32 ter) sonttransférées dans la loi du 25 juillet 1952 portant création de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Cette loi s'appelle dorénavant « loi relative au droit d'asile ».
L'OFPRA est compétent pour reconnaître la qualité de réfugié à toute personne qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ainsi qu'à toute personne sur laquelle le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) exerce son mandat (il s'agit de pays n'ayant pas d'organe de reconnaissance du statut de réfugié).
Selon la convention de Genève, le terme de réfugié s'applique « à toute personne qui craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
Désormais, l'OFPRA est également compétent pour reconnaître la qualité de réfugié à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté (art. 2 de la loi du 25 juillet 1952). Il est ici fait référence au Préambule de la Constitution de 1946, dont le 4e alinéa est repris intégralement. La voie de l'asile constitutionnel devrait permettre de reconnaître la qualité de réfugié à ceux qui en sont actuellement exclus parce qu'ils ne répondent pas aux critères de la convention de Genève tels qu'ils sont interprétés par la jurisprudence administrative(Rap. A. N. n° 451, Gouzes). Celle-ci considère que les persécutions prises en compte par la convention de Genève doivent émaner directement des Etats. Les persécutions émanant de tiersne peuvent entrer dans le champ d'application de la convention que si elles sont encouragées ou tolérées volontairement par l'autorité publique.
Les personnes auxquelles la qualité de réfugié est reconnue, en application soit de la convention de Genève soit du Préambule de 1946, sont soumises au même régime juridique, celui de la convention de Genève. Elles ont droit à une carte de résident de plein droit en application de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'Intérieur, après consultation du ministre des Affaires étrangères, à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui stipule que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » (art. 13 de la loi du 25 juillet 1952). Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées. Un décret en Conseil d'Etat doit fixer la procédure applicable et le statut de l'étranger pendant l'examen de sa demande.
Il est prévu que le directeur de l'OFPRA ou le président de la commission des recours saisisse le ministre de l'Intérieur du cas de toute personne qui a vu sa demande de statut de réfugié rejetée lorsqu'ils estiment qu'elle relève de l'asile territorial.
Le ministre de l'Intérieur a présenté l'asile territorial comme « une mesure humanitaire d'urgence, qui doit rester exceptionnelle, en faveur de personnes confrontées à des risques très graves pour leur vie ». L'asile territorial ne doit pas être conçu comme « une session de rattrapage du refus de la qualité de réfugié », a-t-il également précisé (J. O. A. N. (C. R.) n° 95 du 16-12-97).
L'étranger, à qui l'asile territorial est reconnu, n'a pas le statut de réfugié de la convention de Genève il ne bénéficie donc pas d'une carte de résident de plein droit mais d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » .
La loi du 24 août 1993 avait prévu quatre cas de refus d'admission au séjour d'un demandeur d'asile (8) :
• l'examen de la demande d'asile relève d'un autre Etat en application des conventions de Schengen ou de Dublin
• le demandeur d'asile est effectivement admissible dans un Etat autre que celui où il redoute d'être persécuté, dans lequel il peut bénéficier d'une protection effective, notamment contre le refoulement
• la présence de l'étranger en France constitue une menace grave pour l'ordre public
• la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente.
Le deuxième motif de refus est supprimé et remplacé par le motif suivant : le demandeur d'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en œuvre les dispositions de l'article 1erC5 de la convention de Genève. Il s'agit de l'application de« la clause de cessation » en vertu de laquelle l'intéressé ne peut plus bénéficier de la convention si les circonstances à la suite desquelles le statut de réfugié lui a été reconnu ont cessé d'exister. La délégation du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés en France a critiqué cette disposition, soulignant que la clause de cessation concerne exclusivement les réfugiés reconnus comme tels et non les demandeurs d'asile (9).
La condition de nationalité est suppriméepour le bénéfice des prestations non contributives. Sont visées les prestations suivantes : allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS), allocation aux vieux travailleurs non salariés (AVTNS), allocation aux mères de famille, allocation spéciale, allocation supplémentaire du Fonds de solidarité vieillesse, allocation supplémentaire du Fonds de solidarité invalidité, secours viager, allocation aux adultes handicapés (AAH).
Les étrangers bénéficient de ces différentes prestations s'ils sont en situation régulière. Un décret fixera la liste des titres de séjour exigés.
Le principe d'égalité de traitement entre Français et étrangers résidant régulièrement sur le territoire national en matière de droit aux prestations non contributives, principe affirmé par le Conseil constitutionnel dès 1990(décision DC n° 89-269 du 22 janvier 1990), est enfin respecté. De même que les engagements internationaux de la France, la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, de la Cour européenne des droits de l'Homme et de la Cour de cassation.
Le ministère de l'Emploi, par circulaire du 6 février 1998 (10), avait demandé aux organismes de sécurité sociale que, sans attendre la publication de la loi, « les demandes de prestations non contributives déposées par des étrangers qui résident régulièrement et effectivement sur le territoire français - nouvelles demandes ou demandes en cours d'examen par les caisses - ne fassent l'objet ni d'une décision d'attribution, ni d'une décision de rejet, dès lors que celle-ci se fonderait sur la nationalité ». Par ailleurs, concernant les recours déposés uniquement par les personnes de nationalité marocaine, algérienne ou tunisienne, il était demandé aux organismes de sécurité sociale de procéder sans attendre à la liquidation des demandes de prestations non contributives présentées par ces personnes.
Véronique Baudet
(1) Voir ASH n° 2033 du 22-08-97.
(2) La convention de Schengen relative à la libre circulation des personnes est applicable entre l'Allemagne, la France, les Pays du Benelux, l'Italie, l'Espagne, le Portugal. L'Autriche devrait adhérer le 1er décembre 1998.
(3) Voir ASH n° 2052 du 2-01-98.
(4) Voir ASH n° 2043 du 31-10-97.
(5) Voir ASH n° 2021 du 2-05-97.
(6) Appelée précédemment « loi portant création de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ».
(7) Voir ASH n° 1881 du 26-05-94.
(8) Le refus d'admission au séjour au titre de l'asile ne fait pas obstacle à la saisine de l'OFPRA, sauf si la convention de Dublin sur le droit d'a