C'est sous l'œil vigilant des mouvements de chômeurs, qui ont installé un site de retransmission des débats à proximité de l'Assemblée, et des associations de solidarité, qui rappelaient leurs propositions d'amendements, que les députés ont entamé, le 5 mai, la discussion en première lecture du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions défendu par Martine Aubry (1). Ce texte sera examiné selon la procédure d'urgence. Le vote solennel en première lecture par l'Assemblée nationale est prévu le 19 mai, tandis que l'examen par le Sénat pourrait avoir lieu aux alentours du 9 juin. Le vote définitif devrait intervenir en juillet à l'issue d'une session extraordinaire. D'ores et déjà, l'UDF a indiqué hésiter entre le vote contre et l'abstention. Quant au groupe RPR, il votera pour plusieurs dispositions du texte, mais contre la globalité du projet de loi.
S'exprimant devant un hémicycle aux trois quarts vide, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a rappelé en ouverture de la discussion générale, les grandes lignes du programme d'action (2) et du projet de loi, soulignant à nouveau que « l'objectif n'est pas d'afficher de nouveaux droits mais de donner une réalité à ceux qui existent ». Elle a également réinsisté sur la nécessité de « se débarrasser de certaines idées reçues » comme celle selon laquelle « la croissance seule permettra de dégager les marges de manœuvres économiques suffisantes pour remettre chacun en selle ». « Parce qu'elle n'est pas un phénomène d'ordre individuel mais bien un phénomène d'ordre social, l'exclusion est notre défaite collective », a-t-elle encore affirmé.
Fort de 82 articles, le projet examiné par les députés a fait l'objet de près d'un millier d'amendements. Pour sa part, la commission spéciale chargée d'examiner le texte en a retenu quelque 230 qui balaient les différents volets du texte. Plus particulièrement, s'agissant de l'emploi, les amendements visent à renforcer le programme TRACE (trajectoire d'accès à l'emploi), à permettre la représentation des organisations de chômeurs à l'Unedic et leur participation à la gestion des fonds sociaux des Assedic, à réécrire les dispositions relatives aux associations intermédiaires ou encore à améliorer le mécanisme d'indexation annuelle des minima sociaux sur les prix. Au chapitre du logement, la commission, ne voulant plus que la notion de logement social soit associée à la notion d'exclus ou de « paumés », a relevé le seuil de déclenchement du surloyer HLM et a proposé de revaloriser de 10 % au minimum les plafonds de ressources fixés pour l'attribution des logements HLM, notamment ceux appliqués aux célibataires, aux ménages sans enfants et aux retraités, « de manière à tenir compte des objectifs de mixité sociale ». A noter plus spécialement dans le domaine de la santé, le renforcement du fonctionnement des « réseaux ville-hôpital » dans le suivi des soins dispensés aux personnes en situation précaire. En outre, la commission a adopté de très nombreux amendements au volet surendettement du projet de loi. C'est ainsi que Véronique Neiertz, rapporteur de cette partie du texte et auteur de la loi de 1989 sur ce sujet, a fait adopter une disposition prévoyant que les commissions de surendettement pourraient recommander d'étendre le non-paiement des dettes pendant trois ans aux dettes fiscales ou envers la sécurité sociale. La commission a également retenu une mesure fixant le montant « du reste à vivre » à un niveau qui ne peut être inférieur au RMI. Parmi les autres amendements, figurent aussi, la gratuité de l'assistance par un tiers de la personne surendettée devant la commission de surendettement. Enfin, un amendement de la commission prévoit de créer un accès minimum vital et gratuit à l'eau, à l'énergie et au téléphone.
(1) Voir ASH n° 2064 du 27-03-98.
(2) Voir ASH n° 2061 du 6-03-98.