Comment lutter contre les violences urbaines ? Dans le rapport qu'elles doivent rendre sur ce sujet, le 11 mai au ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement (voir notre interview dans ce numéro), les sociologues Nicole Le Guennec et Sophie Body-Gendrot formulent une série de propositions. Outre la remobilisation de la police, celles-ci visent surtout à restaurer une image positive des jeunes des quartiers et à développer les médiations.
Première orientation : réaffirmer la présence de l'Etat contre le sentiment d'abandon ou d'impunité ressenti par les profes- sionnels, comme par les populations dans certains territoires. C'est ainsi que les rapporteurs proposent « d'adopter une politique de fermeté » et de remobiliser la police pour intervenir dès que des incidents sont signalés sur un quartier. Ils insistent également sur la nécessité de donner à la police les moyens d'une réponse adaptée à chaque délit en multipliant les liens avec les structures de la protection judiciaire de la jeunesse, les parquets et les juges, les établis- sements psychiatriques, les boutiques recevant les toxicomanes ou encore l'école, pour « un traitement visible et rapide ». De même, souhaitent-ils une meilleure communication sur les solutions trouvées par la police. Enfin, le rapport préconise de privilégier les interventions de maintien de l'ordre gérées au niveau local, autant dissuasives que répressives, lors de phénomènes collectifs d'émeutes par exemple. « La police est d'abord une force d'interposition et de paix sociale », souligne-t-il.
Les auteurs proposent également d'éviter « la criminalisation exagérée » des jeunes et les risques d'une interprétation des violences urbaines en termes de « pathologie sociale ». Il s'agit ainsi de mettre l'accent sur l'aide et le soutien à apporter aux familles en liaison avec les services sociaux et les brigades des mineurs. Mais également de « poser un diagnostic de situation adéquat » par le biais des observatoires locaux de la sécurité pour cibler les interventions. En effet, estiment les rapporteurs, « les jeunes ne peuvent tous être identifiés à de “petits sauvages” » et les adultes des cités à des « tenants de l'extrême droite ».
Autre piste, développer des technologies d'intervention plus fines et recomposer les métiers de la médiation et de la proximité. Ce qui suppose de promouvoir et de valoriser les réponses innovantes et le travail de proximité de la police (îlotage, parrainage des écoles par des policiers, affectation de policiers responsables d'un escalier ou d'un quartier, capables de servir de médiateurs). Mais également de développer toutes les formes de médiation sociale (femmes-relais, justice « de proximité », agents d'ambiance). De même, faut-il « admettre » que les métiers de service public doivent être « repensés » dans certains quartiers.
Enfin, le rapport préconise de favoriser les contre-pouvoirs. Il s'agit ainsi d'établir un dialogue régulier entre les policiers et les habitants et de rendre compte du travail de la police et de ses interventions. Mais aussi de reconnaître les jeunes ou les adultes des cités comme « des interlocuteurs critiques » et d'éviter que leur participation ne se résume à « l'instrumentali- sation des jeunes par les élus ou au marketing sportif ».