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Le désir de société

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Marche européenne contre le chômage, mouvement des sans-papiers... Cette radicalisation du mouvement revendicatif, qui bénéficie d'ailleurs d'une certaine sympathie dans l'opinion publique, traduit l'inquiétude et l'exaspération des « sans » face aux crispations identitaires et sociales de la société. Elle est symptomatique des dernières transformations du paysage associatif opérées par la montée de l'exclusion, souligne Jean-Marc Salmon. C'est, en effet, indique-t-il, au début des années 80 que sont apparues des associations d'un nouveau style qui s'investissent dans l'action sociale et le débat public. Et mues, avant tout, par «  le désir de (re) faire société quand le social se délite ». A partir d'une vaste enquête de terrain auprès des différents acteurs, ce sociologue propose la première lecture de ces recompositions sous l'effet de la crise économique et sociale. De fait, explique-t-il, face à la montée de la précarité et au désengagement de l'Etat, les associations, qui s'étaient constituées au départ autour de la création d'un véritable «  marché du don » et de leur capacité à utiliser les médias, vont être amenées peu à peu à promouvoir les luttes contre les exclusions. Confrontées au délitement du lien social, elles vont s'engager, en effet, dans la reformulation de la question sociale, contribuant notamment à faire de la réduction de « la fracture sociale » un enjeu politique dans la campagne présidentielle de 1995.

Mais au-delà de cette redéfinition de leurs objectifs, le thème de l'exclusion va faciliter les rapprochements entre les organisations, observe le chercheur :entre associations (avec le réseau « Alerte » et celui constitué autour d'Agir ensemble contre le chômage), mais aussi avec les syndicats, comme en témoigne le mouvement des chômeurs de décembre dernier. Une telle évolution allant de pair avec l'émergence, dans les années 90, de formes associatives, plus radicales et qui tentent de s'affirmer comme des « porte-parole » d'acteurs ignorés jusque-là. Jean-Luc Salmon note un autre changement :la référence à l'exclusion, avec toutes ses ambiguïtés, amène les militants à ne plus limiter leurs questionnements aux seuls effets de la crise du social mais à ses causes. Et à cet égard, les dernières manifestations de chômeurs ont projeté sur le devant de la scène les débats autour du travail et de l'allocation d'un revenu inconditionnel. Pas de doute donc, pour l'auteur : «  En se saisissant de la question sociale, ces associations ont réorienté le débat public autour des fondements de ce qui fait une société ». Sachant que sur la question du lien et de la cohésion sociale, elles sont désormais en concurrence avec «  la face obscure du désir de société » que représente le Front national, premier parti chez les ouvriers et les chômeurs.

Le désir de société : des restaurants du cœur au mouvement des chômeurs  - Jean-Marc Salmon -Ed. La Découverte - 139 F.

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