Alors que le rapport sur la délinquance des mineurs (1) met à nouveau l'accent sur les jeunes qui décrochent, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) s'est intéressé à ceux qui, dans les quartiers en difficulté, arrivent, malgré tout, à maintenir la tête hors de l'eau (2). Les chercheurs ont donc mené une enquête auprès de 155 jeunes adultes, âgés de 20 à 29 ans, habitant dans des quartiers classés en zones urbaines sensibles et qui « s'en sortent », selon l'étude. Expression qui, néanmoins, mérite d'être fortement relativisée, le Crédoc ayant retenu comme principal critère de « réussite » d'insertion professionnelle, le fait d'avoir travaillé au moins six mois consécutifs en 1996. Ainsi, si 46 %des jeunes ont une « insertion stable » et occupent un contrat à durée indéterminée, 28 %enchaînent, « avec une relative régularité », les contrats précaires (CDD courts, intérim, contrat aidé). Quant aux autres jeunes (26 %), ils alternent des emplois précaires avec des périodes de chômage. Mais continuant à faire preuve « de volonté et de dynamisme pour s'en sortir, on peut penser raisonnablement qu'ils y arriveront », estime avec optimisme le Crédoc. Fréquemment ouvriers, beaucoup de ces jeunes travaillent sur des postes qui ne demandent aucune qualification. Pourtant, si 20 % sont sans diplôme, 41 % ont un niveau V (CAP, BEP) et 39 % au moins un niveau IV (bac et plus).
S'il convient de rester extrêmement prudent dans l'analyse de ces « parcours d'insertion professionnelle réussie », l'étude présente malgré tout l'intérêt de mettre en évidence l'importance, dans les trajectoires de ces jeunes, du rôle des parents. Ceux-ci occupent eux-mêmes un emploi. De plus, les familles dont les enfants ont une « insertion stable » attachent une « valeur importante » au travail. Signe qu'un « environnement familial favorable est un facteur de socialisation essentiel », insiste le Crédoc, observant, par contre, que le rôle des organismes et dispositifs d'insertion semble « peu déterminant » à travers le discours des jeunes. Un sur cinq, seulement, affirme ainsi avoir obtenu son emploi par un organisme de ce type. Au-delà de la famille, les jeunes attribuent également leur « réussite », essentiellement à leur comportement et à leurs facultés personnelles, insistant notamment sur leur volonté et leur persévérance.
(1) Voir ce numéro.
(2) « Quartiers prioritaires : ces jeunes qui s'en sortent » - Consommations et modes de vie n° 126 - Avril 1998 - Crédoc : 142, rue du Chevaleret - 75013 Paris. L'enquête a été réalisée dans les quartiers des communes de Valentigney (Doubs), Meaux (Seine-et-Marne), Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise).