ASH : Votre constat confirme-t-il l'aggravation de la délinquance des mineurs ? J-P B : Oui, tous les chiffres dont nous avons eu connaissance et ce qui se passe dans les autres pays européens (nous sommes allés en Angleterre, en Hollande et en Belgique) montrent que si la délinquance globale reste stable, celle des mineurs progresse. Et elle concerne des faits plus graves et des enfants plus jeunes, c'est indiscutable. Autre constat dramatique qui doit nous interpeller : le mineur délinquant est toujours quelqu'un en échec scolaire grave, vivant souvent des situations familiales très lourdes avec des phénomènes de violences. Quand vous pénétrez dans une prison, dans le quartier des mineurs, vous êtes quasiment sûr de rencontrer un mineur qui a subi, chez lui, des situations de violences et qui a donc perdu tous ses repères. Il faut néanmoins faire attention, car s'il y a une délinquance réelle qui progresse, il y a aussi un sentiment d'insécurité qui n'est pas toujours objectif. ASH : Quelles sont vos propositions ? J-P B : Ce que l'on propose, c'est de répondre dès le début, comme un père de famille, même s'il faut bien reconnaître qu'il y a un très grand nombre de jeunes qui vivent sans aucune perspective de réussite dans la société. Ensuite, il faut sanctionner de sang-froid et ne pas se laisser déborder. Cela veut dire que les éducateurs, les enseignants, la police et la justice ne doivent rien laisser passer et agir tout de suite par un rappel à la loi et au règlement. Qu'il faut recourir pleinement aux peines de réparation, d'intérêt général, convoquer systématiquement les parents, rappeler leurs responsabilités. Actuellement, on intervient trop tard alors qu'il s'agirait de faire fonctionner l'existant. C'est-à-dire utiliser totalement l'ordonnance de 1945 : elle permet la convocation des parents, le rappel à la loi, la peine de réparation, mais aussi l'incarcération. Elle est sereine, elle favorise l'éducatif par rapport au répressif, mais elle n'est pas laxiste contrairement à ce que disent certains. En un mot, nous proposons une redécouverte de l'ordonnance de 1945 et la multiplicité de ses réponses. En outre, nous dénonçons les fausses solutions qui font plaisir à certains, comme la saisie des allocations familiales. Le problème ne se pose pas puisqu'un juge peut déjà les mettre sous tutelle. Ainsi le tribunal de Lille a prononcé l'an dernier 476 mises sous tutelle. ASH : Les moyens suffisent-ils ? J-P B : Cela nécessite bien entendu de renforcer la police et l'îlotage. Et évidemment d'augmenter le nombre des éducateurs PJJ et les moyens de la justice. Il faut aussi avoir le courage de créer des passerelles entre la PJJ et d'autres administrations : ce que l'on propose, c'est que les éducateurs puissent changer de métier. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un ne pourrait pas à 30 ou 40 ans devenir éducateur. A l'inverse, un directeur départemental de la PJJ doit être capable de dire à un éducateur :cela fait 20 ans que vous êtes dans un foyer, vous êtes usé jusqu'à la corde, il faut faire autre chose. Il y a des métiers qu'on ne peut pas faire toute sa vie. Propos recueillis par I.S.
(1) Voir ASH n° 2047 du 28-11-97.