Malgré l'abstention du groupe communiste et l'opposition de cinq des six députés écologistes et d'un député communiste, l'Assemblée nationale a définitivement adopté, le 8 avril, le projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (Reseda), défendu par le ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement. De son côté, l'opposition UDF-RPR a saisi le Conseil constitutionnel, contestant trois dispositions (motivation des refus de visa aux enfants de moins de 21 ans, liste des associations « immunisées » contre l'infraction de l'aide au séjour irrégulier des étrangers, présence d'un représentant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à la commission de recours statuant sur les demandes d'asile constitutionnel).
Sous réserve de la décision des Sages, la loi comporte les principales dispositions suivantes :
Sauf considérations tenant à la sûreté de l'Etat, les refus de visa sont désormais motivés pour certains étrangers.
Les certificats d'hébergement sont supprimés ils seront remplacés par une simple attestation d'accueil signée par l'hébergeant.
La loi crée deux nouvelles mentions portées sur la carte de séjour temporaire : « scientifique » et « profession artistique et culturelle ». La mention « membre de famille » est supprimée et remplacée par la mention « vie privée et familiale » qui concerne l'ensemble des bénéficiaires de plein droit de la carte de séjour temporaire. La loi prévoit désormais 12 catégories de bénéficiaires de plein droit parmi lesquels l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus.
Concernant la carte de résident, la condition de l'entrée régulière exigée de certains bénéficiaires de plein droit est supprimée. La condition de résidence habituelle en France au moment de la demande de renouvellement de la carte de résident est également supprimée.
La loi met en place une carte de séjour « retraité ». Peut en bénéficier, s'il en fait la demande, l'étranger ayant résidé en France sous couvert d'une carte de résident, qui a établi ou établit sa résidence habituelle hors de France et qui est titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime de base français de sécurité sociale. Cette carte lui permet d'entrer à tout moment sur le territoire français pour des séjours n'excédant pas un an. Elle est valable dix ans et renouvelée de plein droit. Elle ne permet pas à son titulaire d'exercer une activité professionnelle. Sur le plan de la protection sociale, seul le retraité qui bénéficie d'une ou de plusieurs pensions rémunérant une durée d'assurance d'au moins 15 ans a droit aux prestations en nature de l'assurance maladie, pour lui-même et son conjoint, lors de séjours temporaires en France, si leur état de santé vient à nécessiter des soins immédiats.
Signalons, en outre, que la commission du titre de séjour est rétablie.
Le régime du regroupement familial fait l'objet de quelques modifications. L'étranger peut désormais demander le regroupement familial après un an de séjour régulier en France (au lieu de deux). Les conditions d'admission des enfants nés d'une première union du demandeur ou de son conjoint sont assouplies. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus du regroupement familial si celles-ci sont supérieures au SMIC. Le demandeur doit justifier qu'il disposera à la date d'arrivée de la famille en France (et non plus qu'il dispose à la date de sa demande) d'un logement conforme. L'interdiction du regroupement familial partiel est atténuée.
L 'aide au séjour irrégulier d'un étranger ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement de l'article 21 de l'ordonnance de 1945 lorsque cette aide est le fait de certaines personnes de la famille de l'étranger. Cette immunité familiale est étendue au conjoint des ascendants ou descendants, aux frères et sœurs de l'étranger ou de leur conjoint, à la personne qui vit notoirement en situation maritale avec l'étranger.
Ne peuvent être pénalement déclarées responsables de l'infraction d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers les associations à but non lucratif à vocation humanitaire, dont la liste sera fixée par arrêté du ministre de l'Intérieur, et les fondations, lorsqu'elles apportent, conformément à leur objet, aide et assistance à un étranger séjournant irrégulièrement en France.
Le délai de recours contre un arrêté de reconduite à la frontière est porté à 48 heures suivant sa notification lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative ou sept jours lorsqu'il est notifié par voie postale.
La durée totale de la rétention administrative, jusqu'à présent de dix jours, passe dans certains cas à 12 jours, la seconde prolongation de la rétention étant désormais fixée à cinq jours maximum (trois auparavant).
Les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives à l'asile sont transférées dans la loi du 25 juillet 1952 portant création de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui devient la « loi relative au droit d'asile ».
La loi reconnaît l'asile constitutionnel, l'OFPRA étant désormais compétent pour reconnaître la qualité de réfugié à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté, par référence au préambule de la Constitution de 1946.
La pratique de l'asile territorial est inscrite dans la loi. Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'Intérieur, après consultation du ministre des Affaires étrangères, à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 (prohibant les actes de torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Dans ce domaine, la condition de nationalité est supprimée pour le bénéfice des prestations non contributives (allocation spéciale de vieillesse, allocation supplémentaire, allocation aux adultes handicapés). Les étrangers en situation régulière bénéficieront de ces prestations. Un décret fixera la liste des titres de séjour exigés.