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La CNAF et le CNIS s'interrogent, à leur tour, sur la pauvreté

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Une semaine après la publication de l'étude de l'INSEE sur la mesure de la pauvreté (1), deux nouveaux documents viennent rappeler,  à leur tour, toute la difficulté à définir la notion de pauvreté et, à partir de là, à connaître réellement les populations concernées.

C'est sur les liens entre minima sociaux et pauvreté que se penche, en premier lieu, la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) dans la dernière livraison de sa revue Recherches et prévisions   (2) où elle revient, notamment, sur « la force symbolique de l'allocation de parent isolé »   (3). «  Depuis le début des années 90, les données et travaux disponibles ont montré qu'on ne pouvait réduire les situations de pauvreté à celle des seuls bénéficiaires de minima sociaux, puisque le fait d'avoir un emploi ne protège pas de la pauvreté », indique-t-elle. Et elle regrette que les enquêtes menées jusqu'à présent (4) aient trop souvent porté sur le RMI et laissé dans l'ombre les sept autres minima (5) qui concernent (avec le RMI et en comptant enfants, conjoints et personnes à charge) environ 6 millions de personnes.

L'occasion, pour les auteurs, de dépasser sans l'évincer, le débat qui tourne autour du risque de désincitation au travail (6) et de se demander, entre autres, si le niveau du RMI et des autres minima «  permet effectivement aux individus et ménages concernés d'assurer leur subsistance  ». Une interrogation qui a inévitablement mené Bernard Aubert, chargé d'étude à la CAF de Metz, sur le terrain mouvant, exploré par l'INSEE, des seuils et définitions de la pauvreté. «  Les seuils servent surtout à compter les pauvres et les minima sociaux fixent les obligations que l'Etat se reconnaît à leur égard », rappelle-t-il. Tous deux relèvent de choix «  qui reflètent en fait des représentations [...] forcément subjectives et variées ». Ainsi le seuil de « pauvreté absolue » (1 655 F par unité de consommation) a, en quelque sorte, servi de «  seuil d'intervention politique  » à partir duquel l'Etat a,  notamment, défini le montant du RMI. Un effort suffisant pour lutter contre la pauvreté ? En positionnant sur la même échelle les seuils de pauvreté, les dépenses normalisées des ménages et les minima sociaux, Bernard Aubert constate que les minima sociaux se situent au-dessus du seuil de pauvreté absolue mais en dessous des seuils de pauvreté relative généralement utilisés par l'INSEE (la moitié du revenu moyen ou médian). Ainsi, selon le critère retenu (seuil absolu ou relatif), il est possible d'affirmer soit que les bénéficiaires de minima sociaux sont pauvres, soit qu'ils ne le sont pas : démonstration supplémentaire de la relativité de la notion de pauvreté et des limites des statistiques.

Autre point de vue : celui développé par le Conseil national de l'information statistique (CNIS) dans son rapport Pauvreté, précarité, exclusion   (7), qui fait suite à ses précédents travaux (8). Il n'existe pas une définition unique de la pauvreté, rappellent d'emblée ses auteurs, mais des situations toujours complexes aux causes multiples et touchant des publics extrêmement variés. En outre, la grande pauvreté ne se résume pas à une insuffisance de revenus mais « se réfère également aux facteurs majeurs de fragilité et d'insécurité affectant les besoins les plus fondamentaux : logement, santé, formation, emploi... ». D'où, pour les rapporteurs, la nécessité d'affiner la connaissance quantitative mais aussi qualitative du phénomène.

Ainsi, ils insistent sur la nécessité de « coordonner le recueil et l'élaboration de l'information statistique » avec la création d'une « structure légère » chargée d'organiser la synthèse et la diffusion des données sur la pauvreté et l'exclusion. Autre idée : « mieux couvrir l'ensemble des populations concernées », notamment en réalisant une enquête nationale auprès des personnes sans domicile fréquentant les lieux d'hébergement ou d'accueil et en cherchant à comprendre pourquoi les populations précaires apparaissent difficilement dans les enquêtes sur les ménages. Par ailleurs, dans le cadre du panel européen auprès des ménages, le CNIS propose de mener un suivi des trajectoires sur une période suffisamment longue (cinq ou six ans) afin de mesurer de façon précise les conditions de sortie durable ou de maintien dans la pauvreté et la précarité. Enfin, il recommande de rapprocher les sources d'information administratives afin d'en améliorer l'utilisation et de développer des outils de connaissance au niveau local.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2065 du 3-04-98.

(2)   « Eclairages sur les minima sociaux » - Recherches et prévisions - n° 50/51 - CNAF : 23, rue Daviel - 75634 Paris cedex 13 - Tél. 01 45 65 52 52.

(3)  Voir ASH n° 2045 du 14-11-97.

(4)  Voir cependant l'étude du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts (CSERC)  : ASH n° 2043 du 31-10-97.

(5)  Allocation aux adultes handicapés, allocation de parent isolé, allocation d'insertion, allocation de solidarité spécifique, minimum vieillesse, minimum invalidité, allocation veuvage.

(6)  Voir ASH n° 2054 du 16-01-98.

(7)  Pauvreté, précarité, exclusion - Pour une meilleure connaissance des situations et des processus - Rapport du CNIS n° 42 - Disponible gratuitement sur demande au secrétariat du CNIS - Tél. 01 41 17 52 62.

(8)  Voir ASH n° 1966 du 15-03-96.

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