Les salariés des structures médico-sociales pour enfants et adolescents sont-ils engagés dans un processus de repli professionnel ? A lire l'Inventaire qualitatif des établissements médico-sociaux du Haut-Rhin (1) que le CREAI Alsace vient de publier, on peut se poser la question. Cette étude a été réalisée, de 1993 à 1997, par un groupe de travail composé d'une quinzaine de responsables d'établissements du département (2). Elle repose sur l'analyse d'un long questionnaire portant sur la spécificité du projet de chaque structure et sur la façon dont il est mis en œuvre. 675 salariés y ont répondu, dont 292 occupant des fonctions éducatives.
Premier constat : les professionnels interrogés sont généralement qualifiés et stables dans leur emploi, mais peu d'entre eux se sentent réellement concernés par l'engagement social ou humanitaire de leur association. De même, « les injonctions législatives ou administratives sont repérées très sélectivement et la méconnaissance du contenu global des annexes XXIV est patente », constatent les auteurs de l'étude. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui semblent ne donner à leur activité que « peu de valeur en termes de contribution à l'action sociale civique ». La plupart affirmant n'avoir pour objectifs que « la recherche du bien-être » et « le développement des capacités » des jeunes dont ils s'occupent. Un résultat qui « corrobore une tendance , repérée par ailleurs, de repli sur un travail avec le jeune et dans l'institution ». Ainsi, la prise en charge serait assez peu axée sur la personne dans son environnement alors que « les termes d'intégration et d'autonomie fleurissent dans les projets institutionnels ».
Il est vrai qu'une majorité de salariés se montrent assez pessimistes en ce qui concerne l'insertion sociale et professionnelle des enfants et des adolescents dont ils ont la charge. De fait, celle-ci apparaît problématique, d'autant que les jeunes accueillis souffrent de handicaps de plus en plus lourds, souvent associés à des troubles du comportement liés à un « environnement social et familial désorganisé, voire pathogène ». En outre, indique l'étude, « comme obnubilées par l'injonction de mettre les jeunes au travail [...] les équipes ne s'autorisent pas encore à s'aventurer vers d'autres formes d'insertion ». Et, bien souvent, on constate que la nécessité d'inscrire leur action dans une continuité prenant en compte, à la fois, les parents et les partenaires intervenant en amont et en aval de l'établissement, n'est pas perçue « comme une dimension importante du projet individuel ».
Autant d'observations qui ont amené les membres du groupe de travail à formuler quelques propositions. En particulier, ils souhaitent que les associations gestionnaires d'établissements « énoncent clairement » leurs « valeurs fondamentales » au travers d'un projet ou d'une charte. Par ailleurs, ils plaident en faveur d'un travail en réseau pluriprofessionnel et multipartenarial. Enfin, ils recommandent, pour chaque établissement, le développement d'une véritable politique des ressources humaines, l'institution d'un temps d'analyse des pratiques et la mise en œuvre d'un processus d'évaluation.
(1) Inventaire qualitatif des structures médico-sociales pour enfants et adolescents du Haut-Rhin - Sous la direction scientifique de Monique Bauer - CREAI Alsace - ORHIAL : 15, place des Halles - 67000 Strasbourg - Tél. 03 88 32 47 94 - 150 F.
(2) L'étude a été financée par la CPAM de Mulhouse, la CARPRECA, le CREAI Alsace et plusieurs établissements.