Notre article sur les « free-lances du travail social » ( voir ASH nº 2063 du 20-03-98) suscite des réactions vives et très contrastées. Tout d'abord, face aux craintes que nous exprimions sur les risques que l'exercice en libéral n'institue un service social à deux vitesses, Monique Prudet, assistante sociale indépendante (1) tient à « mettre des choses au clair ». « Mis à part que la réception des particuliers est minoritaire dans l'activité », la population accueillie vient « de tous les milieux socio-professionnels », affirme-t-elle. « La grande différence avec la clientèle du service public tient au fait qu'il ne s'agit pas de personnes chronicisées dans la prise en charge sociale mais de personnes qui ont besoin de conseils [...] pour faire elles-mêmes le maximum de démarches[...] ». Soulignant, qu'elle peut les recevoir « à l'heure du repas ou jusqu'à 19 h », Monique Prudet ajoute que ces personnes « savent » qu'elles devront régler une consultation. D'ailleurs, « aucune n'a jamais refusé de me payer à la fin de la consultation, car en contrepartie, elles n'ont jamais perdu leur temps même... quand il n'y a “rien à faire” ». Et si elle reconnaît alors, comme nous l'indiquions dans notre article, que l'usager « se retournera sans doute vers le service public », pour elle, « une “bonne” assistante sociale n'est pas là pour répondre à tout y compris l'impossible, mais elle doit savoir expliquer pourquoi et vers où se diriger ». Une attitude qui « devrait être celle de toutes les professionnelles qu'elles soient du public, du privé ou indépendantes », défend-elle. Concluant qu'elle est devenue assistante sociale libérale en réaction « contre l'organisation et la lourdeur administrative » du service public.
Une conception que ne partage pas du tout Mireille Estienne-Vallet, assistante sociale dans une collectivité locale et « fervent défenseur du service public », réagissant également à l'article des ASH (2). « Certes, les travailleurs sociaux des services publics n'ont pas toujours les moyens de travail-ler correctement », mais pas question, pour elle, de remettre en cause « leur éthique et leur déontologie » pour « légitimer l'existence du travail social libéral ». C'est ainsi qu'elle explique, comment, là où elle travaille, « l'usager peut être reçu tous les jours de la semaine, y compris le samedi matin » et comment les travailleurs sociaux « savent se rendre disponibles hors des horaires classiques d'ouverture au public ». L'usager n'attend pas, affirme-t-elle, et il a un « droit de regard total » sur son dossier. « Nous prenons le temps et établissons avec chacun des contrats moraux et, surtout, nous ne refusons pas de traiter un “dossier” relevant de notre compétence, même si ce dernier est voué à l'échec », tient-elle à préciser. En outre, si « contrairement au travail social libéral, nous n'avons pas d'obligation de productivité, nous avons obligation de prise en compte positive de la diversité des situations » pour effectuer « un travail d'accompagnement efficient », indique-t-elle. Ajoutant, enfin, que « bien que subordonnés à une hiérarchie », les travailleurs sociaux gardent « un sens critique face à l'évolution des politiques sociales » et qu'ils réagissent « aux dangers des dérives du travail social ».
(1) Monique Brudet : 4 bis, rue de Paris - 94470 Boissy-Saint-Léger - Tél. 01 45 95 42 47.
(2) Mireille Estienne-Vallet : 1, square des Cigognes - 78260 Achères - Tél. 01 39 11 26 93.