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« ASSOCIATIONS FAMILIALES ET CHAMP SOCIO-JUDICIAIRE »

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« L'obligation de résultat » qui pèse aujourd'hui sur le travail social, particulièrement sensible dans le cadre de la tutelle aux prestations sociales, oblige à « travailler autrement » , défend Marc Poupart, chef de service TPS à l'UDAF de la Vienne. Ce qui suppose, selon lui, d'adapter les méthodes de travail aux contraintes de l'environnement, tout en préservant « les valeurs fondatrices de la vie associative et du travail social » .

« Dans un contexte de profondes mutations du travail social, le secteur des associations familiales n'est pas à l'abri d'importants soubresauts. Gestionnaire de services publics délégués, il souffre d'un manque de reconnaissance de ses partenaires institutionnels, mais surtout d'une crise de confiance de la part de ses salariés. A mon sentiment, les difficultés que nous connaissons actuellement ne sont pas le résultat d'une confrontation de systèmes de valeurs entre ces institutions et leurs cadres d'une part, et les travailleurs sociaux d'autre part. Il ne peut y avoir d'un côté ceux qui, au nom d'une éthique du travail social, seraient les seuls véritables défenseurs des droits des usagers, et de l'autre des “gestionnaires“ exclusivement préoccupés par l'édiction de règles, et l'élaboration de contraintes, inspirées par “l'économisme“ ambiant. La réalité demande à être appréhendée dans toute sa complexité, en évitant tout manichéisme.

La vie associative, vecteur de la démocratie au plan local

« Les UDAF et l'UNAF, organismes fédératifs ont, outre leur rôle de représentation des intérêts matériels et moraux de familles, une mission citoyenne. Dans leur champ de compétence (la famille), elles se sont dotées de statuts qui permettent de faire vivre le débat tant à l'intérieur des unions, que dans leurs partenariats avec les autres acteurs de la vie associative.

« A une époque où la crise du politique prive le citoyen de véritable pouvoir d'impulsion et de contrôle sur la chose publique, l'expression de la démocratie a besoin de ces instances. Le pluralisme en vigueur dans les UDAF et à l'UNAF n'est pas un appauvrissement mais, bien au contraire, une richesse. La rencontre, en un même lieu, d'associations idéologiquement diverses permet le débat. Elle facilite l'élaboration de consensus qui dépassent les clivages traditionnels droite-gauche.

« Les salariés de ces institutions peuvent avoir un regard nuancé sur les compromis trouvés au sein des instances délibératives des unions. Pour autant, ils ne sauraient nier l'existence de ce débat citoyen qu'ils doivent, avec les militants familiaux, nourrir de leur expérience et de leurs réflexions.

Les UDAF et leurs missions d'intérêt public

« Au cours de leur histoire, les UDAF ont accepté la gestion d'un certain nombre de “services publics délégués“. L'exercice des tutelles en est l'un des secteurs dominants. Pour ce faire, elles ont été amenées à recruter, entre autres, des travailleurs sociaux.

« L'éthique du travail social est donc venue enrichir une réflexion politique orientée vers la défense de l'intérêt des familles. L'attention particulière, qu'une société doit aux plus pauvres, a trouvé une large place dans l'activité de ces structures. Les professionnels de l'action sociale ont été chargés de faire évoluer, au sein des UDAF, une pensée spécifique orientée vers les intérêts des individus et des familles dont ils ont la charge. Loin d'être un handicap, la forme associative de leur employeur est un “plus“ par rapport à l'action sociale publique, trop soumise aux fluctuations des alternances politiques et à des habitudes de gestion technocratiques.

« Certes, les modes “gestionnaires“ du début des années 80 ont rejoint les UDAF, et certains choix, dictés par une croissance trop rapide de ces structures, ont pu s'avérer hasardeux. Nous n'en sommes plus là ! Le ralentissement de notre croissance doit nous permettre un regard plus aigu sur la qualité de nos actions. Trop longtemps évaluée de l'extérieur, et à sa périphérie, l'action sociale peut maintenant démontrer les effets qu'elle produit sur une population. Certaines techniques mises en place, pour mesurer les évolutions induites par le RMI par exemple, ont fait glisser les méthodes d'évaluation du travail social de la périphérie vers le centre de l'action. Les pouvoirs publics, soucieux d'une bonne gestion des impôts et contributions sociales, exercent sur nos métiers une pression forte pour que nous démontrions l'efficacité de ce que nous réalisons.

« Alors, que faire ? Attendre que des modèles d'évaluation nous soient imposés de l'extérieur, ou nous résoudre à élaborer des référentiels qui nous permettent de démontrer la pertinence des actions que nous menons ? Cela suppose, qu'au-delà de la complexité qui est le modèle opérant dans toute intervention sociale, nous soyons capables de communiquer en termes simples avec les citoyens. Exerçons-nous déjà à le faire avec les bénévoles de nos associations et nos partenaires de terrain !

« Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons nous dispenser du nécessaire contrôle des fonds publics mis à notre disposition. Condamnés à la transparence comptable, serons-nous capables de permettre une véritable lisibilité de notre travail quotidien ? Je crains que ce ne soit le prix à payer pour, après une période de “vaches grasses“, ne pas condamner nos institutions à une récession qui ne pourrait qu'être préjudiciable au “bien commun“. La marginalisation de nouvelles populations, l'appauvrissement de catégories sociales de plus en plus nombreuses, ne nous tiendra pas longtemps économiquement à l'écart de la crise sociétale que nous traversons.

La tutelle et le champ socio-judiciaire

« Que nous le voulions ou non, notre mission d'intérêt public est très dépendante de la décision des “magistrats sociaux“. Juges des enfants, des tutelles, portent un regard sur nos interventions qui conditionne complètement la survie de nos structures. Or, ce regard n'est pas adossé au même système de valeurs que le nôtre. Nous sommes, ici, loin de la défense de l'intérêt des familles ou du nécessaire accompagnement des personnes dans leur vie citoyenne. Leur vision de “l'aide contrainte“ a considérablement évolué au gré du temps. Longtemps guidés par la conviction que la principale obligation juridique faite au travail social se résumait aux moyens mis en place, ils affirment maintenant une “obligation de résultat“. Ceci est particulièrement sensible en tutelle aux prestations sociales, où nous avons, pour une large part, accompagné ce glissement sémantique. Au nom des libertés publiques, leur principal souci est de limiter, tant en nombre qu'en durée, le contrôle exercé par les travailleurs sociaux sur les populations. Nous devons donc nous habituer à “travailler autrement“ sans pour autant remettre en cause les valeurs fondatrices de la vie associative, et du travail social.

« Le difficile équilibre, entre la demande judiciaire et la pratique sociale, nous amène à justifier l'opérationnalité de nos modèles de référence. Dans ce domaine, également, nous devons prouver l'efficacité de nos actions sans nous laisser imposer des grilles d'analyse qui ne sont pas les nôtres. Nous n'aurions rien à gagner à un asservissement de nos missions aux seuls critères judiciaires. Tout au contraire, nous devons être capables de dialoguer avec les magistrats en affirmant notre système de valeurs tout en ne rejetant pas le leur. Ceci est d'autant plus facile que ces deux logiques professionnelles comportent, en leur épicentre, des points de convergence permettant un dialogue constructif. Le “paradoxe de l'aide contrainte“ est au cœur de ce débat. La relative protection, que nous offre la loi de 1901, nous évite un trop grand assujettissement au système judiciaire. Les travailleurs sociaux du ministère de la Justice sont confrontés, quotidiennement, à la capacité des magistrats d'intervenir dans le contenu des mesures qui leur sont confiées. Notre originalité réside en notre capacité, grâce à la vie associative, à faire entendre un discours plus respectueux de l'usager et de re-situer le magistrat dans son véritable rôle de garant des libertés publiques (donc, du cadre de notre action). Le contenu de celle-ci nous appartient, à la condition que nous soyons capables de le rendre lisible de l'extérieur.

« Voici, donc, transcrite en quelques lignes, une approche de ce qui fait, avec d'autres, notre originalité dans le secteur socio-judiciaire. Nous nous devons de cultiver celle-ci en adaptant nos méthodes de travail aux contraintes de notre environnement, tout en conservant la maîtrise des actions que nous menons.

« Ceci suppose :

  « un véritable souci de la qualité de nos interventions 

  « un dialogue constructif entre bénévoles, cadres et professionnels 

  « l'élaboration de référentiels communs, favorisant la lisibilité de l'action menée 

  « la conscience claire que nous ne sommes pas à l'abri des difficultés économiques que connaît notre société ;

  « une relation équilibrée avec l'Etat qui nous missionne et les juges qui nous mandatent 

  « la volonté, avec les autres travailleurs sociaux, de sortir d'une crise profonde qui touche notre secteur d'activité.

« A ce prix, nous pouvons espérer construire ensemble, et nous éviter des querelles sémantiques qui, à terme, ne pourraient que stériliser notre action. »

Marc Poupart Chef de service TPS - UDAF de la Vienne 13, rue de la Marne - BP 244 - 86006 Poitiers -Tél. 05 49 60 69 18.

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