Comme annoncé, le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions a été adopté au conseil des ministres du 25 mars. Principal volet législatif du « programme triennal d'action », ce texte, fort de 82 articles, reprend l'essentiel des mesures présentées, le 4 mars, par Martine Aubry (1). Outre de rénover les institutions sociales (voir ce numéro), il vise à garantir l'accès de tous aux droits existants et à prévenir les exclusions. Deux autres projets de loi viendront compléter l'ensemble, l'un sur l'accès à la justice, l'autre sur l'égal accès à la prévention et aux soins. De plus, des programmes spécifiques à chaque ministère feront l'objet de simples mesures réglementaires. Le projet devrait être débattu à l'Assemblée nationale à partir de fin avril, pour un vote définitif « avant l'été », selon le gouvernement.
Côté financement, l'Etat contribuera au programme à hauteur de 38 milliards, les deux tiers provenant toutefois de redéploiements et de crédits déjà votés. Près de 8 milliards seront apportés par ses partenaires (Fonds social européen, départements, régions...).
Dans le domaine de l'emploi tout d'abord, le projet conforte et dynamise le secteur de l'insertion par l'activité économique. Un chapitre unique du code du travail lui donnera une légitimité législative jusqu'alors fragmentaire. Y seront définies les activités assurées dans le secteur marchand ou présentant un caractère d'utilité sociale. Le contact entre les personnes recrutées par les structures de l'insertion par l'activité économique et l'ANPE sera privilégié. Ces dispositions seront déclinées pour les entreprises d'insertion (EI) et pour les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI), qui bénéficieront d'une reconnaissance légale. Quant aux associations intermédiaires (AI), leur rôle est réaffirmé. Un conseil départemental de l'insertion par l'activité économique, des fonds départementaux de soutien et des plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi coordonneront l'intervention de tous les acteurs publics autour des communes et de l'Etat. Egalement au menu, une harmonisation de l'allégement spécifique du coût du travail des publics particulièrement défavorisés accueillis par ces structures d'insertion.
Le trajet d'accès à l'emploi (TRACE) permettra aux jeunes de 16 à 25 ans confrontés à des difficultés d'insertion graves de bénéficier d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi, articulant, pendant une durée maximale de 18 mois, des actions de bilan, de formation, de remobilisation si nécessaire, de mise en situation professionnelle.
Outre de réorienter des contrats emploi consolidé et de recentrer les contrats emploi-solidarité, le gouvernement étend le contrat de qualification aux adultes, à titre expérimental. Et les personnes faisant ou ayant fait l'objet d'une peine privative de liberté et les parents isolés seront à nouveau éligibles aux stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE). Enfin, les bénéficiaires de minima sociaux pourront accéder aux mêmes aides que les jeunes créateurs d'entreprise.
Deuxième volet, le renforcement du droit au logement. Le projet opère en premier lieu une mise à jour de la loi Besson du 31 mai 1990 afin de rendre plus efficaces les plans départementaux pour le logement des personnes défavorisées et d'harmoniser les règles d'intervention du Fonds de solidarité pour le logement, qui sera ouvert aux sous-locataires. Les associations à but non lucratif œuvrant pour le logement des personnes défavorisées qui pratiquent la médiation de la gestion locative se verront attribuer une aide forfaitaire et seront exonérées de la taxe d'habitation et du droit de bail. Une taxe sur les logements vacants depuis deux ans sera créée dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants où le déséquilibre entre l'offre et la demande est particulièrement important. La procédure de réquisition sera modernisée et les attributions de logements sociaux réformées afin de renforcer la transparence et l'égalité des chances.
S'agissant de la santé, le projet de loi d'orientation envisage l'élaboration de programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS) et affirme la mission sociale de l'hôpital notamment par la mise en place de structures d'accueil adaptées pour les personnes en situation de précarité.
Concernant enfin les droits sociaux, l'exercice du droit de vote et l'accès à l'aide juridictionnelle seront facilités, grâce à la domiciliation des personnes sans domicile fixe auprès d'associations agréées.
S'agissant de la procédure de traitement du surendettement des particuliers, le projet définit un « reste à vivre », harmonisé sur l'ensemble du territoire, porte la durée de rééchelonnement des dettes de cinq à huit ans et prévoit un moratoire d'une durée maximale de trois ans, avant une éventuelle réduction des dettes. Quant à la prévention des expulsions, le texte conditionne le concours de la force publique à une offre préalable de relogement et autorise le versement de l'allocation logement en tiers payant dans le parc social non conventionné. De plus, les mesures susceptibles d'être prises contre les « marchands de sommeil » seront amplifiées et le statut des sous-locataires et des habitants d'hôtels meublés renforcé. Enfin, les conditions de vente judiciaire des logements saisis seront aménagées.
Parmi les dispositions destinées à garantir les moyens d'existence, figurent l'indexation sur les prix de l'allocation de solidarité spécifique et de l'allocation d'insertion la mise en place, pour les titulaires de l'allocation de parent isolé, d'un mécanisme d'intéressement à la reprise d'emploi analogue à celui existant pour le RMI l'affirmation du droit à une vie familiale normale pour les personnes accueillies en établissement l'ouverture du droit à un compte bancaire.
Au chapitre de l'éducation et de la culture, notons le rétablissement des bourses de collège et la modulation des tarifs des services publics facultatifs en fonction des ressources des usagers et de la composition des foyers.
(1) Voir ASH n° 2061 du 6-03-98.