Au-delà des premières réactions, souvent assez mitigées, provoquées par l'annonce de la création du Fonds d'urgence sociale (FUS) (1), la mise en place de ce nouveau dispositif suscite, à l'évidence, un certain nombre d'interrogations chez les travailleurs sociaux. Ainsi, lors du congrès de l'Association nationale des assistants de service social (2), qui se déroulait, du 28 au 30 janvier, à l'Unesco, plusieurs professionnels ont interpellé Pierre Gauthier, directeur de l'action sociale, sur l'utilité de ce fonds. « Il s'agit d'un énième dispositif qui va à l'encontre des principes mêmes de l'action sociale », s'est ainsi agacée une assistante sociale, travaillant au sein d'un conseil général. Une analyse développée par une autre professionnelle. « L'Etat ne privilégie-t-il pas une logique humanitaire quand, en réponse aux difficultés des chômeurs, il demande aux services sociaux de distribuer un milliard de francs aux plus pauvres ? », s'est-elle interrogée, déplorant que, « dans de nombreux cas », l'irruption du FUS aille « à l'encontre du travail à long terme engagé par les travailleurs sociaux auprès des familles ».
Même irritation chez Françoise Pellissard, assistante sociale polyvalente de secteur dans le Bas-Rhin (3), dans un courrier qu'elle a adressé aux ASH. « Nous n'avons pas attendu sur le terrain qu'un Fonds d'urgence sociale soit mis en œuvre pour soutenir un nombre grandissant de personnes en difficulté », rappelle-t-elle. Et elle dénonce le retour à une logique de « saupoudrage d'aides ponctuelles », alors que les pratiques des professionnels ont justement « essayé d'évoluer » malgré des contextes difficiles et une demande sociale accrue. « Les travailleurs sociaux se sont adaptés aux nouvelles exigences en essayant d'adopter une méthodologie » basée sur la prise en compte de la demande sociale par le biais de l'accueil personnalisé, son évaluation, puis après diagnostic, la préparation d'un plan d'aide avec la personne concernée, explique-t-elle. Aussi, « que doit-on penser de notre implication personnelle dans un tel dispositif qui renoue avec des pratiques de travail s'apparentant plus au travail social pratiqué au début du siècle qu'à du travail social réfléchi ? », s'interroge-t-elle.
Reste qu'au 30 janvier, 207 170 dossiers avaient été reçus par les différents services chargés de la mise en œuvre du fonds d'urgence sociale. Sur ce total, 46 114 ont été acceptés, 8 082 rejetés et 13 255 réorientés (il s'agirait de demandes déjà en cours, notamment dans le cadre du FSL ou des fonds CAF). 140 664 dossiers sont donc encore en cours de traitement. C'est ce qui ressort du premier bilan de l'utilisation du fonds qui a été réalisé, le 2 février, lors de la troisième rencontre entre les associations de chômeurs (AC !, APEIS et MNCP) et le comité CGT des chômeurs, avec Marie-Thérèse Join-Lambert, chargée du dossier. Ceux-ci ont prévu de se revoir le 9 février pour une réunion qui portera sur les jeunes.
(1) Voir ASH n° 2055 du 23-01-98.
(2) ANAS : 15, rue de Bruxelles - 75009 Paris - Tél. 01 45 26 33 79.
(3) Françoise Pellissard : 5, placette du Hameau -67270 Gingsheim.