« Mon parcours est à la fois classique et atypique », avoue d'emblée Marcel Groche qui, à 49 ans, vient de prendre en main les destinées d'Unites, aux côtés de Jean-Marie Schléret, son président (2). Même s'il le qualifie de classique, le cursus universitaire de ce fils d'ouvrier, né dans la région de Montbéliard, apparaît néanmoins brillant : classes préparatoires, philosophie, sociologie et, plus tard, un troisième cycle en sciences de l'éducation. Pourtant, n'ayant jamais voulu enseigner au lycée ou à l'université, il a commencé par travailler, en 1973, dans un centre de promotion sociale. Par ailleurs, explique-t-il, il a « toujours eu un pied dans l'action ». Ainsi, en 1968, il participe aux opérations du Secours rouge dans les bidonvilles. Et cinq ans plus tard, il soutient activement la grève emblématique des ouvriers de Lip, à Besançon. « D'un certain point de vue, j'ai plus appris lors de ce mouvement que dans les cours de sociologie des organisations », se souvient-il, avouant néanmoins y avoir laissé « quelques plumes ». Un engagement dont il tire une conviction : « Je ne crois pas au social sans implication. »
Après la parenthèse du service militaire, durant laquelle il découvre avec stupeur les ravages de l'illettrisme chez les appelés, il devient formateur en travail social, à Strasbourg. Là encore, il se distingue. « J'étais plutôt critique par rapport à la psychologie, alors dominante dans les centres de formation. Par ailleurs, je trouvais que l'on ne donnait pas assez de recul aux étudiants sur les sciences humaines. Il est important de vulgariser le moins possible, de donner les outils pour aller aux sources. » C'est également à cette époque qu'il entre au conseil d'administration du comité d'entente des écoles en économie sociale et familiale (ESF), première étape du chemin qui va le conduire jusqu'au secrétariat général d'Unites. En 1983, on lui propose un poste au centre de formation des CESF, à Limoges. Devenu directeur de l'établissement, il gère aujourd'hui, de front, la formation initiale, un lycée professionnel (BEP sanitaire et social), une promotion DSTS et un service de formation continue recevant aussi bien des professionnels du social que des jeunes ou des chômeurs. « Nous avons fait le choix d'organiser des stages d'insertion, explique Marcel Groche, mais il est vrai que ça n'est pas très courant de voir cohabiter des étudiants en travail social et des personnes en difficulté. »
Pourquoi a-t-il accepté des responsabilités au sein d'Unites ? La réponse fuse : « Je crois très important d'encourager la marche en avant de l'ONFTS [où se retrouvent Unites, le CNESS et le comité de liaison] vers la construction d'un organisme unique pour représenter les centres de formation. » Quant à savoir si le GNI (qui regroupe les IRTS) rejoindra ce nouvel organisme, « je ne sais pas mais nous partageons le souci de travailler en concertation », répond-il, manifestement soucieux de ne pas ranimer de vieilles querelles. Autre chantier important : la redéfinition du statut juridique et du financement des centres de formation qui devait faire l'objet du titre III de l'ex-projet de loi de cohésion sociale. « C'est encore un grand point d'interrogation, les scénarios ne sont pas véritablement arrêtés », constate Marcel Groche. Quant à l'avenir des professions sociales, le philosophe, même s'il s'avoue plutôt pessimiste de nature, estime avoir certaines raisons d'être inquiet. « Ce qui me préoccupe, c'est la place et le rôle des professions intermédiaires de l'aide, du soin et de l'enseignement. Elles ont été porteuses de l'utopie qui faisait fonctionner l'ascenseur social. Si elles entrent en crise, nous pénétrerons dans une zone à hauts risques », prévient-il.
(1) Unites : 1, cité Bergère - 75009 Paris - Tél. 01 53 34 14 78.
(2) Voir ASH n° 2049 du 12-12-97.