Tordant le coup aux idées reçues selon lesquelles les toxicomanes seraient incurables et les résultats, quoi qu'on fasse, toujours décevants, Sylvie Geismar-Wieviorka, défend au contraire la thèse selon laquelle le changement est possible et même souhaitable. Réfutant donc les attitudes d'abandon et de démission à l'égard de ces personnes en souffrance, elle entend montrer, cas cliniques à l'appui, que l'on peut les soigner et « faire mieux que de la maintenance ou du contrôle sanitaire et social ». Cette analyse issue de son travail avec les toxicomanes s'inscrit à un moment où l'idée de substitution prend le pas sur celle d'abstinence. Et alors que de « rebelle transgressif », le toxicomane devient victime ou malade.
A partir d'exemples très concrets, la psychiatre propose une réflexion pragmatique et nuancée sur la prise en charge, loin des oppositions réductrices (sevrage/substitution) et tenant compte de la variété des situations. Mais en fin de compte, quel sera l'objectif du soin aux toxicomanes ? « Leur permettre de vivre avec moins de souffrance la vie qu'ils choisissent de mener, avec ou sans la drogue » et « dans tous les cas, la notion de changement demeure fondamentale », affirme Sylvie Geismar-Wieviorka. Et dans ce cadre, le sevrage, encore trop souvent considéré comme « la solution au problème », n'est qu'un moyen parmi d'autres. Pas question pour autant d'afficher un optimisme pur et dur : si l'on peut soigner les toxicomanes en aidant bon nombre d'entre eux à inventer « un mode d'être au monde » moins dangereux, il est des situations où « soigner est a priori impossible », reconnaît avec humilité la psychiatre. Sachant qu'il n'est pas toujours aisé de distinguer ce qui est soignant de ce qui encourage la toxicomanie. Quoi qu'il en soit l'aide au changement suppose que l'intervention thérapeutique respecte les désirs et les limites de chaque patient et qu'elle tienne compte des logiques où ceux-ci sont enfermés. Mais la clinique ne peut s'exercer que dans un cadre réglementaire cohérent, défend cette praticienne, déplorant que la réduction des risques prenne le pas sur une révision politique courageuse.
Les toxicomanes ne sont pas tous incurables -Sylvie Geismar-Wieviorka -Ed. Le Seuil -120 F.