La Cour de justice des communautés européennes (CJCE) vient de rendre un arrêt très important en matière de libre circulation des travailleurs en Europe à propos d'un médecin spécialiste grec qui exerçait en Allemagne.
Elle a estimé, le 15 janvier, qu'était contraire au droit européen la clause d'une convention collective applicable au service public (1) qui prévoit un avancement à l'ancienneté, dans une catégorie de rémunérations déterminée, sans tenir compte des périodes d'emploi accomplies antérieurement dans le service public d'un autre Etat membre dans un domaine d'activité comparable.
Au-delà du cas d'espèce, cet arrêt semble important pour trois raisons. D'une part, la Cour s'est basée sur l'article 7 du règlement n° 1612/68 qui prévoit que « le travailleur ressortissant d'un Etat membre ne peut, sur le territoire des autres Etats membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé en chômage ». Ce fondement assez large pourrait aboutir à étendre cette solution aux conventions collectives du secteur privé voire aux différents statuts de fonctionnaires.
D'autre part, si cette solution reste limitée aux ressortissants communautaires, ce jugement n'en pose pas moins de sérieux problèmes d'adaptation en droit français. D'ailleurs, les responsables français ne s'y sont pas trompés et intervenant à l'instance ont souligné que « la reconnaissance du service accompli au sein d'une administration publique d'un Etat membre bouleverserait l'application des divers régimes applicables aux emplois publics dans les autres Etats membres, notamment en ce qui concerne les modalités de la prise en compte de l'ancienneté en matière de promotion interne et du déroulement de carrière ». Cet argument a été cependant rejeté par la CJCE estimant que ni le fait que « la fonction publique soit soumise à des règles d'organisation et de fonctionnement différentes dans les Etats membres », ni l'argument tiré des « caractéristiques particulières de l'emploi dans le service public » ne justifiaient une telle discrimination.
Enfin, la CJCE a été très claire sur les conséquences de son jugement. « Une telle clause d'une convention collective est nulle de plein droit », affirme-t-elle. Un juge national, saisi d'une affaire, « est donc tenu, sans demander ou attendre l'élimination préalable de cette clause par la négociation collective ou par tout autre procédé, d'appliquer aux membres du groupe défavorisé par cette discrimination le même régime que celui dont bénéficient les autres travailleurs ».
(1) En Allemagne, existe en effet une « convention collective fédérale concernant les employés du secteur public », couramment dénommée « BAT ».