L'appartenance d'assistantes maternelles aux témoins de Jéhovah peut-elle justifier le retrait ou le refus d'agrément pour l'accueil des enfants ? A cette question, posée par le président du conseil général de l'Hérault, le directeur de l'action sociale répond dans un long document. En se basant notamment sur la jurisprudence, celui-ci fait le point, sur la notion de « risque pour les jeunes découlant des pratiques des sectes ».
Concernant plus particulièrement les témoins de Jéhovah, la question de la compatibilité des règles qu'ils suivent avec les exigences relatives aux conditions d'accueil des enfants soulève les interrogations suivantes, note le DAS : « Est-il possible d'agréer des personnes qui se refusent à toute transfusion sanguine ? Les conditions d'accueil peuvent-elles être regardées comme satisfaisantes alors que les adeptes de ce culte se refusent, par exemple à célébrer certaines fêtes ainsi que les anniversaires ? »
La jurisprudence s'est déjà prononcée sur l'agrément des candidats à l'adoption. Selon le Conseil d'Etat, rappelle Pierre Gauthier, l'administration départementale peut légalement refuser à un couple, adhérant à la doctrine des témoins de Jéhovah, l'agrément requis pour adopter des enfants au motif que les intéressés ne présentaient pas les garanties suffisantes « en ce qui concerne les conditions d'accueil qu'ils étaient susceptibles d'offrir à des enfants sur les plans familial, éducatif et psychologique », dès lors qu'ils avaient exprimé sans ambiguïté leur opposition à l'usage de la transfusion sanguine. Le directeur de l'action sociale souligne toutefois que la Cour européenne des droits de l'Homme, par une décision du 23 juin 1993, a estimé qu'une décision de la Cour suprême autrichienne, annulant l'attribution de la garde d`un enfant à sa mère, témoin de Jéhovah, en raison notamment du refus de transfusion sanguine, méconnaissait les articles de la Convention européenne des droits de l'Homme interdisant les discriminations en raison de l'appartenance à une religion.
Cette jurisprudence du Conseil d'Etat est-elle transposable en tant que telle à l'agrément des assistantes maternelles ? Non, répond le DAS « dès lors que [les assistantes maternelles] n'ont aucune autorité pour s'opposer à une transfusion sanguine opérée au bénéfice des enfants dont [elles] ont la charge ». Cependant, le service chargé de l'instruction de la demande d'agrément est en droit d'interroger le candidat sur son comportement dans le cas où l'état de santé d'un enfant dont il aurait la charge nécessiterait une transfusion sanguine. S'agissant de la compatibilité des autres règles de vie suivies par les témoins de Jéhovah avec les conditions d'accueil exigées, il convient « de s'assurer, notamment au cours de l'enquête effectuée auprès du demandeur, si ce dernier entend les appliquer aux enfants dont il aurait la charge. Dans l'affirmative, dans un second temps, il est nécessaire de faire la liste des règles qui seront imposées aux enfants ainsi que des interdictions qui leur seront faites. Si le respect de l'ensemble de ces règles et interdits peut être regardé comme faisant obstacle à'l'épanouissement" de l'enfant, une décision de refus peut être légalement justifiée. »
Enfin, conclut Pierre Gauthier, il est souhaitable que l'attention des services soit attirée sur la nécessité de motiver les décisions de refus ou de retrait par des éléments de fait précis et d'éviter toute motivation stéréotypée qui justifierait la décision prise uniquement par l'adhésion à un culte.