Le 19 avril 1993, les partenaires sociaux de la branche professionnelle de l'aide à domicile signaient leur premier accord collectif « sur un statut des salariés à temps partiel ». Accord agréé par arrêté du ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle du 23 juillet 1993 et étendu par arrêté du 26 juillet 1993, ces deux textes ayant été publiés au Journal officiel du 30 juillet 1993 (1). Cette extension a eu pour effet de rendre l'accord obligatoire à tous les employeurs compris dans son champ d'application soit, en l'espèce, les « associations d'organismes employeurs de personnels d'intervention à domicile du secteur sanitaire et social non lucratif ». La Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP) a demandé l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté d'extension, contestant d'une part le caractère représentatif des fédérations employeurs signataires et, d'autre part la régularité de la procédure d'extension (2).
Se référant à l'article L. 133-1 du code du travail (3), la FEHAP soutenait, en effet, que l'accord du 19 avril 1993 ne pouvait être étendu au secteur sanitaire, les organisations patronales signataires n'étant représentatives que dans le seul secteur social. Un argument rejeté par ces dernières (4) qui ont rappelé, devant le Conseil d'Etat, que leur activité d'aide à domicile auprès des familles, des personnes âgées et handicapées, s'exerce aussi bien dans le secteur sanitaire que dans le secteur social (5). Et ont souligné, en outre, que la FEHAP n'intervient, quant à elle, que dans des établissements et non au domicile privé des personnes.
La FEHAP contestait, par ailleurs, la régularité de la procédure d'extension suivie (6), estimant notamment que celle-ci devait être engagée et menée à terme, postérieurement à l'agrément de l'accord. Invoquant la doctrine et la jurisprudence, les fédérations employeurs d'aide à domicile ont, au contraire, démontré que la procédure d'extension pouvait être engagée avant que l'agrément ait été obtenu, l'accord collectif ayant une existence juridique certaine dès sa signature.
Dans un arrêt du 29 décembre dernier, le Conseil d'Etat a rejeté la requête de la FEHAP et retenu l'argumentation des fédérations d'aide à domicile. Pour le Conseil, en effet, le moyen lié à la non-représentativité des organisations patronales signataires dans le secteur sanitaire doit être écarté « dès lors qu'il ressort [...] que les employeurs signataires emploient des personnels d'intervention à domicile à la fois dans le secteur social et dans le secteur sanitaire à but non lucratif, notamment des personnels aides soignants et infirmiers ». Sur l'irrégularité de la procédure, le Conseil d'Etat a considéré qu'en l'état actuel de la réglementation, rien ne s'oppose à ce que « la procédure d'extension d'une convention collective entrant dans le champ d'application de l'article 16 de la loi du 30 juin 1975 ne puisse pas être engagée avant l'intervention de l'arrêté d'agrément ». La réglementation exige seulement que l'arrêté portant extension soit postérieur à l'arrêté d'agrément. Ce qui était bien le cas en l'espèce.
Contactées par nos soins, les fédérations d'aide à domicile se sont déclarées satisfaites de cet arrêt, attendu de longue date, qui conforte la position de la branche professionnelle de l'aide à domicile. Pour elles, en effet, l'arrêt montre bien que la représentativité des signataires doit être appréciée dans le cadre de la branche d'activité de l'aide à domicile du secteur sanitaire et social, et non dans celui du secteur sanitaire et social. Une représentativité renforcée également par le fait que, depuis le 21 mars 1997, l'Union nationale des associations coordinatrices de soins et santé (UNACSS) a été officiellement reconnue comme partenaire de la branche professionnelle de l'aide à domicile.
Egalement interrogé, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité estime, pour sa part, que cet arrêt « semble indiquer de façon ferme et définitive » qu'il existe « deux pôles d'organisation du secteur sanitaire et social » : d'une part la branche professionnelle de l'aide à domicile et, d'autre part l'Union des fédérations et syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social, plus couramment dénommée « Unifed ».
(1) Voir ASH n° 1843 du 3-09-93.
(2) FEHAP : 10, rue de la Rosière - 75015 Paris - Tél. 01 45 78 65 59. Etaient intervenus aux côtés de la FEHAP, le SNASEA et la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer.
(3) Lequel prévoit que « la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel doivent, pour être étendus, avoir été négociés et conclus en commission composée des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré ».
(4) La FNAAFP, la FNAAMFD, la FNAFAD, l'UNASSAD et l'ADMR.
(5) Les trois conventions collectives du secteur (CC des organismes d'aide et de maintien à domicile du 11 mai 1983, CC des personnels de travailleuses familiales du 2 mars 1970 et CC des aides à domicile en milieu rural du 6 mai 1970) recouvrent plusieurs catégories de personnel notamment les travailleuses familiales, les aides-ménagères mais également les aides-soignants, les infirmiers et infirmiers coordonnateurs.
(6) Pour un dossier complet sur l'entrée en vigueur (agrément, extension notamment) des conventions et accords collectifs du secteur social et médico-social, voir ASH n° 1975 du 17-05-96.